impressions

Désagrégation

Vertige

des sensations désenchantées

des impressions-désillusions

qui mirent leurs vestiges

dans l’eau froide d’un regard

devenu soudainement étranger

et juge

question de jauge, de poids et de mesures

descente et désolation

sous le poids de ce regard qui fouille

la conscience démystifiée

décomposée

c’est l’écroulement d’un empire, l’éboulement du rêve, la dérision du rire

ma personne éclatée tremble et cherche en se mourant

des yeux soleil

 

Tu vas où tu veux, tu marches, c’est tout simple

Isabelle Pariente-Butterlin

 

Ta petite voix résonne dans ma tête comme un écho.

Je sais que tu veux un cadeau. Je sais aussi ce que tu veux, des petites choses colorées, pailletées, spectaculaires que l’on trouve dans les boutiques pour les touristes où je n’entre avec toi qu’à contre-cœur. Je sais. Sauf qu’ici, où je suis sans toi, entrer dans ces boutiques de souvenirs ne me pèse pas, parce que j’imagine facilement tes regards, et la tentation de ta main qui se tendrait. Et aussi, cette inflexion très particulière que tu as, quand tu vas demander quelque chose, et alors il sonne un « Maman … « , reconnaissable entre tous, suspendu dans l’air, un peu interrogatif, très légèrement plaintif, et aussi souriant et espiègle, et immédiatement je sais que tu vas me demander une horreur colorée qui me fera protester.

Sauf qu’ici c’est moi qui les cherche.

Je sais bien, je les ai repérés dès le premier jour, j’irai te chercher quelque chose à ton goût, et puis aussi je mélangerai tout, tu sais, comme je sais faire et comme je voudrais t’apprendre à le faire. Tu as de bonnes bases, déjà, avec les soupes dans lesquelles tu mélanges tous les ingrédients qui te tombent sous la main et que je balance dans les fleurs en été (je ne sais jamais quel effet ça va leur faire).

Je te rapporterai des images d’ici et des impressions.

Je te raconterai un autre monde possible. Et la possibilité du départ. Il y a d’autres choses que je voudrais te rapporter d’ici, des possibles, et des attentes, une autre saveur de la vie, un espace, un air, tu sais, j’imagine le froid et les grandes plaines, et les routes immenses, tu sais, ici, on pourrait aller voir les baleines quand elles remontent du sud, on pourrait voir des arbres immenses, et je te promets qu’il y a des écureuils dans les rues, même si ici on ne les aime pas, ça n’a pas d’importance, ce sont quand même des écureuils, et tu trouverais à ton goût la confiture de myrtilles.

On pourrait mélanger tout un tas de choses, comme tu m’as appris à le faire.

C’est loin et je m’y sens bien. Il y a des mots anciens qui affleurent dans le langage. Je ne les avais jamais entendus. C’est facile d’être bien. De prendre un café. De parler. C’est facile, ça vient tout seul. Tu vas où tu veux, tu marches, c’est tout simple, tu verras, et les perspectives s’ouvrent, et les lignes se déploient, comme dans ton regard.

Et c’est comme ça qu’on obtient le goût de la liberté.

 

Isabelle Pariente-Butterlin _ Licence Creative Commons BY-NC-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 27 avril 2012.

 

Cet or en suspension…

Ce ne sont pas des impressions, tu comprends …

Isabelle Pariente-Butterlin

Le plus simple, c’est que tu les gardes toi. Garde-les. Elles sont à toi. C’est bien comme ça. Moi ça me va. Je les dépose ici, dans le sable doré des bords des mondes. Elles ne pèsent rien. Presque rien. Garde-les, je te les donne.

Ce ne sont pas des souvenirs.

Cette vague immensément calme dans laquelle ma mère est allée enlever le sable de mon seau et de ma pelle dans le soir d’été. J’ai découvert alors qu’on rince les affaires de plage. Je n’en savais rien et je regardais le sable se coller et refluer dans des ruissellements d’eau salée.

Mon tricycle rouge qui, le premier, me donna l’impression du voyage et des élans dans le monde, et aussi l’impression du vent et de la vitesse sur le balcon en surplomb sur la ville. Et les genoux en sang parfois, sur lesquels le mercurochrome dessinait des fleurs et des bonshommes.

Et aussi, le nom de ce village où nous étions allés nous promener, et c’est si loin dans ma mémoire, mais ce ne sont pas des souvenirs, tu comprends, ce sont des impressions, et moi perchée sur cet âne gris qui parcourait les ruelles médiévales. Je n’y comprenais rien mais c’était immense et très ancien.

Et mon ennui pendant les siestes obligées que je contestais, surtout l’été, pour lesquelles j’avais obtenu un rayon de lumière à travers les lourds volets rouges, victoire inestimable, et je regardais alors les particules d’or qui tournoyaient dans l’air. Et je ne savais pas d’où venait cet or en suspension. Dont personne ne semblait se préoccuper. Il occupait mes rêveries.

Et la gelée de groseille sur mes doigts, quand il fallait partir à l’école.

