rêve

Âge d’or

(fiction en cours d’écriture)

     Sylvain, Xavier, Lina, Daniel, Nicolas, Julie, Jordan, Ambre, Louis, Martine, Bill, Ghali, Norman, Abigail, Mia… nous ne sommes qu’un tout petit groupe d’humains échoués ici dans ce territoire perdu, au milieu des étoiles qui continuent de briller ou de s’éteindre comme s’il ne s’était rien passé!… Nos cauchemars et nos rêves sont peuplés d’histoires enracinées dans un monde qui n’est plus le nôtre mais qui continue, lui, de nous habiter, auquel nous ne cessons de nous référer… Les questions de survie mobilisent toute notre énergie, tous nos gestes et la moindre de nos actions visent à nous réaménager un espace rudimentaire pour subvenir à nos besoins vitaux, pour avoir simplement la possibilité de boire, manger et dormir, mais nos réflexes instinctifs nous ramènent inmanquablement, comme à un âge d’or, à ce monde qui était le nôtre il y a si peu de temps encore, avant que ne bascule dans le chaos le quasi paradis dans lequel nous vivions… la vie courante semblait si facile pour les plus privilégiés d’entre nous!… les contraintes matérielles avaient été réduites au minimum, tout n’était parfois que luxe, calme et volupté

     Écrit depuis l’avenir

     2064

Si j’étais un arbre

Webassociation des auteurs

     « C’est désor­mais devenu un rendez-​vous impor­tant pour toutes celles et tous ceux qui s’intéressent à l’écriture web. Le der­nier ven­dredi du mois, nous nous retrou­vons pour pro­po­ser, sur nos blogs res­pec­tifs, la lec­ture d’un auteur publiant en ligne. Depuis la créa­tion de la webasso, ce sont plus d’une cen­taine d’auteurs contem­po­rains dont nous avons dis­sé­miné les textes (voir ici l’index). »

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     Caroline Dufour écrit presque chaque jour sur son blog Si j’étais un arbre des textes qui me touchent et qui me donnent envie de la rejoindre là-bas, de l’autre côté de l’océan, pour l’accompagner le temps d’une promenade dans les rues de sa ville ou sur les chemins de ses montagnes. Née à Montréal, elle a étudié le cinéma et la philosophie, voyagé, chanté, aimé et vécu dans six ou sept villes différentes sous au moins vingt ou trente toits! Elle exerce à l’occasion le métier de traductrice et, au cours de ces trois dernières années, a publié plus de trois cents poèmes sur le web. Je vous invite à découvrir ci-dessous La musique des jours, La vie et rien d’autre, La brillante caresse, J’aurai marché, Cette beauté qui attrape où elle exprime la tendresse et la poésie d’un quotidien qui devient sous sa plume et par le prisme de son regard une succession de moments privilégiés qu’elle sème comme de petits cailloux, pour nous aider peut-être à (re)trouver un chemin?

*

     La  musique des jours

J’aime les bruits ambiants, des cafés, de la rue.

Je ne me souviens que d’une fois où je suis partie marcher les écouteurs sur les oreilles. Je venais de découvrir Kelly Joe Phelps, son album Slingshot Professionals. Je l’ai fait jouer en boucle tout le temps que j’étais sur la montagne, et pour m’y rendre et en revenir. Mes larmes ont coulé souvent ce jour-là. Sa voix venait me chercher loin. Je l’ai vu en spectacle à Paris, quelques mois plus tard. Au New Morning. C’était en 2003.

Là, ce matin, c’est si petit ici, j’entends les boulangers. Ingrédients secs… quiche… ah oui, hier soir, j’ai… ah cool… Et le bruit de leurs outils entre les mots qu’ils se disent. Je ne suis pas curieuse, je n’écoute pas les conversations des autres. Ce n’est pas de la pudeur, seulement une question de caractère, ma tête va ailleurs que là. Mais je me laisse bercer par les voix humaines. Et j’aime les bords de fenêtre aussi. D’où je peux voir passer les gens, seuls ou pas, pressés ou non, souriants ou tristes, et accablés parfois bien sûr.

Quoi qu’il en soit, j’aime être assise ici à écrire et à regarder le monde.

