Mon corps
en guerre
livre bataille
sans mon accord
mon cœur le déserte
je l’entends battre comme un tambour
mêlé au souffle du vent
au fond d’un bois
le ciel entre les branches
accueille mes pensées
papillons de nuit
elles s’envolent vers les étoiles
poèmes
Au loin
Écoute la pluie chanter ou rire le soleil
Sur le chemin, il y a toujours un arbre, une fleur, un oiseau
Pour faire battre ton coeur, parfois si triste…
A tous vents
tctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctc
tctctctctctctJe suis un lieu-dittctctctctctc
tctctctcmon prénom est paraboletctctctctctc
tctctctcttu peux t’y arrêter un moment pour prendre ton élantctctctctctc
tctctctctje suis un lieu de passagetctctctctct
tctctctctctctun lieu de courants d’air où se bousculent tous les mythestctctctctctc
tctctctctet toi le passant tctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctc
tctctctcttu cueilles l’histoire pour y projeter ton désirtctctctctctct
tctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctctc
Entre deux mots
Imiter à la l imite
réitérer l’itinéraire perdu
ne pas s’é carte r de la carte tracée à la lumière de la nuit
ne pas nuire au futur et fuir s’il le faut au plus près de la foule et du bruit pour éviter la tentation du neuf
aujourd’hui, je le dis, je recommence l’aventure du Verbe et de la Vie
je serai à la fois toute proche et très lointaine, terrestre et céleste, claire et obscure, géante et minuscule, banale et nécessaire
je ne sais rien et rien moins que rire d’éc rire
mon paysage est une ligne pas même un rideau
de l’autre côté existe tout ce que je désire
ma couleur préférée est le blanc pour n’avoir pas à choisir entre la pourpre et le bleu de Prusse
au centre de mon royaume rêve pourtant un enfant qui barbouille grandeur nature
Acmé
Douceur de l’instant si intense et si ténue, pesanteur abolie, corps en lévitation, accord parfait de tous les sens en équilibre… les mots s’envolent ou glissent sur le papier lisse, les nuages et la lumière dessinent le ciel comme on écrit sur une page diaphane!
Formes et couleurs
Vert tendre
ronde la pomme
rouge l’oiseau
dans le jardin bleu
sous les nuages blancs
à l’ombre de mon arbre
Le bruit léger de mes pas
La campagne est silencieuse
et immobile, aucun souffle n’agite
les feuillages encore tendres
contre le front du ciel gris
si pâle aujourd’hui, tristesse
de la couleur absente, joie
de la marche libre, au coeur
de la vie qui bat, au loin
le clocher du village
et les maisons regroupées
sous les nuages bas
et lourds
bientôt, le crépitement de la pluie
accompagnera
le bruit étouffé de mes pas
Éclats de vie
Puissent mes pensées s’épanouir et faner
Comme les pétales des corolles de fleurs
Légères et graciles, belles sans nécessité
Aimant le soleil, ouvertes à tous les bonheurs
Et semer à tous les vents des graines d’amour
Depuis la première heure à la tombée du jour
Puissent-elles, le soir venu, embrasser la nuit
Sans craindre l’obscur, en écoutant les étoiles
Froufrou lumineux dans le ciel, tomber en pluie
De perles dorées sur le lit de mort nuptial
De la vie qui me fuit, et se joindre gaiement
Au chant éternel qui scintille au firmament
Petite fable
Des mots sortis de leur contexte se promènent dans le ciel
s’installent au soleil
puis choisissent un petit nuage blanc
en forme de parapluie
pour se mettre à l’abri du vent.
Quand l’orage gronde
ils se font grandiloquents
se croient assez forts pour résister aux éléments
se prennent même pour le Verbe tout-puissant
jusqu’à ce que la foudre
en les pulvérisant
les rejette aux quatre vents.
Éclaboussures
Je voudrais puiser dans la mer un bol de bleu
et boire la lumière du ciel en feu
Je voudrais peindre ma maison en blanc
et en offrir les murs au vent
Je voudrais murmurer aux arbres
les mots effacés sur leurs feuilles
Et composer avec la pluie
des symphonies inouïes
Je voudrais me baigner dans un chant oublié
et psalmodier pour l’éternité
Je voudrais étreindre la Terre
pour éteindre la nuit
Le réel et l’inimaginable
Ce geste tendre
ta main si douce
rien ne pourra jamais l’empêcher…
Ce baiser sur le front
ton rire aux éclats
rien ne pourra jamais l’empêcher…
Nos départs à l’aurore
nos promenades paisibles
l’émerveillement partagé…
Rien ne pourra jamais l’empêcher.
