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Deux femmes au second tour

Nous étions si fragiles…

    Deux femmes s’affronteraient donc pour la première fois au second tour de l’élection présidentielle française, car la France Insoumise avait choisi de présenter Sarah Legrain, donnée favorite. Les gens n’en pouvaient plus de la dégradation de leurs conditions de vie, elle devait l’emporter, elle était sur le point de l’emporter!… Mais la campagne orchestrée par la droite et l’extrême-droite fut d’une violence inouïe… Des patrouilles vêtues de noir et cagoulées arrachaient toutes les affiches de la France Insoumise, gribouillaient sur les murs des slogans pseudo-patriotiques, accusaient de traîtrise les militants de la gauche populaire, prétendaient faire la chasse à l’ennemi de l’intérieur, répandaient les pires mensonges, montaient des traquenards, fomentaient de sombres embuscades, semaient la peur… Ces milices, apparues après l’attentat nucléaire de Versailles en 2020, n’avaient jamais été interdites par les gouvernements qui s’étaient succédé depuis à la tête de l’Etat…

Non exhaustif

Atelier d’écriture Tiers Livre de François Bon

     Celles qui veillent dans la nuit, celles qui portent les malheurs du monde, celles qui réparent, celles qui nourrissent, celles qui soignent, celles qui écrivent, celles qui rêvent, celles qui dessinent, celles qui construisent, celles qui jardinent, celles qui sèment, celles qui aiment, celles qui imaginent, celles qui bâtissent, celles qui tissent, celles qui entretiennent les lieux et les liens, celles qui cultivent, celles qui rendent la vie possible, celles qui s’effacent, celles qui s’oublient, celles qui conseillent, celles qui ne deviennent pas ministres, celles qui ne veulent pas devenir Présidente de la République mais souhaiteraient que le bien commun soit respecté, celles qui ne sont pas Présidentes Directrices Générales mais souhaitent que le travail profite à toute la communauté, celles qui vivent au ras du sol, celles qui rasent les murs, celles qui sont invisibles, celles que les autres ne voient pas ou considèrent comme des riens, celles qui portent un gilet jaune, celles qui mettent du rouge aux lèvres, celles qui ont la main verte, celles qui ont toujours du bleu dans les yeux, celles qui chaque matin ouvrent une page blanche, celles qui pleurent de rire ou rient en pleurant, celles qui tendent la main, celles qui embrassent, celles qui n’ont peur d’aucun stéréotype et revendiquent leur souci de l’autre comme un idéal que la République a placé un jour au même niveau que la Liberté et que l’Égalité, celles qui sont capables d’héroïsme, celles qui sont capables d’abnégation, celles qui supportent la dureté de leur vie pour rendre plus douce celle de leurs proches, celles qui se révoltent pour que d’autres ne subissent pas l’injustice, celles dont la boussole montre toujours la direction de l’intérêt général, celles qui partagent, celles qui pensent que la vie pourrait être meilleure, celles qui anticipent, celles qui cherchent à repousser le malheur en alertant leurs semblables comme Cassandre, celles qui refusent de se soumettre aux lois injustes comme Antigone, celles qui suscitent l’admiration, celles qui restent anonymes, celles qui luttent pour que toutes les femmes deviennent libres, celles dont la joie se voit dans les yeux des autres, celles qui redonnent de l’espoir, celles dont les gestes et les paroles sauvent l’humain en nous…

Le chemin de tous les livres

LA REVENANTE

Atelier d’écriture de François Bon

Mes contributions

     Phrases, leur déroulement continu, page après page… leur progression inexorable vers le but ultime d’un livre inconnu qui ne se referme jamais et tournoie sur lui-même comme une toupie dans l’espace infini de l’univers… l’étirement des phrases… la galaxie des phrases qui tournent sur elles-mêmes jusqu’aux confins du monde imaginaire qu’elles inventent en même temps qu’elles le découvrent et qu’elles l’explorent… la courbure des phrases… leur réception de la lumière primaire sortie du chaos après le big-bang et le reflet qu’elles renvoient!… Par la lucarne, la vue est garantie sur les toits, la lune et les nuages ou, quand la nuit est claire, sur les étoiles qui brillent comme des paillettes d’or! En se tordant le cou, on aperçoit même la Voie Lactée…