*

     La vie et rien d’autre

un cœur penché
et un sourire grand comme le monde
de quoi nourrir le creux du jour
un cœur penché, oui c’était ça
et quand je suis sortie de là
le mien battait plus fort qu’avant

c’était hier
et ce matin la neige tombe
de gros flocons et l’air est doux
février qui tire à sa fin
et je me vois qui commence
à rêver du printemps

*

     La brillante caresse

mon Gaby, c’est la neige folle aujourd’hui
grêle et pieds mouillés, et toi tu m’as fait rire
j’suis arrivée à reculons, avec mon coeur par en arrière
tu m’as fait rire et c’était bon

des coeurs qui vaguent et des jours aussi
et des minutes qui font naître les heures
et de tout ça – ni tout ni rien qui soit jamais perdu
ni le vent des coeurs ni celui des choses
et là devant la vie
tandis que sur ma rue la neige donne encore
je sais que je n’sais rien
si ce n’est qu’il est
brillant le temps

*

     J’aurai marché

J’suis allée voir Gaby, hier.
L’air était extrêmement doux.
Évidemment, tout est relatif.
Mais j’étais bien, le manteau ouvert, à respirer l’air.

J’aurai marché dans les vingt dernières années.
Pas loin de tout mon soûl.
S’il fallait que demain, je ne puisse plus le faire
j’aurai des souvenirs à ressasser.

Si on me demandait ce qui m’apporte le plus de paix
je répondrais que c’est la marche.

Le vent a soufflé très fort toute la nuit.
La température a chuté de vingt degrés.

*

     Cette beauté qui attrape

J’ai pris, hier soir, l’une des plus belles marches blanches de ma vie.
Un air d’hiver parfait. La neige qui venait d’arrêter de tomber.
Je l’ai pas choisi, c’est arrivé comme ça, je revenais d’une rencontre.
Et vu l’heure, j’aurais sans doute pris le bus s’il n’y avait eu cette extase.
J’ai mis le pied dehors dans des rues souverainement blanches.
Comme elles ne peuvent l’être que la nuit, avant l’assaut du matin.
J’ai traversé le quartier dans un éclairage réverbère adouci par la neige.
Des rues presque vides aussi. Un spectacle immensément tranquille.
Le vent a bien choisi son moment pour s’absenter.
C’était digne d’un rêve.

Caroline Dufour

Dissémination du vendredi 25 mars 2016

Impasses

Elle irait donc à Berlin, dans cette ville coupée en son milieu, aux deux parties, aux deux visages qui s’ignorent. Elle en sillonnerait toutes les artères, toutes les avenues, les moindres rues et venelles de sa moitié occidentale, et se perdrait dans les quartiers immenses ou les recoins obscurs, ne laissant rien au hasard, ratissant, passant au peigne fin ce vaste territoire dont elle aurait l’illusion de prendre peu à peu possession jusqu’à ce que la vérité éclate comme une bulle, à chaque fin de parcours, lorsqu’elle se heurterait au mur, à cette frontière infranchissable sous peine de mort, à ce rideau de plomb qui recouvrait comme un linceul la ville orientale. Elle flânerait dans le Tiergarten, longerait les rives du Landwehrkanal jusqu’à l’Ile des Ecluses, se reposerait des longues marches de la journée en admirant le couchant sur les étangs de Neuer See, étendue dans le creux d’un sentier buissonneux où l’ombre se jouerait de la lumière comme le rêve de la réalité, loin de la foule qui se presserait dans la StraBe des 17. Juni mais qui s’arrêterait net, docile, inconsciente de son pouvoir, devant la porte muette de Brandebourg…

L’avenir improbable

Ne plus…

Oublier… aimer
le souffle de ce peu de brume
au petit matin
quand l’aube du monde paraît possible
et que la rosée pleure
ses pétales fanés

oublier… supplier
les tambours de la peur
pendant la tempête de la nuit
quand tous les sens du monde se brisent
et que le temple s’écroule
en écrasant les coeurs

oublier… désirer
la douceur du jour au midi de la vie
quand le ciel est pur et que la beauté du monde
semble rendre le mal irréel
comme un mauvais rêve
abolir… oublier