Un écho, dans le coeur, répond à la beauté du monde. Les couleurs or et pourpre de l’automne, comme celles du crépuscule, magnifient l’approche de l’hiver et de la nuit.
Quand il fera noir et très froid, il faudra essayer de ne pas avoir trop peur…
Sous la voûte du ciel, impressions
Proposition 6/Atelier d’écriture de l’été 2017 Tiers Livre/18 secondes
Nuit claire. Quelques nuées seulement entre lesquelles apparaissent les étoiles. Au loin, pointillé orange d’une route ou d’un alignement d’habitations, entre les enseignes lumineuses bleues, rouges ou vertes des zones commerciales éparpillées dans la banlieue proche. Clignotement des feux de position rouges d’un parc d’éoliennes…
Le CD introduit dans le lecteur semble de mauvaise qualité. Éjection, suivant. Mozart, ou Tchaïkovski?… Les applaudissements crépitent, le concert avait été enregistré le … imaginer, revoir le chef en train de saluer… faire partie de nouveau, ou rétrospectivement, du public admiratif qui anticipe le plaisir que l’orchestre, conduit par… est sur le point de lui procurer!… Silence… Le silence qui s’est instauré après les applaudissements est suspendu à la pointe de la baguette de l’immense chef X vénéré par le public…
La voiture glisse sur l’asphalte. Peu de véhicules circulent à cette heure tardive. Instants suspendus à une dimension du monde qui semble irréelle… Quelques notes claires brillent comme des étoiles à travers le rideau de silence qui glisse lentement sur ses rails, points d’or ou d’orgue dans l’océan de la nuit… La voiture tangue comme un bateau ivre…
Un vent de violons secoue les notes solitaires du pianiste. Les voiles claquent et se tendent, la symphonie prend son envol… Le flux sonore emplit l’habitacle, plus rien d’autre n’a d’importance.
La vue est panoramique, rien n’arrête vraiment le regard hormis les étoiles dans le ciel et les lumières au loin qui traversent la nuit. La voiture semble s’enfoncer dans l’infini comme le son s’élève au plus haut de la plénitude musicale…
Tout peut s’arrêter, tout s’arrêtera. Pourquoi ce sentiment d’éternité en se laissant emporter par la musique et le roulement de la voiture sous la voûte du ciel à peine obscurci?
Silence… Les instruments de l’orchestre se sont tus… Léger malaise dans l’attente de la suite… Quelques notes, enfin, s’élèvent à nouveau comme arrachées au vide sidéral, sidérant… Le soliste se bat contre l’inanité sonore. Tente d’arracher au néant une note ultime qui lui serait refusée. Les cordes du violon sollicitées par l’archet frissonnent et tremblent jusqu’à l’épuisement… jusqu’à la dissonance obtenue soudain d’une main devenue ferme qui corrige progressivement le son étrange venu des abysses en cherchant à atteindre le Graal musical… Le miracle a lieu. L’émotion me submerge…
Avant la nuit
Douceur
les couleurs ne sont pas encore effacées
les lampes des maisons sont pourtant déjà allumées en prévision de la nuit
Douceur de l’instant
l’intensité du jour s’atténue pour accueillir le soir
le soir fait miroiter ses habits soyeux pour faire honneur au jour
Instant magique
qui abolit le temps
il ne fait plus jour mais il ne fait pas nuit
sensation un peu irréelle
qui donne le sentiment de l’éternel
A l’intérieur de la voiture chante la musique de Mozart
modulation infinie des notes claires
l’âme est légère, emportée par un ange espiègle
des guirlandes de lumières joyeuses jalonnent la route à travers la campagne
Invitation à la danse
Intemporel
Le paysage défile
la voiture file vite
trois gouttes de pluie
sur le pare-brise
dégoulinent
les éoliennes dans les champs
agitent leurs bras en cadence
le souffle de la brise apporte les parfums
du soir
l’angélus est passé, on ne s’arrête plus
pour prier
le ciel au-dessus de nos têtes
se couvre de nuages courroucés
mais le soleil n’est pas encore couché
il n’est pas cou coupé
la lumière est douce
elle tamise les soucis de la journée
la route est comme un pont suspendu
entre deux moments qui se repoussent
il n’y a plus d’avant, il n’y a plus d’après
le trajet est toujours identique
mais le voyage
toujours recommencé
s’émancipe, prend son envol
qui suis-je, où vais-je, quelle importance?
elle est où
l’éternité?
