Atelier d’été Tiers Livre 2019
Abandon. De mon corps couché sur le côté droit. Mon regard ne recherche et ne fuit rien. Mon regard regarde. Il suit des lignes, des formes et des couleurs. L’espace est immense dans les limites du cadre étroit que la pose de mon corps impose à mon regard. Ici, c’est le rêve au sommet d’une maison. Mon corps est couché dans un grenier minuscule sous l’arête du toit. Mon regard va et vient le long d’une partie de la poutre brune qui soutient le toit . Elle est veinée, craquelée, solide. Mon corps immobile prend sa solidité, désire lui ressembler. Les pentes du toit ont des allures de tente. Une chute de neige m’a forcée de bivouaquer, le sommet du K2 n’est pas loin, je vais m’y propulser ou plonger dans le vide, tout à l’heure, maintenant. Je suis sous le toit du monde. Il suffit que je le pense en laissant mon regard errer à travers l’immensité contenue dans le cadre étroit de la lucarne. La poutre brune a pris l’importance d’une clé de voûte. Par la lucarne j’aperçois la nuit, je suis sous la voûte du ciel. L’une des deux parties vitrées de la lucarne a glissé dans l’encadrement de zinc. Mon corps désire conserver son immobilité de plomb. Il frissonne comme l’eau ridée d’un lac à cause du filet d’air frais qui s’infiltre par la faille de la lucarne. Des alvéoles claires tachent le plancher sombre du grenier à la base du morceau de vitre qui s’est déplacé. Une érosion a commencé…