phrasé

8 Août 2044

Nous étions si fragiles…

    Ce matin-là, je me prélassais au soleil sur le pont d’un voilier qui cabotait entre les îles grecques, après quelques plongeons dans l’eau fraîche et limpide d’une Méditerranée idyllique. La Grèce ne s’était jamais remise des plans d’austérité qui lui avaient été imposés par la Troïka, mais la gentillesse des habitants et la petite activité touristique qui les maintenait en vie, surtout en cette période de l’année et à l’endroit exceptionnel où je passais mes vacances, donnait l’illusion que tout allait bien dans le meilleur des mondes. Il était encore possible, hic et nunc, d’oublier l’enfer vécu par les autres et de se croire au paradis terrestre! Le nouvel optimisme des milieux d’affaires s’était propagé aux populations fortunées qui renouaient avec les délices de leur vie insouciante d’avant le drame de Boston et fuyaient tout ce qui pouvait altérer le cours heureux de leur existence, rêvaient à de nouveaux horizons sans éviter l’égoïsme le plus absolu, vivaient dans une douce euphorie à côté de la misère extrême sans vouloir y jeter un oeil, écartaient avec désinvolture la menace des monstres qu’elles savaient pourtant embusqués et prêts à bondir au moment le plus inattendu. La nouvelle éclata comme un coup de tonnerre lointain, entre deux romances estivales, quand la radio de bord délivra des messages destinés aux navigateurs. J’entendis sans les comprendre l’interdiction faite à tout bateau professionnel ou de plaisance d’accoster sur les rivages bretons et normands, ainsi que l’ordre donné à tous les navires de se dérouter pour éviter ou évacuer le secteur de la Manche. Je n’avais aucune conscience claire des implications de ces quelques phrases étonnantes entendues dans la torpeur de l’été. A mille lieues de mon cadre de vie habituel, j’étais sans doute peu disposée à m’emparer d’une nouvelle aussi énorme car les mots ne parvenaient pas à franchir la barrière de mon esprit, ne s’imprimaient pas sur le journal de bord que je tenais dans ma tête…

Au commencement

Atelier d’été Tiers Livre 2019

     Fragilité du bâtonnet friable, cassable, tenu entre le pouce et l’index en prolongement des doigts, comme un crayon, un stylo ou un pinceau, pour extérioriser la pensée et le désir d’exprimer le monde, les couleurs du monde, l’éclat du monde, la beauté du monde, le premier matin du monde, les fragilités du monde, les petites constructions humaines blotties dans les interstices du monde, l’immense du monde et son mystère insondable, ses sources de lumière et ses zones obscures, la neige éternelle au sommet des montagnes, le surgissement infini des vagues de l’océan, les vastes prairies, les nuages dans le ciel, les moindres variations de la lumière reproduites par la fine poussière crayeuse des bâtonnets de pastel!… A la source de l’enfance, les premières craies du tableau noir, blanches ou de couleur, les doigts qui dessinent des formes ou tracent des lignes d’écriture en tapotant le support rigide, l’éponge qui efface, les frises de lettres tracées au crayon de bois sur les pages du premier cahier, mots initiaux, premiers pas de l’écriture, le moi se découvre agissant sur le monde en écrivant-dessinant, couple indissociable de l’écriture-dessin, magie de la phrase ou de l’image se faisant-défaisant, les mots et les couleurs re-créent le monde, émotion première de l’enfant émerveillé qui ressaisit l’adulte quand ses craies de pastel déposent leurs pigments sur le support granulé qui les accroche… Le dessin ou le texte en devenir suspendu dans le vide d’une page blanche ou d’un support monochrome se couvre peu à peu d’assemblages de mots ou de poussière colorée, un nouveau monde est en gestation, des étoiles, des planètes et des soleils prennent forme, un vent intersidéral fait valser la poussière, du chaos émerge des harmonies de sons ou de couleurs dévoilées par la danse d’un simple bâtonnet tenu entre les doigts…