Au volant, en passant
La vitesse
ouvre l’espace
la route invente
un cinéma monotone
au décor immuable
seul le ciel change
et les saisons
aujourd’hui, le paysage est vert et jaune
autour de quelques éoliennes blanches
qui jalonnent le trajet
le soleil se couche en beauté
comme j’aimerais le faire
le soir de mon dernier souffle
la lumière est plus belle que le jour
avant la nuit
plus tendres sont les amours
au crépuscule
un parfum se répand
de fleurs caressées par le vent
dans l’habitacle de la voiture
l’air est léger
de chaque côté de la route
on dirait que les arbres ont envie de danser
Inexplicable
La joie quand même, la joie toujours, une joie triste, une joie qui ne sait pas qu’elle sait ou qui sait qu’elle ne sait pas, une joie têtue, une joie douce, une joie qui aime aimer, une joie enracinée, une joie plus difficile à arracher que les ronces, une joie fragile, une joie qui pleure, une joie qui doute, une joie qui regrette, une joie qui pense que le monde est mal fait, une joie qui voudrait se cacher, une joie qui est, une joie qui voudrait demeurer, une joie moins absurde que le mal, une joie qui soustrait du mal au mal, une joie vitale, une joie primordiale, une joie essentielle, une joie qui chante, une joie qui enchante, une joie magicienne, une joie qui change tout…
Instants
Arpèges Si peu trois mots deux silences le soupir de la lune l’eau claire d’une nuit d’été la chanson douce des étoiles du bout des doigts sur la corde d’une guitare dans le…
Source : Instants
Il neige
Mortelle absence
L‘eau s’écoule et je demeure meurs
je lui avais donné mon coeur
le temps s’enfuit et nos amours
je ne crois plus à son retour
sous le pont gris de nos soupirs
coule la tristesse des jours
à venir, vides à en mourir
La chanson est monotone
soleil noir des jours enfuis
traîtresse joie dans la nuit
son souvenir m’abandonne
caduques les promesses tombent
comme les feuilles en automne
elles m’emportent dans la tombe
Tournez, manèges enfantins
tant que dure le bonheur
moins dur sera le destin
l’amour fait tourner les cœurs
écoutez la ritournelle
les rêveries ont des ailes
les amants n’ont pas de rancoeur
Les corps fatigués se frôlent
dans la ville souterraine
les fantômes jouent leur rôle
pour consoler les âmes en peine
ils vont de tunnel en tunnel
chercher l’amour éternel
mais la nuit reste souveraine
Elle cueillait le jour comme une fleur
mais tu as laissé tomber son coeur
écoute la ritournelle
elle n’avait pas de rancoeur
elle cherchait l’amour éternel
les rêveries ont des ailes
le temps s’écoule aujourd’hui sans elle
Texte écrit pour les Vases communicants du 2 décembre 2016
Photos : Marie-Noëlle Bertrand
Plaine qui court
Des tons fauves, étalés sur les bas-champs inondés. A perte de vue la plaine qui court, et le ciel rempli d’amour qui fait pleuvoir l’azur. Etrange assemblage qui étonne le regard, titille l’âme. L’eau s’est substituée à la terre, les saules ont déposé leurs pleurs sur les marécages gelés. Sur les nappes immobiles, sur la végétation figée, sur les teintes uniformément éteintes, la lumière réfractée fait flamber la vie. Dans ce reflet de l’été sur l’hiver, dans cet assemblage insolite d’éléments qui ne sont plus domestiqués, l’âme a reconnu le carrefour où elle campe, en attendant l’éther éternel été…
Comme horizon, l’éternité…
Les Vases communicants sont des échanges croisés de textes et d’images entre sites ou blogs imaginés par François Bon (Tiers Livre) et Jérôme Denis (Scriptopolis), qui ont lieu chaque premier vendredi du mois. Leur animation et la collecte des textes sont assurées par Marie-Noëlle Bertrand après l’avoir été pendant de longues années par Brigitte Célerier puis Angèle Casanova. Marie-Noëlle m’a proposé de très belles photos entre lesquelles je n’ai pas pu choisir et qui ont chacune guidé mon envie d’improviser avec elle sous la forme de septains vers de lointains horizons. Je remercie Marie-Noëlle pour la publication de mon texte sur son blog et j’accueille ici le sien avec une profonde amitié.