Brisure

Il y avait eu cet éclair, ce déchirement dans un ciel clair, ce coup de tonnerre inattendu et terrifiant, et ce tremblement de la terre, les murs qui s’écroulaient, l’enveloppe de la vie qui s’éventrait… Quelques paroles, comme les trompettes de Jéricho. Quelques paroles avaient levé le voile sur un champ de ruines qui s’étaient sournoisement amoncelées derrière le mirage d’une existence apparemment intacte, mais qui n’avait déjà plus que l’épaisseur, la consistance d’un décor… Le compte à rebours avait commencé, le même pour tous les êtres vivants, mais pour Marie, il s’était brusquement accéléré… Quelques paroles s’étaient intercalées entre leurs deux vies, entre le côté pile et le côté face, sur une ligne de crête ou de creux entre le ciel et la terre, entre rêve et réalité, entre souvenir et avenir aux routes pareillement barrées, un espace si ténu, si improbable et si difficile à occuper, entre le tain de la glace et la vitre brisée… Quelques paroles prises dans la glace d’une banquise inconnue, que nulle carte ne mentionnait à cet endroit-là, pas à ce moment-là, pas de cette façon-là, de cette manière fourbe et brutale, déloyale et insupportable… Mais il y avait aussi cette autre glaciation plus ancienne, aussi lointaine et enfouie que le plus reculé, le plus profond de sa mémoire, et peut-être même au-delà encore… Il y avait ce froid dans le coeur depuis presque toujours, la marque déjà gravée de l’absence, le début d’une attente sans fin, la faim, la privation d’une substance primordiale et introuvable, qu’il fallait chercher dans l’ailleurs…

L’avenir improbable

Immensité marine

     Vases communicants du 6 mars 2015

    Les Vases communicants sont des échanges croisés de textes et d’images entre sites ou blogs, qui ont lieu chaque premier vendredi du mois. Imaginés par François Bon (Tiers Livre) et Jérôme Denis (Scriptopolis), ils sont animés et coordonnés par Angèle Casanova.

    J’ai le grand plaisir d’accueillir aujourd’hui Dominique Hasselmann, qui m’a gentiment invitée à échanger avec lui sur le thème de l’immensité, tandis qu’il me reçoit sur son blog Métronomiques. Nous avions déjà participé ensemble aux vases communicants du 7 février 2014 sur le thème des peintures murales.

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Sous la surface sans fin

???????????????????????????????(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

     L’immensité ressemble à cet océan de couleurs qui déborde du cadre (mais en a-t-il seulement un ?), l’avale, l’estompe, le rend inopérant. Rhapsodie en bleu et rose qui s’étend, s’étale sur la mer dans laquelle j’ai plongé : je nage sous la surface sans fin, je n’ai pas repris ma respiration depuis je ne sais plus combien de temps.

    Ma dernière vision était celle de la jetée : forcément, c’est de là que j’ai sauté. Les embarcations cliquetaient dans le port, chacun son parking maritime, à prix d’or, dit-on, et quoi de plus triste que des bateaux en laisse, comme des chiens enchaînés à leur niche. Mais le contact froid du liquide a chassé mes pensées terrestres.

    Je progresse régulièrement : la ligne de flottaison n’est pas peinte sur mon corps comme sur un cargo, j’ai largué les amarres sans regret. Mon voyage risque de durer longtemps (quitter le Havre est un paradoxe), l’Amérique est là-bas, de l’autre côté. Je me demande si l’on peut matérialiser cette surface de l’eau, comme une vue plane et géométrique. Y-a-t-il un Pythagore dans les parages ?

    Des poissons multicolores me croisent, me frôlent, me caressent : je dois ressembler pour eux à un étrange dauphin. Ici, on voit clair car je ne suis pas descendu dans les abysses, je maintiens mon cap à quelques mètres du plafond de verre, parfois le soleil me fait de l’œil. J’espère qu’un ferry ne viendra pas entraver mon périple.

   Souvent on parle de la musique des profondeurs – je n’entends pas le chant des baleines et Herman Melville est resté calfeutré dans une des rares librairies ayant encore pignon sur rue – ce serait comme une symphonie avec des flûtes traversières, des combos, des timbales, des violoncelles, des trompettes, un piano largué par hélicoptère, un vibraphone dont les ondes se marient aux vagues du dessus, des trombones cachés en coulisse, des saxophones de toutes sortes aux mains de Michel Portal, un triangle pour un musicien nommé Euclide.

    Soudain, je remonte car mes poumons sont prêts à éclater. Je perce le voile fin et transparent (matière invisible, alors), l’horizon m’apparaît, ou plus exactement il n’y a pas de limite à mon regard de quelque endroit où je me retourne. Ma tête gyroscopique ne détecte rien d’autre que le tout, la mer et le ciel sont indistincts, on n’aperçoit pas le lieu où ces éléments du monde pourraient se rejoindre. La couture est invisible. La palette des couleurs les fond, les marie, les accouple en une pâte légère, indissoluble, irréfragable, avec (j’imagine) une légère odeur de térébenthine.