Abandon

Atelier d’hiver de François Bon

Mes contributions

     Journée idéale, quand le rituel du café achève la transition entre les activités matinales qui ont maintenu l’esprit en éveil et la demi-somnolence propice à la rêverie qui suit le repas de midi… la caféine fera effet plus tard, quand le corps calé entre les coussins d’un canapé se fera oublier pour laisser place à l’immense espace imaginaire ouvert par l’écran de la tablette tenue entre les mains… Plus rien d’autre n’existe… le monde a été aboli… à  la vérité, c’est la dureté du monde qui a été neutralisée… les bruits sont inexistants ou très atténués, il ne fait ni trop chaud ni trop froid, le corps ne ressent ni la faim ni la soif, il se repose de ses fatigues, loin, très loin des réalités quotidiennes, dans un repli égoïste, à l’écart des luttes communes pour la vie, loin, très loin des angles coupants du langage trivial, à la recherche d’un autre langage qui serait primordial, d’une vérité sécrète qui serait enfouie au plus profond de la chair… et que les mots tenteraient de ramener à la surface de la conscience… La page blanche est d’abord un abandon au grand Silence, vertige nécessaire, condition indispensable pour que s’ouvrent les grands espaces imaginaires!… Une sorte de torpeur envahissante aide le vide à s’installer, plus rien n’a d’importance, le temps s’arrête, il semble que s’installe un instant éternel… Les doigts alors pianotent sans savoir ce qu’ils écrivent, guidés par les mots sur une route inconnue dans la direction de nulle part… Sur l’écran, des signes apparaissent ou disparaissent en clignotant comme des étoiles, la navigation se fait au jugé, un sillage se dessine, la traversée se poursuit contre vents et marées, le bateau tangue, le bateau s’enivre, le bateau risque de couler à chaque embardée… quel est ce regard intérieur qui tente d’évaluer les dangers comme un bon capitaine de navire?… Toutes les journées, bien sûr, ne sont pas idéales, mais le besoin de tourner le dos au monde finit toujours par soustraire au réel ces moments de grâce où les mots vagabonds sont cueillis au hasard d’une rêverie par l’esprit vacant même au milieu d’une foule, même dans les secousses d’un transport en commun, en se glissant dans les fissures qui lézardent le mur du calendrier quotidien… l’élan est trop court, il n’ira pas jusqu’au bout de la phrase, mais la tablette nomade est à portée de main pour en conserver la trace…

Une histoire

Atelier d’hiver de François Bon

Mes contributions

     L’amorce d’un chemin bordé de grands arbres dont les plus hautes branches se rejoignent pour former une voûte; le feuillage tamise la lumière, la terre moussue amortit les pas, quelques notes se font entendre, chant alterné d’oiseaux qui se répondent… Au loin, à l’embranchement de plusieurs allées, s’élève une petite construction métallique circulaire surmontée d’un toit, qui pourrait abriter le concert donné par les oiseaux… les tiges de fer sont rouillées, mais le plancher paraît encore assez solide pour supporter le poids de plusieurs musiciens. Au-delà du kiosque, le chemin mène à un étang dont la surface légèrement ridée par le souffle de l’air reflète l’image mouvante d’un château, inoccupé depuis la fin de la seconde guerre mondiale… Les héritiers ne se sont jamais manifestés et la commune en est devenue propriétaire, mais la petite ville d’Hazinghem, dans le Nord de la France, est trop pauvre pour le remettre en état, elle se contente d’entretenir le parc.

