Martens a rejoint notre humanité au moment où celle-ci allait périr… Triste fin de l’Histoire, que personne n’imaginait ainsi. Martens possédait un secret que nous emporterons avec nous dans les ténèbres. Se pourrait-il que son mystérieux pays soit resté indemne ? Les habitants de cette enclave préservée seraient les héritiers de notre Terre en ruine. Une terre dévastée, polluée, irrespirable, radioactive, devenue en lieu et place de territoires qui avaient été si riches plus sèche et plus inhospitalière qu’un désert. Qu’en feraient-ils? Redécouvriraient-ils nos bibliothèques? L’état de leurs connaissances scientifiques leur permettrait-il de reconquérir les verts paradis perdus de la planète? Démiurges, mauvais génies, nous sommes à l’origine de dégâts irréversibles, du moins pourraient-ils vivre à l’abri de scaphandres ou dans des espèces de bulles semblables à celles qui s’étaient multipliées dans les parcs de loisir, au début du millénaire, pour les citadins stressés des classes moyennes qui cherchaient à se ressourcer dans un ersatz de nature… où à ces stations orbitales expérimentales dans lesquelles restaient confinés pendant plusieurs mois des astronautes volontaires pour tester la résistance humaine et préparer de futurs voyages au long cours dans la galaxie. Les humains modernes rêvaient de coloniser l’espace, leur planète est devenue un astre mort qui accueillera peut-être d’improbables explorateurs…
désert
Si tu me lis
Nous étions si fragiles…
Qui es-tu, ô lecteur improbable auquel je m’adresse depuis le désert d’un monde englouti? Si tu me lis, c’est que nous n’avons pas été les seuls survivants? Si tu me lis, c’est que, donc, quelque part, bat encore aussi, ailleurs, le cœur d’un être humain?…
Images mentales
Atelier d’hiver de François Bon
Il n’y a pas d’image… peut-être un refus de l’image, un souffle d’image sur une surface monochrome ridée par des réminiscences muettes, un non-souvenir, une non-image, une conscience non pas endormie mais qui se refuserait à la formation d’une image… ne resterait qu’un rêve d’image… le reflet mouvant d’un bouquet de roseaux à la surface d’un étang… des paillettes de soleil bondissantes entre des barrières d’ombre… peut-être un vague château de sable submergé par la marée montante et aussitôt fondu dans les remous de l’eau…
L’étendue blanche de la banquise sous le ciel étincelant, l’océan gris étalé sous les masses nuageuses du ciel orageux, le désert à perte de vue sous le bleu infini du ciel, les pages symétriques de la terre et de l’éther réunies à la pliure de l’horizon dans le grand Livre du Silence…
La ville encore à moitié endormie, des voitures qui glissent sur l’asphalte, les enseignes lumineuses des commerces reflétées par les trottoirs mouillés, la danse de la pluie sous le faisceau des phares ou le halo des lampadaires, le tapotement des gouttes, le clapotis de l’eau qui s’écoule dans les caniveaux, le flot des sensations qui se réveillent, la scène du jour qui se met en place, les premières images du film, l’œil de la mémoire-caméra, le cinéma intime des souvenirs en son et lumière…
Eau-forte
Un astre mort
Martin possédait un secret que nous emporterons avec nous dans les ténèbres. Se pourrait-il que son mystérieux pays soit resté indemne ? Les habitants de cette enclave préservée seraient les héritiers de notre Terre en ruine. Une terre dévastée, polluée, irrespirable, radioactive, devenue en lieu et place de territoires qui avaient été si riches plus sèche et plus inhospitalière qu’un désert. Qu’en feraient-ils? Redécouvriraient-ils nos bibliothèques? L’état de leurs connaissances scientifiques leur permettrait-il de reconquérir les verts paradis perdus de la planète? Démiurges, mauvais génies, nous sommes à l’origine de dégâts irréversibles, du moins pourraient-ils vivre à l’abri de scaphandres ou dans des espèces de bulles semblables à celles qui s’étaient multipliées dans les parcs de loisir, au début du millénaire, pour les citadins stressés des classes moyennes qui cherchaient à se ressourcer dans un ersatz de nature… où à ces stations orbitales expérimentales dans lesquelles restaient confinés pendant plusieurs mois des astronautes volontaires pour tester la résistance humaine et préparer de futurs voyages au long cours dans la galaxie. Les humains modernes rêvaient de coloniser l’espace, leur planète est devenue un astre mort qui accueillera peut-être d’improbables explorateurs…
La jonction
Qui es-tu, ô lecteur improbable auquel je m’adresse depuis le désert d’un monde englouti? Si tu me lis, c’est que nous n’avons pas été les seuls survivants? Si tu me lis, c’est que, donc, quelque part, bat encore aussi, ailleurs, le cœur d’un être humain?…
Tous les matins et tous les soirs, sur un piano échoué je ne sais comment dans notre petite communauté, Louis joue quelques notes de Bach. « Que ma joie demeure » ? Nous sommes en sursis. Pour combien de temps? Nous avons encore à notre disposition quelques ordinateurs, des batteries, des provisions de toutes sortes, pour un certain temps, un temps limité, compté, qu’il nous faut absolument mettre à profit pour nous réorganiser, pour organiser notre survie. Nous sommes comme des naufragés sur une île déserte, mais autour de nous, nul océan. La terre est calcinée, ravagée. Nous n’avons pas pu nous aventurer très loin à la recherche de compagnons d’infortune car, à quelques kilomètres seulement de notre base, l’air devient irrespirable. Il est néanmoins vraisemblable que d’autres groupes de survivants aient trouvé comme nous un refuge provisoire. Il faudrait alors essayer d’assurer la jonction. Xavier est notre théoricien. Il rêve de faire de notre petite communauté une société idéale. Chacun de nous se découvre des ressources insoupçonnées qui se révèlent précieuses pour notre survie collective. La nourriture et l’eau sont évidemment notre priorité. Mais que faire quand la nuit est tombée et que l’angoisse empêche le sommeil? Ô lecteur improbable, j’entreprends ce récit pour toi, mon frère, ma sœur, autre moi-même, pour que tu me tendes la main par-delà cette solitude radicale qui est désormais notre lot après la catastrophe sans nom qui a peut-être signé la fin de notre civilisation.
Les Cosaques des frontières (reprise)
Gemmes
Invisible
indivisible
indivi
du
reté de l’âme
de l’homme désert
immensité plaine
labourée d’étoiles
pour les non-voyants
semant la lumière