Emmanuel Macron

La stratégie du coucou

Nous étions si fragiles…

    Le populisme de droite avait eu beau jeu de dénoncer l’échec du « président des riches », tout en profitant comme un coucou du nid de ses politiques autoritaires et xénophobes. La défaite d’Emmanuel Macron et la victoire de Marion Maréchal-Le Pen en 2037 étaient la consécration de cinquante ans d’abandon progressif des principes fondateurs de la République française, de la démolition systématique de son contrat social, du recul délibéré de l’Etat et de l’action publique au profit du Marché, de la substitution de sa « Loi » et de ses règles à celles de la puissance publique, de la valorisation des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général, des atteintes d’abord insidieuses mais répétées et de plus en plus agressives à la liberté d’expression, de l’effacement du débat démocratique, de son remplacement par un pseudo clivage entre un nationalisme qui serait mauvais par essence et un progressisme qui serait nécessairement vertueux, sans tenir compte des véritables tensions qui traversaient la société…

La rue bâillonnée

Nous étions si fragiles…

    Comme en Grèce, après la première crise financière du siècle survenue en 2007/2008, un programme sans précédent de réduction des dépenses publiques fut concocté sous le prétexte fallacieux du désendettement de l’Etat, et pour engranger des recettes, une partie importante du patrimoine fut promis à la vente. La dégradation insoutenable de leurs conditions de vie avait désespéré les Grecs au point de porter l’extrême-droite au pouvoir, mais le monde de l’argent ne semblait pas craindre l’extrême-droite, et le monde politique était trop lié à celui de l’argent pour en tirer la moindre leçon. Le plan d’assainissement du budget de la France prévoyait la privatisation des services publics non régaliens, l’augmentation du temps de travail des fonctionnaires et la baisse de leurs salaires, le remplacement des minima sociaux et des indemnités de chômage par un revenu universel défavorable aux plus vulnérables, le transfert de la plupart des prestations de la Sécurité Sociale aux mutuelles privées, une diminution sans précédent du budget des ministères, dont les missions, pour certains d’entre eux, devaient, à terme, complètement disparaître… La population malmenée, qui pensait, avec l’élection d’Emmanuel Macron, avoir tourné la page des politiques agressives qu’elle subissait depuis trop longtemps, avait d’abord encaissé passivement, comme groggy, les nouveaux coups assénés. Elle s’était cependant réveillée assez vite pour faire craindre au pouvoir une contre-offensive de la rue, malgré les risques encourus, physiques et judiciaires, malgré l’empilement des lois liberticides votées depuis 2015, malgré la récente interdiction de manifester dans le centre des villes. Les rassemblements actifs, en région parisienne comme en province, s’enchaînèrent en mobilisant de plus en plus de monde. Plus de quatre Francais sur cinq désapprouvaient les mesures prises par le gouvernement, des économistes réputés, pourtant acquis au macronisme, craignaient que leur champion n’aille trop loin, au sein même de la majorité En Marche, à l’Assemblée Nationale, des frondeurs se désolidarisaient de la belle unanimité affichée par le pouvoir, les sondages laissaient entrevoir une explosion sociale imminente, les milieux d’affaires commençaient à redouter une insurrection populaire, mais au lieu d’amender sa politique ou de changer de cap, l’extrême-centre réagit alors comme la droite extrême en allant jusqu’à franchir le Rubicon qu’elle-même n’avait pas osé enjamber, et voulut assurer sa mainmise sur l’Etat en déposant un projet de loi qui s’attaquait au principe même de la liberté de manifester, inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789!… Toute forme de rassemblement à caractère revendicatif, qu’il soit mobile ou statique, défilés de manifestants, occupation d’un lieu public ou privé (rond-point, parking de supermarché…), serait désormais interdite, à la périphérie des villes comme dans les centres, en province comme en région parisienne et dans les métropoles, en tout lieu du territoire, quel que soit le motif, quel que soit le collectif à l’origine de l’appel à manifester, au prétexte que l’expression des mécontentements ne devait plus se faire par la mobilisation de la rue… la légitimité des urnes était brandie comme un bouclier imparable contre les accusations d’atteinte à la démocratie, et le péril de ce que le gouvernement présentait désormais comme une nouvelle forme de terrorisme pouvant conduire à la désatabilisation de l’État servait d’argument à tout va pour justifier ce nouveau pas en avant vers un régime autoritaire, qui déjà n’avait plus de républicain que le nom, agité comme le drapeau d’une publicité mensongère…