     Cet endroit avait hanté mes nuits… Je n’ai pas jeté la lettre, je suis allée au rendez-vous… Les archives de la mairie ont conservé de vieilles gazettes qui évoquent les fêtes somptueuses organisées dans le domaine par l’ancien propriétaire, un grand bourgeois issu d’une des familles les plus fortunées de l’industrie textile française de l’époque. Des photos prises entre 1920 et 1938 représentent le château et son kiosque à musique sous différents angles; les invités sont assis sur des chaises de jardin ou déambulent dans les allées du parc, leurs vêtements élégants témoignent de l’évolution de la mode, le style des années folles devient plus sage après la crise de 1929… La photo la plus récente met en lumière un jeune violoniste que mentionne la gazette locale comme étant le fils d’un ouvrier de l’usine familiale qui jouxtait le château; en 1940, les bombardements avaient épargné celui-ci mais détruit complètement l’usine et le quartier…

     Des vagues de réminiscences troublent l’eau étale de la mémoire, des reflets affleurent de souvenirs en pleurs, des images floues se superposent et se désagrègent, une force obscure venue des profondeurs repousse toute tentative de recomposition, la conscience semble se refuser à la formation d’images précises, les paillettes de soleil bondissantes entre des barrières d’ombre éblouissent le regard comme pour l’empêcher de fixer ce qu’il ne veut pas voir…

     J’avais réussi à tout oublier… Le développement de cette histoire pourrait être multiple, mais une force irrépressible aimanterait l’écriture vers un point crucial ou cruel qui resterait douloureusement insaisissable… La progression en aveugle se heurterait à des zones d’ombre à travers lesquelles les phrases creuseraient leur sillon jusqu’aux limites du supportable… L’écriture est un défi opposé au monde, les premiers mots sont comme les premiers pas, l’essentiel est de tenir debout… Davantage qu’un chemin vers l’inconnu, l’écriture est un cri de désespoir lancé par quiconque essaie de retrouver la lumière du jour ou le pouvoir de la parole… Le livre qui parviendrait à raconter cette histoire – ou une autre (l’histoire d’un jeune violoniste, celle de la mort d’un jeune aviateur anglais…) – n’aurait pas le pouvoir de changer le réel, mais percerait l’opacité de la Nuit… il serait gravé pour toujours à la surface de l’éternel Silence…

Fausses notes

Atelier d’hiver de François Bon

Mes contributions

     Il ne rase pas les murs mais se fond en eux comme un passe-muraille. Il est invisible. Sa vie apparente est calée sur ses horaires de bureau. Petit fonctionnaire gris, a lâché un jour sa voisine moqueuse…Transparent, dénué d’ambitions!… Il est souvent pris pour un imbécile, le sait, mais n’en souffre que modérément. La vraie vie est ailleurs. Sa vie. Celle qu’il rêve de vivre à temps plein et non par intermittences, en dehors des horaires de bureau. La souffrance n’est pas dans le regard ironique ou méprisant des autres, mais dans ce décalage entre sa vie rêvée et les contours assez hideux de la réalité dont il se sent prisonnier. Il a heureusement développé la faculté précieuse, qui l’a jusqu’à présent sauvé des pires situations, de s’abstraire du monde qui l’enserre en s’enfuyant sur le premier nuage qui passe. De là-haut, le recul est saisissant. Plus rien n’a vraiment d’importance, ou si peu. Les préoccupations des uns ou des autres lui paraissent insignifiantes. La voisine gonflée de prétention n’occupe pas plus d’espace qu’une fourmi. Sur son nuage, il oublie le monde et se sent non pas heureux (le bonheur lui semble incongru) mais en paix avec lui-même. Des mots se forment alors dans le vide de son esprit. Il les entend en même temps qu’il les voit, et les regarde s’assembler en phrases qui se défont à peine écrites comme les fausses notes d’une mauvaise musique. Il voudrait écrire comme Proust ou comme Melville. La tâche est évidemment impossible, ou absurde. Il sent pourtant en lui une parenté certaine, bien qu’étrange, avec les personnes qui se cachent derrière ces noms d’écrivains… Les microgrammes de Walser, les tropismes de Nathalie Sarraute, n’ont de cesse de lui montrer un chemin d’écriture… Son attirance pour le minuscule ou l’insignifiant pourrait le détourner du parisianisme et des fastes mondains de la Recherche, mais elle le tient par l’enfance du narrateur, l’impondérable d’une odeur ou d’une saveur, l’équilibre fragile des réminiscences, les mille et unes digressions de la phrase qui s’échappent vers une improbable destination, la poursuite rêveuse d’un temps hors du temps qui distille l’illusion que le temps perdu se rattrape, la vérité d’un monde immatériel auquel l’accès n’est possible qu’à travers l’expérience d’un temps retrouvé… Il laisse venir à lui des idées de romans ou de nouvelles qu’il ne se sent pas capable de développer, n’écrit que de tout petits textes qui ressemblent à des poèmes, tente d’exprimer la quintessence de ses états d’âme, sensations ou réflexions en faisant confiance aux premiers mots que l’inspiration lui souffle, n’atteint jamais l’intensité et la précision qu’il souhaite, bute obstinément contre l’obstacle qui sépare le langage de ce qu’il cherche à dire au plus près de ce qu’il ressent, désespère d’y parvenir un jour, se découvre privé du don de l’écriture alors qu’il se sent écrivain au plus profond de lui-même…