      En fait, je suis complètement seul au milieu de presque rien ou de tout un ensemble insécable: mais est-ce inquiétant ? Je me regarde comme un atome infiniment minuscule, qu’aucun microscope ne pourrait révéler, flottant déraisonnablement sur un océan qui touche et joue avec le ciel dans la plus vaste et belle confusion. Mon voyage n’est pas encore terminé, il n’a pas d’heure d’arrivée prévue.

     Comme j’ai fait à nouveau provision d’oxygène (pas de pollution apparente ici), je replonge dans l’univers marin – penser à rajouter des marimbas dans l’orchestre – et je me laisse emporter, comme dans un rêve éveillé, par les courants et les flux salés aux destinations inconnues.

     Texte : Dominique Hasselmann

     Pastel : Françoise Gérard Rose crépuscule

 

Désagrégation

Vertige

des sensations désenchantées

des impressions-désillusions

qui mirent leurs vestiges

dans l’eau froide d’un regard

devenu soudainement étranger

et juge

question de jauge, de poids et de mesures

descente et désolation

sous le poids de ce regard qui fouille

la conscience démystifiée

décomposée

c’est l’écroulement d’un empire, l’éboulement du rêve, la dérision du rire

ma personne éclatée tremble et cherche en se mourant

des yeux soleil

 

7. Un rêve à raconter

     Les mots ne faisaient pas de cadeaux. Ils dépassaient ou rétrécissaient ma pensée. Ils aiguisaient exagérément ou amollissaient mes sentiments. Ils freinaient mon inspiration à moins que ce ne fût l’inverse… Ce rêve que j’avais entrepris de raconter était peut-être dérisoire, il offrait trop peu de matière pour les mots compliqués du dictionnaire, ma vie et les expériences qu’elles engendraient étaient bien trop simples pour faire l’objet d’un texte… Les grands écrivains relataient toujours des choses extraordinaires, même Zola que mon père citait souvent quand il évoquait la vie de ses parents et de ses grands-parents… Nous, nous ne vivions plus comme au temps de Zola, la preuve, puisque j’étais en train de me battre avec des mots, dans l’enceinte d’une école, pour raconter un rêve. Mais comme nous n’étions pas non plus des châtelains et que je ne vivais pas au milieu des princes, je n’avais pas plus de citrouille à transformer que de carrosse, et je sentais qu’à mon rêve le plus cher il manquait du piquant. J’avais pris le parti de la sincérité et le sujet au pied de la lettre. Je racontais vraiment mon rêve le plus cher. Je n’avais pas imaginé une seule seconde qu’il m’était loisible de l’inventer, de le créer de toutes pièces et d’affabuler totalement en me prêtant gratuitement pour une heure, le temps de les écrire, les désirs les plus fous, les plus délirants et les plus écrivant, fauteurs d’écriture et créateurs délictueux de songes et de mensonges magnifiques, qui auraient eu le pouvoir de déclencher dans mon encrier une bénéfique tempête, une frénésie d’inspiration époustouflante, un raz-de-marée de mots inouïs encore jamais écrits qui auraient tonné sur le papier au point de réveiller, d’étonner et de faire se lever les morts… Debout les mots! Je n’avais pas compris que les sujets de la maîtresse n’étaient que des prétextes. Je passais à côté de la littérature…

6. Un rêve à raconter

     La lutte fut acharnée. Je connus toute la palette des affres de l’anxiété. Je connus aussi la joie qui jaillit de certains bonheurs d’expression. Sensations extrêmes, avancées épuisantes, progression inégale faite de hauts et de bas. Comme sur les montagnes russes, il fallait avoir le coeur bien accroché. Quand je savais ce que je voulais dire, je ne parvenais pas à l’écrire, quand je croyais l’avoir bien écrit, ce n’était pas tout à fait ce que j’avais voulu dire… Le temps limité de l’exercice n’était plus une consolation. Ce rêve, maintenant, je l’avais pris à coeur et je voulais rendre une copie qui lui serait fidèle, un texte qui serait capable, à partir de ce rêve, de faire rêver quelqu’un d’autre que moi-même… Si je réussissais à faire rêver la maîtresse, je le saurais par la note qu’elle inscrirait en rouge en haut de mon devoir devant son appréciation. Mon rêve le plus cher se doublait de celui de toucher la maîtresse en plein coeur et je ne savais plus lequel des deux était le plus important… Ce que je racontais? Pourquoi je l’écrivais?