Le nouvel empereur

Nous étions si fragiles…

    En 2037, bien loin d’avoir restauré la paix sociale et la prospérité économique, Emmanuel Macron avait échoué dans tous les domaines. Aucun des objectifs affichés pendant la campagne électorale de 2032 n’avait été atteint. Son ambition européenne avait été un fiasco, la dette publique, que tous les gouvernements avaient utilisée depuis un demi-siècle pour justifier leurs politiques de casse sociale, restait hors de contrôle en oscillant à plus ou moins 200% du Produit Intérieur Brut (PIB), le chômage continuait de désespérer les familles, les infrastructures ne cessaient de se détériorer faute d’entretien, le pays s’enfonçait dans les abysses de l’austérité, et les libertés n’avaient pas été restaurées… Les premières mesures qu’il avait prises en faveur des plus riches avaient donné la tonalité de son quinquennat, tout pour les premiers de cordée, rien pour la piétaille. Ses thuriféraires et relais dans l’opinion interdisaient toute critique en avançant d’emblée que les conséquences de la grande crise de 2029 ne toléraient aucune autre politique… les grognards devaient donc accepter avec enthousiasme de se sacrifier pour le salut de la France! Hélas, le nouvel empereur n’avait pas le charisme de son mentor et, au lieu de galvaniser les foules, il ne cessait de les humilier en insultant à tout propos la moitié de la population qui vivait en dessous du revenu médian.

L’extrême-centre au pouvoir

Nous étions si fragiles…

    Au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2032, Emmanuel Macron avait réuni sur son nom, par delà toutes les différences de vue importantes qui divisaient l’électorat partagé à part égale entre les principaux candidats, les voix de tous ceux et celles qui voulaient tourner la page de ces sombres années. Les attentes étaient immenses. Il fallait rétablir les fondements de la République française en réaffirmant son triptyque: Liberté, Égalité, Fraternité! Hélas, après les ravages causés par l’extrême-droite ou la droite extrême, la population fit l’expérience de l’extrême-centre et découvrit avec stupeur ce que les nouveaux élus étaient capables de faire. Le mouvement En Marche fonctionnait comme une secte. Les instructions venaient d’en haut et ne souffraient aucune contradiction. Alors que la campagne électorale avait joué sur la séduction et l’apparente proximité du candidat avec les gens, la mise en scène grandiose du pouvoir était tout à la gloire d’un homme qui se considérait davantage comme le Chef Suprême de la France que le représentant élu par le Peuple pour le servir. Le soir de son élection, la pyramide du Louvre avait intronisé un nouveau Pharaon, à moins que ce ne fût l’avatar de Napoléon Bonaparte, dans une marche nocturne savamment calculée. Puis le palais impérial de Compiègne, à défaut du château de Versailles, sinistré depuis l’attentat de 2020, avait accueilli les deux assemblées parlementaires réunies en Congrès pour que les sénateurs et les députés écoutent le nouveau roi soleil ou le nouvel empereur, qui préférait toutefois se comparer à Jupiter, leur dicter leur feuille de route. Sur la scène internationale, c’est en nouveau Solon qu’il avait décidé d’apparaître devant le décor sublime de l’Acropole magnifié par les éclairages à la tombée de la nuit, pour déclarer au monde qu’il réinventerait l’Europe. La communication avait ses limites et on découvrirait vite la vacuité du personnage. Ne resteraient que ses coups de menton devant un général humilié et réduit à la démission pour avoir défendu ses soldats devant une commission de l’Assemblée Nationale, ses fanfaronnades démenties par la comédie servile à laquelle il se livrait avec les puissants et notamment avec le président des Etats-Unis qui le tenait par la poigne, son mépris des petites gens qu’il considérait comme des riens, la trahison des valeurs humanistes de la République française qu’il foulait aux pieds en refoulant la plupart des migrants arrivés en France et en fermant les frontières à ceux qui tentaient d’y parvenir, ses protestations hypocrites quand d’autres pays que la France détournaient les yeux des bateaux de naufragés perdus au milieu de la Méditerranée, ses doubles discours, ses provocations douteuses, sa tendance orwellienne à inverser le sens des mots…