***
E ntretenir en soi, comme merveilles,
toutes les couleurs, harmonie du monde,
la lueur d’or des couchers de soleil,
des nuages cendrés le cri dans l’onde.
la clarté au bout de la nuit profonde.
Hors les chaînes, croire en la liberté,
infinité de voies à explorer.
D ans le silence lumineux du monde,
du bruit n’être plus le diapason.
Accueillir les résonances profondes,
scruter les abîmes de déraison.
Les lointains ne sont pas seul horizon.
Voyage secret, creuser son sillon,
de chenille devenir papillon.
L orsque le présent ne s’imprime plus,
qu’en lambeaux, le passé se désagrège ;
aux éclats de souvenirs dévolue,
la mémoire, voilée de sombre neige,
joue ses derniers tours comme sortilèges.
Inattendue, s’offre une aube nouvelle :
inespérés dialogues de dentelle.
P ar l’ultime faux-pas, vie chavirée.
Otage de ton corps lâché aux chiens,
ton esprit s’est peu à peu égaré.
Perdue malgré la compagnie des tiens,
en l’espace de quelques jours de rien,
chemin de souffrance enfin achevé.
En l’éternité, calme retrouvé.
Photographies : Françoise Gérard
Septains : Marie-Noëlle Bertrand
Éclats de voix
La joie se souvient…
Silence piégé
dans l’air glacé
la joie se souvient
Un jour
une autre nuit
le souvenir est si doux
A la source des larmes
résurgence
de mots autrefois entendus
Douceur inouïe
dans le désert de la nuit
de ces paroles anciennes
aujourd’hui emmurées
dans le tombeau du temps
Des murmures s’échappent
et la joie se souvient
que dire
dos au mur
qui ne soit pas trop dur
Sous le regard de la lune
les larmes se figent
jaillissement inattendu
de l’eau claire d’une voix
Fragile oasis
mirage
l’étau de la nuit
enserre les tombeaux
Dans l’air glacé
comme une hallucination
la voix vole en éclats
l’écho résonne comme du cristal
Texte et image : Françoise Gérard
Arpèges
Si peu
trois mots
deux silences
le soupir de la lune
l’eau claire d’une nuit d’été
la chanson douce des étoiles
du bout des doigts sur la corde d’une guitare
dans le jardin parfumé de jasmin
quelques notes en cascade
éclaboussent les passants
en riant
La sauvageonne
Eté 2016: l’atelier d’écriture de François Bon
Là… chemin de terre aux talus piquetés de petites fleurs sauvages… la sauvageonne… elle habitait avec sa mère dans une masure branlante cachée au fond d’un bois éloigné du village… Les rumeurs et les fables alimentaient les jeux des enfants qui avaient ou faisaient semblant d’avoir peur de s’approcher de ces êtres qui ne paraissaient plus avoir figure humaine aux yeux mêmes des adultes… Les conversations des hommes accoudés au comptoir du café ou des femmes sur la place du marché entretenaient le feuilleton des ignominies auxquelles étaient censées se livrer les deux pauvres femmes… On disait que la mère était une sorcière et que la fille était envoûtée… on disait qu’elles jetaient des sorts à quiconque se trouvait sur leur chemin… on disait qu’elles venaient d’un pays lointain peuplé de romanichels… on disait tant et tant de choses… on chuchotait qu’elles avaient tué un homme et séquestré des enfants… Or, ce jour-là… à cet endroit précis du chemin de terre qui serpentait dans la direction du bois maudit… la vapeur s’élevait de la terre, des rideaux de brume enveloppaient les pensées rêveuses… l’espace traversé n’était plus tout à fait réel… comment démêler le vrai du faux quand le pouvoir de l’imagination produit des sensations aussi intenses?… Elle était là, printemps de Botticelli, parée de colliers de fleurs, penchée sur les talus du chemin pour y cueillir les corolles qu’elle fixait dans sa longue chevelure blonde, nimbée d’or et d’argent sous l’effet de la réfraction de la lumière dans la rosée du matin… et quand elle se relevait, son visage mêlait le rose de son teint au bouquet champêtre qui se déplaçait autour d’elle entre les bords du chemin… Les papillons embrassaient ses cheveux, les oiseaux voletaient à ses côtés, on croyait entendre la musique des anges… comme si la sauvageonne, portée par l’un d’eux, venait de descendre du ciel… Car c’était bien elle. On l’avait vue se diriger vers la masure et offrir une brassée de fleurs à la vieille femme qui lui ouvrait la porte… on avait alors reconnu ses haillons et cru saisir à la volée le regard méchant de la vieille…