éphéméride.1

Impressions du jour

Texte écrit en alternance avec Isabelle Pariente-Butterlin, que je remercie

de m’avoir proposé ce nouvel échange.

     « Il y a quelque chose qui se joue dans notre échange, autour de la vérité des jours, qui ne pouvait naître que […] de la sincérité de l’écriture dans l’échange. Il nous emmène très sûrement dans l’inexploré. »

     I.P., 2 mars 2015

    

2015

31 janvier

    Une fine pellicule de neige sur le sol ce matin, neige craquante et miroitante sous un grand soleil qui la fera fondre très probablement dans quelques heures…

     La neige a fondu et le soleil a disparu à l’image de nos vies qui fondent et disparaissent.

     Sur l’écran de ma mémoire, cinéma confidentiel, projection en noir et blanc des scènes de mon existence avec leurs parts d’ombre et de lumière. Impression que ma conscience danse et scintille comme les taches de lumière qui zèbrent la pellicule des vieux films. Sensation de légèreté en regardant les flocons qui recommencent à tourbillonner, ce soir, sous la clarté de la lune.

***

1er février

     Il aurait pu neiger mais il n’a pas neigé. Il était si facile d’imaginer dans l’air froid les mouvements des flocons dans l’air froid et épais. Quand je me suis levée, tous les possibles du jour étaient ouverts en éventail, et au fur et à mesure de la journée, ils se sont resserrés, ils ont rétréci, ils sont devenus de plus en plus étroits, jusqu’à se resserrer, n’être presque plus rien, jusqu’à me laisser me retirer du jour et de son absence, pour aller retrouver les rivages du soir.

      Il n’y eut presque rien à faire, sinon les lignes à écrire, et la musique à écouter. J’oublie que je sens encore dans la pulpe de mes doigts les cordes du violon et la répétition en boucle de cette phrase de Vivaldi.

     Il n’y eut presque rien à faire, sinon pour finir, quelques phrases en Anglais et la chaleur du four qui écartait l’hiver. Ce jour, comme un autre, va-t-il s’effacer ?

***

Si tu savais comme je m’en veux d’être adulte …

Isabelle Pariente-Butterlin

 

… et parfois, ces grosses larmes dont toi seule a le secret, elles commencent à couler, sans qu’on comprenne toujours pourquoi, sans même qu’on ait le temps de réaliser ce qui vient de se passer, ce qui t’a touchée en plein cœur. Si tu savais alors, les reproches que je me fais, et comme je me sens maladroite et brutale, quand ces larmes énormes et transparentes se suivent les unes après les autres, sur l’arrondi de ta joue, soudain en feu.

J’ai des excuses et je n’en ai pas.

Tu sais, c’est toujours comme ça, je rentrais de loin, j’étais fatiguée, je titubais de sommeil, tu étais contente de me revoir, nous avions tardé, repoussé dans les lointains le sommeil, raconté des histoires, encore une autre, toi d’abord, ensuite moi, ri, toutes les trois, échangé des secrets, puis, pourtant je le savais, l’heure avançait, soudain elle m’a rattrapée, je m’étais rendue compte que le jour m’échappait, le monde adulte m’a saisie, avec cette emprise froide et angoissante qu’il sait opposer à tous les élans, parfois, je le sens, quelque chose se resserre, et il n’y a plus moyen de faire autrement, il y avait encore des choses à faire, je ne te raconte pas cela de la vie d’adulte, mais elle est aussi tissée de ces mouvements contradictoires et inverses qui s’annulent et s’éteignent, c’est comme ça, la vie d’adulte, je déteste,

ce n’est pas une excuse.