Avant le fascisme

Nous étions si fragiles…

    La restriction des libertés publiques, commencée après les premiers attentats de 2015 et amplifiée non seulement par Marine Le Pen mais aussi par les gouvernements successifs de Laurent Wauquiez et d’Emmanuel Macron, était devenue pour la nièce une obsession, que tentaient encore de freiner quelques opposants déterminés qui utilisaient ce qu’il restait de contre-pouvoirs pour continuer à résister avec le plus grand courage. Mais le chaos provoqué par l’explosion de l’EPR de Flamanville servit de prétexte à l’Etat policier qu’était devenue la République française pour détruire les derniers remparts qui la séparaient du fascisme. Les principales mesures d’exception qui relevaient autrefois de l’état d’urgence avaient été inscrites dès 2017 dans la loi ordinaire, et, depuis, une succession de lois liberticides avait continué le travail de sape des fondements de la démocratie, qui oscillait entre des vélléités de rébellion citoyenne et une sorte d’acceptation morbide par la population de cette marche inéluctable vers un régime totalitaire… En fin de compte, Marion Maréchal-Le Pen n’avait fait que parachever une œuvre orchestrée bien avant elle, en s’engouffrant dans les brèches largement ouvertes par ses prédécesseurs…

La carte de Marion Maréchal-Le Pen

Nous étions si fragiles…

    Marine Le Pen n’avait pas été réélue à l’issue de son quinquennat en 2027, mais sa nièce avait repris le flambeau et sévissait à la tête de l’Etat depuis 2037. Dans l’intervalle, le pays avait oscillé entre la politique droitière et protectionniste de Laurent Wauquiez, qui avait damé le pion à la présidente sortante en réussissant à séduire son électorat, et la politique ultra libérale, mondialiste et européiste, d’Emmanuel Macron, élu en 2032 sur la base d’un programme que les Françaises et les Français avaient accueilli comme une bouffée d’oxygène après la chape de plomb des dix années précédentes, car ils avaient cru que le nouveau président, qui ne se voulait ni de droite ni de gauche, serait tout simplement centriste et humaniste. Le malentendu dura moins d’une année. Les classes populaires et moyennes basses découvrirent rapidement l’ampleur des attaques menées contre elles par le nouveau pouvoir, bientôt désigné comme l’extrême centre. La révolution désirée par Emmanuel Macron était celle que les milieux d’affaires et financiers appelaient de leurs vœux depuis l’accession au pouvoir des néo-libéraux Margaret Thatcher et Ronald Reagan à la fin du vingtième siècle, et dont tous les dirigeants politiques qui s’étaient succédé depuis, en Europe comme aux Etats-Unis, avaient favorisé la mise en œuvre. Celle-ci était en réalité déjà bien avancée, mais les tenants forcenés du néolibéralisme en voulaient toujours plus! Ils se sentaient près du but et piaffaient d’impatience, perdaient toute retenue, faisaient voler en éclats tous les tabous. Leur rêve était de parvenir à réduire à néant la puissance publique des Etats pour que les empires financiers ne trouvent plus aucune limite à leur expansion. En France, la devise de la République exprimait un désir profond d’égalité et de fraternité qui rendait leurs manœuvres plus difficiles qu’ailleurs, mais ils avaient trouvé en Emmanuel Macron un mercenaire déterminé, nostalgique de la monarchie, qui allait chercher l’inspiration auprès des tombeaux des rois dans la basilique de Saint-Denis! L’homme se rêvait lui-même en roi de droit divin et, s’il ne pouvait prétendre à ce titre, se sentait assez au-dessus de ses concitoyens pour conduire les affaires du pays en président-monarque. Cette folie mégalomaniaque lui fit commettre de graves erreurs en politique intérieure comme en politique extérieure, et son quinquennat se termina en désastre. C’est alors que les financiers aux abois, terrorisés par la perspective d’une victoire à la prochaine élection présidentielle de ce qu’ils appelaient l’ultra-gauche, sortirent de leur chapeau la carte de Marion Maréchal-Le Pen, qui n’était pas tout à fait neuve mais donnait encore l’illusion d’une certaine modernité…

