Le chant d’un oiseau, au loin
Vent léger, douceur de l’air
Le monde entre parenthèses
léger
L’inimaginable
Nous étions si fragiles…
La nuit est tombée sur nous, la nuit est tombée sur l’Humanité… Personne ne voulait croire cela possible… Nous vivions dans une épaisseur d’indifférence qui vitrifiait nos émotions. Nos émotions étaient vitrifiées!
Des fous ont pris, au carrefour de l’impensable, la direction de l’inimaginable… Les puissants payaient leur combustible au prix de la vie des damnés!… Mon cœur est lourd et fermé, mes yeux pleurent de rage…
La planète bleue a été pressée comme une orange morte… Les terres ruisselaient d’eau vive, mais les machines des hommes broyaient tout pour les siècles des siècles!… Le chant du rossignol nous chavirait le cœur… Nous n’étions pas chez nous, hôtes passagers de la Terre, mais comme des furies, nous dansions avec la mort!
Lumière du matin, nos lèvres cueillaient la rosée à tes lèvres, baiser tendre du jour à la vie frémissante!… Je plongeais les mains dans l’eau argentée, l’or de la lumière coulait entre mes doigts, l’air pur et léger tremblait d’azur, mon coeur tremblait d’amour!
Les corps croyaient avoir une âme au diapason des dieux… La nuit est tombée sur nous, personne ne voulait croire cela possible…
Sédition
Mon corps
en guerre
livre bataille
sans mon accord
mon cœur le déserte
je l’entends battre comme un tambour
mêlé au souffle du vent
au fond d’un bois
le ciel entre les branches
accueille mes pensées
papillons de nuit
elles s’envolent vers les étoiles
Effacement
Légers et tremblants comme des flocons de neige
sur les haies blanchies par les aubépines en fleurs
le scintillement des pétales
Joie
Nous étions si fragiles…
Hier soir, le coucher de soleil que nous avons eu la chance de pouvoir contempler était d’une beauté à couper le souffle. Louis s’est arrêté de jouer. Les autres nous ont rejoints un à un, lentement. Julie et Jordan se serraient l’un contre l’autre. Le vent avait soufflé violemment pendant plusieurs jours, et une partie des nuées s’était dissoute, à l’ouest. Pour la première fois depuis que nous avions trouvé refuge dans cet endroit, nous pouvions porter le regard au-delà des quelques arpents de terre qui constituaient désormais notre horizon quotidien. L’air autour de nous était devenu plus léger, des écharpes de vapeur blanche montaient de la terre, dans le ciel débutait un spectacle que nous n’espérions plus pouvoir admirer un jour. Le temps paraissait suspendu. Etions-nous les derniers hommes ? J’ai vu Louis se prendre la tête entre les mains, pleurer. L’émotion m’étreignait la gorge. Qui d’autre que nous contemplait le ciel à cet instant ? Pourquoi penser aux autres ? Pourquoi penser ? Je désirais seulement ressentir. Limiter ma conscience à la joie qui montait en moi à la rencontre de la lumière. Nous sommes restés silencieux, abandonnés à la dérive de nos sentiments, jusqu’à ce que la nuit nous fasse frissonner.
Vent d’été
Atelier d’été Tiers Livre 2019
J’ai six ans. Je ne connais pas bien ma grand-mère, je ne l’ai pas vue souvent. Elle nous a invités dans la maison de sa sœur aînée où elle habite depuis la mort de mon grand-père. Par la fenêtre ouverte, pendant le repas, j’écoute le doux frémissement des frondaisons associé pour toujours aux sensations inoubliables de ce jour-là. L’après-midi, les enfants filent dehors. Ivresse de se déployer dans les bois et dans les champs qui s’étendent au loin à perte de vue! Je découvre la vraie vie, à rebours des espaces étriqués et compartimentés de ma vie habituelle. La brise légère qui agite les feuillages joue une musique qui ne peut être que le murmure de l’Univers… La maison est située à l’écart du village, en haut d’une pente douce qui descend vers la plaine, sa position dominante fait de nous les rois du monde! Elle est plutôt basse et allongée mais de proportion équilibrée, sans doute avait-elle été le corps de logis d’une ancienne ferme. Ma grand-mère est visiblement heureuse d’être revenue vivre dans son village natal, qu’elle avait été obligée de fuir pendant la première guerre mondiale. Mais sa sœur, une très vieille dame impotente qui me fait un peu peur, meurt quelques mois plus tard. A nouveau sans domicile, ma grand-mère se résoud à venir habiter chez nous, dans notre toute petite maison. Je lis dans ses yeux la tristesse de ce nouvel exil et je ressens comme elle la nostalgie des vastes étendues de son enfance, auxquelles le vent d’été avait donné son tempo léger. Sur le bahut de la chambre où je vais la voir après l’école, trône un gros cylindre de cuivre que j’avais vu dans la maison de sa sœur. C’est une douille d’obus qui a été décorée par mon grand-père. Elle sert de vase.
Le bruit léger de mes pas
La campagne est silencieuse
et immobile, aucun souffle n’agite
les feuillages encore tendres
contre le front du ciel gris
si pâle aujourd’hui, tristesse
de la couleur absente, joie
de la marche libre, au coeur
de la vie qui bat, au loin
le clocher du village
et les maisons regroupées
sous les nuages bas
et lourds
bientôt, le crépitement de la pluie
accompagnera
le bruit étouffé de mes pas

Avant la nuit

Douceur
les couleurs ne sont pas encore effacées
les lampes des maisons sont pourtant déjà allumées en prévision de la nuit
Douceur de l’instant
l’intensité du jour s’atténue pour accueillir le soir
le soir fait miroiter ses habits soyeux pour faire honneur au jour
Instant magique
qui abolit le temps
il ne fait plus jour mais il ne fait pas nuit
sensation un peu irréelle
qui donne le sentiment de l’éternel
A l’intérieur de la voiture chante la musique de Mozart
modulation infinie des notes claires
l’âme est légère, emportée par un ange espiègle
des guirlandes de lumières joyeuses jalonnent la route à travers la campagne
Invitation à la danse
Au volant, en passant

La vitesse
ouvre l’espace
la route invente
un cinéma monotone
au décor immuable
seul le ciel change
et les saisons
aujourd’hui, le paysage est vert et jaune
autour de quelques éoliennes blanches
qui jalonnent le trajet
le soleil se couche en beauté
comme j’aimerais le faire
le soir de mon dernier souffle
la lumière est plus belle que le jour
avant la nuit
plus tendres sont les amours
au crépuscule
un parfum se répand
de fleurs caressées par le vent
dans l’habitacle de la voiture
l’air est léger
de chaque côté de la route
on dirait que les arbres ont envie de danser