Je suis partie faire ces choses idiotes qui usent le jour jusqu’à la corde, et qui s’inscrivent dans la série continue des « il faut », « il faut … », opérateur modal de la vie adulte, toute phrase introduite par « il faut » est la phrase asservie d’un adulte qui plie l’échine devant la vie, je les déteste et je déteste plus encore m’entendre les prononcer, et me les opposer toute la journée, là j’en étais à un « il faut » absurde qui devait être de l’ordre « il faut faire la vaisselle et ensuite il faudra que je réponde à mes mails et après il faudrait pas que je me couche trop tard », parce que en général ils ont la perversité de se contredire et de tendre des pièges dans lesquels on tombe.

Et quand je suis revenue, un peu plus tard, parce qu’il y avait des petits bruits que je ne comprenais pas, que je n’identifiais pas, tu m’es apparue, toute petite, minuscule, perdue dans la nuit dont je pensais qu’elle t’enveloppait doucement, ton petit visage dévoré de larmes et crispé sur les oreillers creusés et qui commençaient à être humides, m’a saisie, il est venu se graver dans ma mémoire. Tu pleurais à chaudes larmes, parce que je ne t’avais pas embrassée.

Si tu savais comme je m’en veux d’être adulte …

 

Isabelle Pariente-Butterlin _ Licence Creative Commons BY-NC-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 5 mai 2012.

 

Ce lien très essentiel de nos phrases avec le monde

Isabelle Pariente-Butterlin

 

Aussi loin qu’il soit possible, je trouve, aussi loin qu’il soit possible de remonter, une accroche de langage avec le silence du monde. Une accroche de langage avec le silence de l’être. Ma main dans la tienne, nous marchions, selon les méandres du minuscule chemin des pommes, et nous trouvions des noisettes vertes et des pois de senteur, et des rimes et sans doute aussi les froissements des envols.

La voix est une caresse.

Tremblement de l’air, vibration de l’être, réunies dans un même élan : la voix. Et dans la voix, l’attention accueillante, l’air tremble, l’être vibre. Les inflexions, qu’on peut suivre. Lignes mélodiques montantes et descendantes, lignes entrecroisées dans le contrepoint du lien qui se tisse entre le monde et soi. Entre soi et le monde. Fibre du cœur et du monde, à l’unisson. Comprendre, avant même de comprendre le sens et la signification, et les concepts, et les idées, comprendre, le geste même de cette accroche.

La tessiture de la voix entoure, de la texture des liens qu’elle crée avec le monde, entoure l’être, le retient, entoure, oriente, oriente les pas et le regard, et les gestes, et le sourire. Accroche du langage sur le silence du monde, sans elle, immensément silencieux et traversé seulement parfois, d’échos incompréhensibles, accroche de la voix, ici, au cœur de l’être.

Sans quoi la dérive silencieuse, et vaine, à quoi, nous serions réduits, tous, dérive des fortunes de mer.

Puis le silence devient rien de plus qu’une pause dans le phrasé du monde. Le monde est un phrasé. Revenir en soi, se replier, revenir en soi, silence, se retrouver, te retrouver, il y aura bien un jour où je ne pourrai plus te retrouver que dans le silence de mes impressions, mais ce phrasé là je l’étends sur le monde, je le tisse, je ne l’abandonne pas, ce lien très essentiel de nos phrases avec le monde, je ne l’abandonne pas, je me tiens à lui.

Comme je me suis tenue à ta main.

 

Isabelle Pariente-Butterlin _ Licence Creative Commons BY-NC-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 8 avril 2012.