Mai 2022

Nous étions si fragiles…

    Emmanuel Macron n’était qu’un leurre, le champion ou la marionnette consentante des milieux d’affaires dont il servait les intérêts – et non pas l’intérêt général ou le bien commun – mais au printemps 2022, il était devenu le phare incontournable de la vie politique française. Le scandale qui entachait la campagne du candidat républicain François Fillon et la décomposition du parti socialiste lui ouvraient un boulevard. Marine Le Pen était assurée d’être au second tour de la présidentielle de mai 2022, il serait vraisemblablement le challenger. Elle proposerait aux Françaises et aux Français un projet certes souverainiste mais surtout xénophobe, il défendrait une vision européenne de la France, certes plus sympathique, mais essentiellement alignée sur les positions néo-libérales habituelles de la Commission, caractérisées par le dumping social et le dumping fiscal, qui mettaient en concurrence tous les territoires avec pour conséquence dramatique l’appauvrissement général des citoyens les plus fragiles. Comme Bernie Sanders aux Etats-Unis en 2016, le candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, aurait pu éviter au pays d’avoir à choisir entre Charybe ou Scylla, car le programme écologique et social qu’il proposait répondait aux grands défis qu’il aurait fallu enfin relever. Jusqu’à la veille du premier tour, on avait pensé qu’il pouvait se qualifier. Le suspense fut insoutenable, mais il n’était finalement arrivé que troisième avec 20% des voix, juste derrière l’illusionniste Emmanuel Macron (21%). Avec un score de 28%, le parti fasciste de Marine Le Pen avait malheureusement raflé la mise ! Car les candidats des grands partis de la cinquième République n’avaient réussi à rassembler sur leur nom que dix-sept (François Fillon) et sept pour cent des voix (Benoît Hamon), les six autres « petits » candidats se partageant les sept pour cent restant. L’Histoire retiendrait que si les frondeurs du parti socialiste – qui avaient critiqué les gouvernements successifs des deux quinquennats de François Hollande sans jamais toutefois voter de motion de censure à l’Assemblée nationale – avaient ajouté avec Benoît Hamon, leur chef de file, vainqueur de la primaire, leurs forces à celles du mouvement populaire (et non pas populiste!), « La France insoumise », qui soutenait Jean-Luc Mélenchon, ce dernier aurait pu être présent au second tour et peut-être remporter l’élection présidentielle. Mais ce ne fut pas le cas, et en mai 2022, la France républicaine bafouée assistait impuissante à l’entrée de l’extrême-droite et de Marine Le Pen à l’Elysée.

La Novlangue des jeunes loups

Nous étions si fragiles…

    Dans ses meetings, Emmanuel Macron lançait des « Je vous aime (entendre/comprendre EM) » à la volée, que son auditoire souvent jeune, diplômé et branché, lui renvoyait en miroir dans le champ clos de l’entre-soi. Emmanuel Macron et son public se regardaient les yeux dans les yeux avec une profonde admiration mutuelle et un certain dédain allant de soi pour tous ceux qui ne faisaient pas partie de leur monde. Les fans d’Emmanuel Macron étaient jeunes, beaux, en bonne santé, entreprenants et conquérants, à l’aise en toutes situations, seulement frustrés de ne pas pouvoir encore plus, désireux de repousser les limites, d’élargir jusqu’à plus soif le champ de leur réussite. Il fallait donc « libérer les énergies », vieille lune néo-libérale du siècle dernier, reprise sous de faux airs de modernité par le jeune leader charismatique du mouvement « En marche », « en marche arrière toute » ironisaient ses détracteurs de gauche. Son électorat potentiel ne se sentait pas concerné par le chômage et la précarité, le montant du salaire minimum, la pénibilité au travail, l’âge de départ à la retraite et le niveau des pensions, les conditions de remboursement des frais médicaux par la Sécurité Sociale, les allocations logement, le RSA… Pour cette partie de la population qui gagnait bien sa vie, le smic était bien trop élevé et le prix du travail des autres était un coût, les cotisations sociales une charge, les prestations sociales un poids ou un boulet, la solidarité avec les plus faibles un frein à l’expansion économique… Libérer les énergies consistait donc à rendre les pauvres encore plus pauvres en diminuant le prix du travail sous prétexte de compétitivité, et en stigmatisant les chômeurs coupables de ne pas trouver de travail dans un monde qui licenciait et supprimait des emplois sans discontinuer depuis des décennies… Emmanuel Macron ne remettait rien en cause et pourtant, il avait écrit un livre qui s’appelait « Révolution ». La Novlangue fonctionnait à plein. Il fallait selon lui changer les hommes et les idées, mais, en guise de révolution, il ne proposait que la nouveauté de sa propre personne dans le microcosme politique, et la vacuité de son absence de vision sur le nouveau monde qu’il fallait bâtir de toute urgence pour enrayer les catastrophes environnementales et sociales en cours… Son omniprésence médiatique faisait pourtant croître de jour en jour son aura d’homme providentiel, soigneusement entretenue par les journalistes politiques alignés comme un seul homme sur les positions de la pensée économique dominante.