Et la douceur des draps et des rêves et des caresses sur mes joues.

Ce ne sont pas des impressions, tu comprends, ce sont des caresses.

Isabelle Pariente-Butterlin _ Licence Creative Commons BY-NC-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 2 avril 2012.

Si tu n’existais pas

Isabelle Pariente-Butterlin

 

C’est parce que tu me manques que je reviens ici, aux bords des mondes. Je ne peux pas faire autrement.

Tu me manques presque moins quand j’installe mes phrases dans les impressions de toi, dans les images de toi. Les photos ne changent rien à l’absence. Elles sont parfois même un peu cruelles. Je ne pars pas longtemps mais tu me manques. Les impressions de toi me manquent.
Et les phrases déroulées aux bords des mondes, comme des vagues venues de l’infini, du si lointainement infini que je ne peux même pas dire où elles se sont formées, je ne peux rien dire d’elles sinon que je les ai vues se dérouler là, sur ces rivages, et que je les ai regardées faire, et ces phrases déposées aux bords des mondes, comme les ondulations horizontales que les mouvements de la mer dessinent sur le sable, dans la fluctuation calme des impressions de toi et des images de toi et des souvenirs de toi peu à peu prennent corps et soudain se saisissent dans les nuances marines de ton regard.

Ressac des impressions de toi.

Tu es la seule à planter ton regard clair dans le mien comme tu le fais. Et en retour je me plonge dans ses certitudes. Tu me donnes une force que je n’ai pas simplement parce que tu crois la trouver en moi. Et des certitudes aussi. Quelques unes. Je ne suis pas très forte en certitudes.
Elles sont des élans et des attentes confiantes. Tu crois que je sais tout faire, que je connais la réponse à toutes les questions et tu m’attribues quelques pouvoirs magiques qui ne me déplairaient pas. Il y a dans tes yeux quelque chose de limpide que j’ai du mal à comprendre. Je n’ai pas vraiment, tu sais, l’intention de le saisir. Je n’essaie même pas. Je me contente d’y revenir. Cela m’impose la pulsation du retour au regard des départs. Et la pulsation de l’affirmation au regard des doutes et de leur corrosion.

Si tu n’existais pas, je n’aurais que la dérive de mes questions pour me mener dans le monde. Si tu n’existais pas, tu me manquerais. Toi. Exactement toi.

 

Isabelle Pariente-Butterlin _ Licence Creative Commons BY-NC-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 28 mars 2012.

 

Comme un sable d’or entre mes doigts

Isabelle Pariente-Butterlin

 

Je me demande ce qu’il me restera de cette journée. Quelles impressions sont entrées suffisamment loin en moi pour ne pas passer s’effacer disparaître.

La question prend forme dans mon esprit, et sans prévenir, elle y reste. Elle s’y installe, y déploie ses volutes. Je me retourne sur elle. Elle se déploie.
Je m’assieds aux bords des mondes, au soleil. Il y en a un peu. C’est un des premiers vrais soleils de l’année. J’allume une cigarette, les pieds dans le vide, assise aux bords des mondes. Les pieds dans le vide, tu sais, les jambes ballantes, comme pour retrouver un peu de la légèreté d’autrefois.

Comme quand tu t’assieds sur une chaise, et qu’il reste encore tout l’espace des possibles laissé libre entre les pieds et le sol. Tes pieds qui se balancent dans le vide de la chaise … Toi, jambes nues, en short, les pieds qui se balancent dans un rayon de soleil ; il filtre à travers les persiennes. Tu es passée prendre un fruit ou faire un dessin sur la table de la cuisine et tu protestes en me montrant les traces que dessinent sur ta cuisse le rebord de la chaise.

Maintenant que je suis assise aux bords des mondes, à fumer une cigarette dans la lumière du soir, je sais ce qu’il me restera de cette journée. Il me restera encore une autre image de toi. Surimposée aux autres. Une de ces images de lumière. Surimposée dans ma mémoire, à cette autre image de toi. Toi, de dos, t’éloignant dans la cour étroite et longue de l’école, toi, de dos, tirant ton cartable, et ta tresse longue et dorée dessine un trait de lumière dans l’espace de la cour. Je la saisis par intermittences ; par intermittences, elle vient frapper mes pupille et je me souviens très précisément qu’elle contraste avec le violet de ton manteau et qu’elle marque le rythme de tes pas, et de ta course, et de ta crainte aussi, ta crainte que je devine d’être en retard.

Tes pieds qui se balancent, dans le vide, et ta tresse qui danse au rythme de tes pas. Ces images-là, de toi, mouvantes et émouvantes, comme les reflets dorés de tes cheveux, au matin, quand je les tresse les jours d’école. Images mouvantes et émouvantes, comme un sable d’or entre mes doigts dans la lumière impressionnante du monde.

 

Isabelle Pariente-Butterlin _ Licence Creative Commons BY-NC-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 27 mars 2012.

Tu m’as sauvée de l’absurde

Isabelle Pariente-Butterlin

 

Plus tard, tu comprendras l’absurde du printemps.