La chair des mots
Écrire…
Je ne vois presque plus rien
je n’ai plus de couleurs
je ne distingue que le noir et le blanc
quelques lignes de lumière et d’ombre
nuit sombre où mon dessin se noie
Comme une photographie mémoire arrêtée visée intérieure couleurs néant (née en) noir sur fond noir autoportrait abstrait j’essaie je ne sais pas inaptitude à révéler rien ne s’imprime blanc amnésique dans le grand bain argentique émotions gelées je l’ai si souvent déclenché le moteur de l’appareil escamoteur à broyer du noir
Voici la fin du voyage, au seuil du silence
frontière redoutée, passage irréversible
regarder derrière soi, avoir envie de fuir
mourir en expirant un essaim de mots blancs
Ô voix de nulle part qui est celle de tout le monde pourquoi cette frénésie de verbiage
dans mon pays les habitants étaient économes de mots
car nous vivions à la frontière du silence
Sur la page un…
Voir l’article original 68 mots de plus
Sans toi
Lueur zébrure nuit encre
heure bleue horizon fermeture rien
que le ciel rien
que la nuit rien
à l’horizon il me souvient tant
dans un jardin parfumé de jasmin
jadis
à l’heure tendre du crépuscule tendu de rose le rossignol chantait et ton cœur battait contre le mien
ce temps n’est plus il me souvient tant pourquoi s’en est-il allé ses ailes noires t’ont emporté dans la nuit obscure je veux aller pour te rejoindre et recommencer
jadis est une pierre précieuse dans la nuit noire de la mémoire en deuil de mille feux elle brille
jet d’eau de paroles et de larmes qui disent et pleurent l’absence faisceau de soupirs qui s’écoulent en silence sur le seuil de la maison vide poignée de pétales éparpillés sur les marches
il me souvient tant tant et tant de souvenirs disparaissent et s’éteignent les bouquets de souvenirs ont la beauté d’un feu d’artifice
Si j’étais un arbre
« C’est désormais devenu un rendez-vous important pour toutes celles et tous ceux qui s’intéressent à l’écriture web. Le dernier vendredi du mois, nous nous retrouvons pour proposer, sur nos blogs respectifs, la lecture d’un auteur publiant en ligne. Depuis la création de la webasso, ce sont plus d’une centaine d’auteurs contemporains dont nous avons disséminé les textes (voir ici l’index). »
***
Caroline Dufour écrit presque chaque jour sur son blog Si j’étais un arbre des textes qui me touchent et qui me donnent envie de la rejoindre là-bas, de l’autre côté de l’océan, pour l’accompagner le temps d’une promenade dans les rues de sa ville ou sur les chemins de ses montagnes. Née à Montréal, elle a étudié le cinéma et la philosophie, voyagé, chanté, aimé et vécu dans six ou sept villes différentes sous au moins vingt ou trente toits! Elle exerce à l’occasion le métier de traductrice et, au cours de ces trois dernières années, a publié plus de trois cents poèmes sur le web. Je vous invite à découvrir ci-dessous La musique des jours, La vie et rien d’autre, La brillante caresse, J’aurai marché, Cette beauté qui attrape… où elle exprime la tendresse et la poésie d’un quotidien qui devient sous sa plume et par le prisme de son regard une succession de moments privilégiés qu’elle sème comme de petits cailloux, pour nous aider peut-être à (re)trouver un chemin?
*
La musique des jours
J’aime les bruits ambiants, des cafés, de la rue.
