mer

Pseudo-roman d’une histoire vraie…

 

   J’avais réussi à convaincre l’ami de mon père (pensée pour toi, pour la famille, pour Jean, pour Aline, pour tous les amis, hélas…) de me laisser gagner la confiance de Martin, et c’est ainsi que, de confidence en confidence, en recoupant les informations que j’obtenais, je me suis forgé ma propre opinion, indépendamment des présupposés des agents du contre-espionnage.  Avec les éléments recueillis, je pourrais écrire un roman. Mon récit aurait l’allure d’une fiction puisque plus personne, vraisemblablement, vu la tournure catastrophique des événements, ne pourrait apporter la preuve de ce que j’avance. Ce serait le pseudo-roman d’une histoire vraie pour un lecteur improbable. J’ai besoin que tu existes, ô lecteur improbable, j’ai besoin de m’appuyer sur toi en attendant, en espérant l’impossible… retrouver un jour les miens, reconstruire ensemble notre vie, aimer de nouveau vraiment avec l’avenir devant nous, ressentir la joie ! Tu existes, je le veux et tu le dois, tu existes et tu es en possession de mon récit, parvenu jusqu’à toi comme jadis les parchemins que les naufragés roulaient dans des bouteilles qu’ils jetaient ensuite à la mer…

     Drôle d’Histoire

     2055

Autour du monde

Vases communicants du 6 novembre 2015

    Les Vases communicants sont des échanges croisés de textes et d’images entre sites ou blogs, qui ont lieu chaque premier vendredi du mois. Imaginés par François Bon (Tiers Livre) et Jérôme Denis (Scriptopolis), ils sont animés et coordonnés par Angèle Casanova  (qui a succédé à Brigitte Célerier) et Marie-Noëlle Bertrand (sur facebook). Je remercie Clotilde Daubert, dont j’aime  lire le blog Rixilement, de m’avoir proposé d’échanger aujourd’hui avec elle et d’avoir alterné sa voix avec la mienne pour composer ensemble cette rêverie océane, Autour du monde.

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Autour du monde

Ses ailes
comme des vagues
écume blanche dans le ciel
une petite houle agite les nuages
entre deux rayons de lumière
passe un oiseau blanc
au-dessus de l’océan

Dans la pleine solitude
au bord de l’inquiétude
les ailes sur le dos

L’océan impassible
poursuit son incessant ressac
dans l’indifférence des jours

Passe un oiseau blanc
il ondule dans le ciel
son vol est lourd et lent
vieux gréement qui grince entre les vagues
le grondement de la houle
accompagne sourdement
le battement de ses ailes

Vers la brume
gouttes drapées
dans le cœur des oublis échappés

L’on quittera la mer à reculons
sans se soucier des hérons
la tristesse infinie à la lisière du monde

Héron

Voiles déployées vers le large
nulle terre à l’horizon
univers aérien et liquide
ciel et mer cousus par l’horizon
rien que le moutonnement des vagues
et la lumière filtrée par les nuages
cueillie par le prisme irisé de l’eau

Dans les eaux de la vie à la mort
à travers l’épaisseur de nos corps
entre lignes à la fuite

Comme au jour comme ennui
ni distances ni ponts
océans échoués dans l’avant dans l’après

Le vent essaime les grains, disperse les chagrins
quand la route est trop longue
il emporte les vieux gréements
capitaine, ô capitaine
je veux suivre tes ailes de lumière
ou mourir en écoutant ta musique profonde
semer la joie autour du monde

Texte et images de Clotilde Daubert et Françoise Gérard

 

éphéméride.24

Impressions du jour

Texte écrit en alternance avec Isabelle Pariente-Butterlin, que je remercie

de m’avoir proposé ce nouvel échange.

     « Il y a quelque chose qui se joue dans notre échange, autour de la vérité des jours, qui ne pouvait naître que […] de la sincérité de l’écriture dans l’échange. Il nous emmène très sûrement dans l’inexploré. »

     I.P., 2 mars 2015

23 mars

     On guette les signes, on espère, on attend le renouveau annoncé par les fleurs de cerisiers, on ne peut pas s’empêcher d’anticiper des jours meilleurs, de souhaiter le temps à venir des cerises, c’est ainsi, l’espoir est enraciné en nous, désespérer serait déjà mourir… Même le gris et le noir se teintent des couleurs de l’espérance en ces jours obscurs qui voient monter les votes racistes et xénophobes. Les sans-voix veulent donner de la voix tandis que des hommes et des femmes sans scrupule brandissent pour eux un porte-voix qui dénature leurs véritables propos, ceux-ci n’étant en réalité que protestation contre l’injustice qui les prive des moyens de bien vivre. L’indifférence de la gent politique qui occulte ou minimise depuis des lustres les difficultés des plus pauvres conduit malheureusement ceux-ci à se tourner presque de bonne foi vers des meneurs de foule qui leur désignent des boucs émissaires. Ainsi courons-nous probablement au désastre dans l’irresponsabilité générale. Mais le pire n’est jamais certain, les bourgeons bourgeonnent et les fleurs fleurissent, la promesse des lendemains qui chantent est dans ces fleurs immenses qui s’ouvrent dans le temps pour accueillir l’ami(e)…

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25 mars

     Et puis tu sais, il y a la mer, on la retrouve, il y a la mer, toujours, on oublie ce qu’elle est, on oublie son bleu, l’immense, on oublie trop facilement l’immense, et puis on la retrouve, on la croise, on la voit de nouveau, on se gorge de bleu, on l’absorbe, comme une plante absorbe la pluie, on absorbe l’immensité bleue, dont on ne revient pas, quand bien même elle serait seulement derrière la vitre d’un avion, derrière un carré de lumière, simplement cela, derrière un carré de lumière, double épaisseur, on devine un peu de givre, mais la mer, immense, bleue, et quelque chose de l’éternité qui nous parvient comme une effluve des possibles. Même si on ne peut pas enlever ses chaussures, poser ses pieds sur le sable frais, courir vers elle, même si… il y a la mer, on y revient, on la retrouve, on se sent comme une fleur tropicale sous la pluie, se gorgeant du monde de nouveau possible.

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éphéméride