À date fixe, même s’il y a parfois quelques variations, le monde redevient neuf et nouveau. Il le prétend. Prétend au renouveau. Comme s’il refaisait chaque année, à date fixe, une promesse. Comme si nous ne nous enfoncions pas en nous-mêmes, toujours un peu plus loin.
À date fixe, on cherche la douceur du soir. On ne se couvre pas assez pour remonter le soir. À date fixe, comme si l’espoir revenait, on marche dans les rues, et il se met à pleuvoir. Le pollen retombe sur le sol. On cherche des impressions enfouies en soi. Elles y sont. On a tort de les chercher dans le monde.

Je ne te souhaite pas d’en sentir l’absurde mais peut-être, il te sera difficile de ne pas fissurer un peu ton monde.

Je ne sais pas s’il est possible d’y échapper. Je ne sais pas s’il est possible de ne pas sentir quelques lézardes qui se dessineront dans les certitudes des vingt ans. De continuer sans failles en toi. Je ne sais pas comment tu feras.
Sans doute, tu feras autrement. Tu passeras dans d’autres villes, et tu porteras d’autres attentes. Tu attendras d’autres départs. Je préférerais que tu ne sentes pas cet absurde, et que tu ne l’entendes pas crisser sous tes pas, mais je ne peux pas t’en protéger. Je n’y peux rien. Je m’en débrouille si mal. Je préférerais que tu ne sentes pas l’aigreur du soir, ni celle de la neige fondue.

Plus tard, tu comprendras certainement que tu m’as sauvée de l’absurde chaque fois que tu as mis ta main dans la mienne.

Isabelle Pariente-Butterlin _ Licence Creative Commons BY-NC-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 20 mars 2012.

 

 

A l’instant

Fil d’or

pensée noire

un rayon de soleil me cueille sur la margelle d’un puits de pensées noires

__________

J(((oi)))e

ici

éclats lumière rires maintenant

grains de poussière en suspension ensoleillés

dans l’espace entrebâillement fenêtres vides

soleil bleu horizon point à la ligne

moi point de suspension

__________

Pr O vidence

petites taches de couleur offertes

arrêtent mon regard pensées

que fait le/la jardinière

l’eau manque oh

La vie est belle

__________

Impressions d’enfance

glisse

la barque sur l’eau sillage

lignes de fuite clapotis tendre berceuse

si légère et si facile pesanteur abolie je glisse

je glisse je lisse ma vie si limpide soudain

douce ivresse des rimes des rames je m’arrime

mirages à des images de rivages

hospitaliers et enchanteurs

tendre berceuse

à l’ombre du feuillage qui miroite dans le profond de l’eau claire

Reflets jaunes

__________

Etonnement primordial

à l’instant

je vois tournoyer dans le ciel bleu

des hirondelles petites et un planeur grand

je tiens entre deux doigts une graine

poussée par le vent

il en étire les fils d’argent

j’écoute le rossignol

je regarde la nuit

la lune ronde me tend son visage étonnant

je pense au commencement

j’entends le premier cri

le mien

__________

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Envol

à l’instant

il neige

des fleurs

éphémère floraison

des cerisiers

les feuilles des hêtres

les feuilles des chênes

ont à peine commencé

de se déplier

d’autres

de quelle espèce d’arbres ?

comme des vols de papillons

ressemblent à des ailes

les points blancs

rejoignent lentement la terre

ou s’élèvent

je ne sais

???????????????????????????????

__________

Regards croisés

un sourire de la lumière dévisage soudain la fenêtre sortie de l’ombre

__________

Eden

petites fraises des bois au ras du sol

à l’ombre d’un arbre ensoleillé

abri bienfaisant de mes pensées rêveuses

ondoyantes dans l’air tiède

Points

__________

[Retour à l’accueil]

Compassion

déflagrations violentes de l’orage

aussitôt apaisées par le doux ruissellement de l’eau

sur les tempes de ma mémoire déchirée

__________

F-Estival

la lumière est dense

et danse

avec la brise légère

sur les ombres frémissantes

des feuillages frais

comme une nuit

apprivoisée

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17 :15

il fait nuit

mais dehors brille le soleil fossile des feuilles caduques

qui incendient encore la couronne des arbres

ou jonchent le sol en pointillés impressionnistes

le ciel est tombé sur la tête

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Derniers feux

givre blanc, brume blanche exaltent ce matin les mille couleurs flamboyantes de l’automne

qui n’en finissent pas de magnifier la mort avant de s’éteindre

hélas, la nuit est si profonde

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Géolocalisation

LA SOLITUDE

EN LATITUDE

ET

L

O

N

G

I

T

U

D

E

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Aube

la lumière naissante est tamisée

par un voile d’argent si fin que l’or

qui ourle chaque bord du monde inonde

le paysage de transparence blonde

entre les ailes azurées des anges

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Pluie de lumière

la lumière bleue du ciel

tombe drue sur le jardin

qui tend son prisme vert

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Le Sacre du Printemps

Des ondes primordiales vibrent en moi et j’en deviens la source.