     La mansarde a été aménagée à la hâte pour les enfants juste avant l’arrivée du camion de déménagement de leur grand-mère lilloise chassée de son logement après l’enterrement du grand-père, pour qu’elle puisse s’installer dans leur ancienne chambre avec son poêle en fonte, sa table et son buffet, vestiges de toute sa vie passée… La maison occupe peu de surface sur le sol et ne peut se parcourir vraiment que de haut en bas et de bas en haut — de la mansarde à une petite cour — grâce à l’escalier étroit qui relie le grenier à l’étage de la grand-mère qui a son « chez elle » juste à côté de la demi-chambre où dorment les parents, prolongé par un autre escalier un peu moins étroit qui assure la circulation entre les chambres et le rez-de-chaussée, constitué d’une petite pièce qui sert de garage à un Solex et d’une salle de séjour où ronfle agréablement en hiver une cuisinière à charbon… l’été, la fenêtre est garnie de beaux géraniums rouges entre lesquels on aperçoit la cour et un tas de vieilles briques qui permettront, une fois nettoyées, d’agrandir la maison…

     Les phrases filent et courent le long des rues à la recherche du temps perdu, les phrases tentent de retrouver les images effacées, les sons évaporés, les silhouettes oubliées, les sensations enfouies dans les soubassements de souvenirs accumulés comme des objets remisés dans les greniers et dans les caves; les phrases déambulent d’un lieu à un autre en suivant les itinéraires tracés dans l’espace mental de la mémoire pour tenter de reconstituer par l’écriture les trajets autrefois vivants de personnages fantasmatiques qui évoluent depuis longtemps dans un réel disparu; les phrases forent dans la masse épaisse des souvenirs sédimentés pour essayer de dégager le fil ou le filon d’une histoire qui redonnerait de la cohérence à des perceptions éclatées venues d’un univers englouti dans les tourbillons du temps où il continue de tourner sur lui-même imperturbablement; les phrases laissent tomber comme des cailloux dans un tamis des mots qui s’assemblent pour créer des ébauches d’histoires qui ne tiennent pas debout; les phrases sèment les mots dans la nuit comme des pépites qui révèleraient le chemin de tous les livres en attente d’écriture!…

Éclats de vie

Puissent mes pensées s’épanouir et faner
Comme les pétales des corolles de fleurs
Légères et graciles, belles sans nécessité
Aimant le soleil, ouvertes à tous les bonheurs
Et semer à tous les vents des graines d’amour
Depuis la première heure à la tombée du jour

Puissent-elles, le soir venu, embrasser la nuit
Sans craindre l’obscur, en écoutant les étoiles
Froufrou lumineux dans le ciel, tomber en pluie
De perles dorées sur le lit de mort nuptial
De la vie qui me fuit, et se joindre gaiement
Au chant éternel qui scintille au firmament

Autour du monde

Vases communicants du 6 novembre 2015

    Les Vases communicants sont des échanges croisés de textes et d’images entre sites ou blogs, qui ont lieu chaque premier vendredi du mois. Imaginés par François Bon (Tiers Livre) et Jérôme Denis (Scriptopolis), ils sont animés et coordonnés par Angèle Casanova  (qui a succédé à Brigitte Célerier) et Marie-Noëlle Bertrand (sur facebook). Je remercie Clotilde Daubert, dont j’aime  lire le blog Rixilement, de m’avoir proposé d’échanger aujourd’hui avec elle et d’avoir alterné sa voix avec la mienne pour composer ensemble cette rêverie océane, Autour du monde.

***

Autour du monde

Ses ailes
comme des vagues
écume blanche dans le ciel
une petite houle agite les nuages
entre deux rayons de lumière
passe un oiseau blanc
au-dessus de l’océan

Dans la pleine solitude
au bord de l’inquiétude
les ailes sur le dos

L’océan impassible
poursuit son incessant ressac
dans l’indifférence des jours

Passe un oiseau blanc
il ondule dans le ciel
son vol est lourd et lent
vieux gréement qui grince entre les vagues
le grondement de la houle
accompagne sourdement
le battement de ses ailes

Vers la brume
gouttes drapées
dans le cœur des oublis échappés

L’on quittera la mer à reculons
sans se soucier des hérons
la tristesse infinie à la lisière du monde

Héron

Voiles déployées vers le large
nulle terre à l’horizon
univers aérien et liquide
ciel et mer cousus par l’horizon
rien que le moutonnement des vagues
et la lumière filtrée par les nuages
cueillie par le prisme irisé de l’eau

Dans les eaux de la vie à la mort
à travers l’épaisseur de nos corps
entre lignes à la fuite

Comme au jour comme ennui
ni distances ni ponts
océans échoués dans l’avant dans l’après

Le vent essaime les grains, disperse les chagrins
quand la route est trop longue
il emporte les vieux gréements
capitaine, ô capitaine
je veux suivre tes ailes de lumière
ou mourir en écoutant ta musique profonde
semer la joie autour du monde

Texte et images de Clotilde Daubert et Françoise Gérard

 

Gemmes

Invisible

indivisible

indivi

du

reté de l’âme

de l’homme désert

immensité plaine

labourée d’étoiles

pour les non-voyants

semant la lumière