Je ne me souviens que d’une fois où je suis partie marcher les écouteurs sur les oreilles. Je venais de découvrir Kelly Joe Phelps, son album Slingshot Professionals. Je l’ai fait jouer en boucle tout le temps que j’étais sur la montagne, et pour m’y rendre et en revenir. Mes larmes ont coulé souvent ce jour-là. Sa voix venait me chercher loin. Je l’ai vu en spectacle à Paris, quelques mois plus tard. Au New Morning. C’était en 2003.
Là, ce matin, c’est si petit ici, j’entends les boulangers. Ingrédients secs… quiche… ah oui, hier soir, j’ai… ah cool… Et le bruit de leurs outils entre les mots qu’ils se disent. Je ne suis pas curieuse, je n’écoute pas les conversations des autres. Ce n’est pas de la pudeur, seulement une question de caractère, ma tête va ailleurs que là. Mais je me laisse bercer par les voix humaines. Et j’aime les bords de fenêtre aussi. D’où je peux voir passer les gens, seuls ou pas, pressés ou non, souriants ou tristes, et accablés parfois bien sûr.
Quoi qu’il en soit, j’aime être assise ici à écrire et à regarder le monde.
*
La vie et rien d’autre
un cœur penché
et un sourire grand comme le monde
de quoi nourrir le creux du jour
un cœur penché, oui c’était ça
et quand je suis sortie de là
le mien battait plus fort qu’avant
c’était hier
et ce matin la neige tombe
de gros flocons et l’air est doux
février qui tire à sa fin
et je me vois qui commence
à rêver du printemps
*
La brillante caresse
mon Gaby, c’est la neige folle aujourd’hui
grêle et pieds mouillés, et toi tu m’as fait rire
j’suis arrivée à reculons, avec mon coeur par en arrière
tu m’as fait rire et c’était bon
des coeurs qui vaguent et des jours aussi
et des minutes qui font naître les heures
et de tout ça – ni tout ni rien qui soit jamais perdu
ni le vent des coeurs ni celui des choses
et là devant la vie
tandis que sur ma rue la neige donne encore
je sais que je n’sais rien
si ce n’est qu’il est
brillant le temps
*
J’aurai marché
J’suis allée voir Gaby, hier.
L’air était extrêmement doux.
Évidemment, tout est relatif.
Mais j’étais bien, le manteau ouvert, à respirer l’air.
J’aurai marché dans les vingt dernières années.
Pas loin de tout mon soûl.
S’il fallait que demain, je ne puisse plus le faire
j’aurai des souvenirs à ressasser.
Si on me demandait ce qui m’apporte le plus de paix
je répondrais que c’est la marche.
Le vent a soufflé très fort toute la nuit.
La température a chuté de vingt degrés.
*
Cette beauté qui attrape
J’ai pris, hier soir, l’une des plus belles marches blanches de ma vie.
Un air d’hiver parfait. La neige qui venait d’arrêter de tomber.
Je l’ai pas choisi, c’est arrivé comme ça, je revenais d’une rencontre.
Et vu l’heure, j’aurais sans doute pris le bus s’il n’y avait eu cette extase.
J’ai mis le pied dehors dans des rues souverainement blanches.
Comme elles ne peuvent l’être que la nuit, avant l’assaut du matin.
J’ai traversé le quartier dans un éclairage réverbère adouci par la neige.
Des rues presque vides aussi. Un spectacle immensément tranquille.
Le vent a bien choisi son moment pour s’absenter.
C’était digne d’un rêve.
Caroline Dufour
Dissémination du vendredi 25 mars 2016
Boire à la source
Libérer l’espace
mental
de tout ce qui l’encombre
pour noircir
une page
encre inversée
de mots blancs
ne disant
que le silence
Off
S’endormir
pour oublier l’équivoque de la vie
le quiproquo fondamental
le triangle équilatéral
l’incompréhension absolue
la quadrature du cercle
en comptant les étoiles
qui tournent en rond
La pluie
La pluie piétine
drue, serrée, pressée
la pluie trépigne
à coups sourds
comme les battements
de mon coeur
la foule des gouttes
glougloute
dans les gouttières et les caniveaux
dehors
j’ai ouvert la porte
je n’ouvre plus mon coeur
la pluie claironne
que la vie revienne après le déluge
la vie peut-être
moi je ne suis pas juge
je voudrais seulement
une remise de peine