Homme providentiel et nouveau populisme

Nous étions si fragiles…

    Les frontières physiques entre pays étaient devenues beaucoup moins importantes que cette nouvelle géographie politico-socio-économique qui prenait possession de toute la planète avec partout les mêmes conséquences de déstabilisation profonde des équilibres qui fondaient jusqu’alors un minimum de cohésion sociale. Le désarroi des gens formait le terreau nourricier des extrêmes-droites nationalistes et des nouveaux démagogues qui surgissaient de toutes parts. En France, le hollandisme avait ouvert la voie à une nouvelle sorte de populisme du centre incarné par Emmanuel Macron, ancien ministre de l’économie de François Hollande pendant son premier quinquennat. Se prétendant ni de droite ni de gauche, transformant son inexpérience politique en argument de campagne lui donnant les vertus d’un homme nouveau non affecté par les défauts habituels des postulants aux plus hautes responsabilités de l’Etat, et faisant de l’immaturité que lui reprochaient ses adversaires le gage de sa bonne foi et de son honnêteté, Emmanuel Macron avait inventé le mouvement En Marche, aux initiales de ses nom et prénom, tout un programme!… pour qu’il le conduise sur le perron de l’Elysée. Un vieux cacique lui avait apporté son soutien, François Bayrou, qui avait œuvré et manœuvré en vain pendant toute sa vie pour que la France soit gouvernée au centre, selon le vœu déjà ancien du président de la République française Valéry Giscard d’Estaing, en 1974. Mais, alors qu’il s’était fait le chantre d’une séparation claire entre les mondes politique et affairiste afin de lutter contre la corruption, François Bayrou avait manifestement occulté le fait qu’Emmanuel Macron était le poulain des milieux d’affaires et que ceux-ci lui avaient déroulé le tapis rouge à la banque Rothschild, ouvert les portes du pouvoir et des médias, facilité son ascension de toutes les manières possibles. D’autres que lui, comme l’ancien maire de Paris Bertrand Delanoë parmi les notables socialistes, ou le vice-président de l’Assemblée nationale François de Rugy chez les écologistes, devenus soudainement adeptes d’un social-libéralisme décomplexé, avaient franchi le Rubicon qui les séparait d’Emmanuel Macron en abandonnant les candidats élus à la primaire de leur parti, Benoît Hamon et Jannick Jadot, pour rejoindre ce nouvel homme providentiel qui s’était lui-même désolidarisé de son mentor, François Hollande…

Cauchemar à l’Elysée

(Récit en cours d’écriture)

Emmanuel Macron n’était qu’un leurre, le champion ou la marionnette consentante des milieux d’affaires dont il servait les intérêts – et non pas l’intérêt général ou le bien commun – mais il était devenu le phare incontournable de la vie politique française. Le scandale qui entachait la campagne du candidat républicain François Fillon et la décomposition du parti socialiste lui ouvraient un boulevard. Marine Le Pen était assurée d’être au second tour de l’élection présidentielle, il serait vraisemblablement le challenger. Elle proposerait aux Françaises et aux Français un projet certes souverainiste mais surtout xénophobe, il défendrait une vision européenne de la France, certes plus sympathique, mais essentiellement alignée sur les positions néo-libérales marchéistes habituelles de la Commission, caractérisées par le dumping social et le dumping fiscal, qui mettaient en concurrence tous les territoires avec pour conséquence dramatique l’appauvrissement général des citoyens les plus fragiles. Comme Bernie Sanders aux Etats-Unis en 2016, *le candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, aurait pu éviter au pays d’avoir à choisir entre Charybde ou Scylla, car son programme écologique et social répondait aux grands défis qu’il aurait fallu enfin relever. Jusqu’à la veille du premier tour, on avait pensé qu’il pouvait se qualifier. Le suspense fut insoutenable. Mais il n’était finalement arrivé que troisième avec 20% des voix derrière l’illusionniste  Emmanuel Macron (21%) et la xénophobe Marine Le Pen (24%), les candidats des grands partis de la cinquième République ne faisant que 17% (François Fillon) et 9% (Benoît Hamon), les « petits » candidats se partageant les 9% restant. L’Histoire retiendrait que si les frondeurs du parti socialiste, qui avaient critiqué les gouvernements successifs de François Hollande sans jamais toutefois voter de motion de censure à l’Assemblée nationale, et si Benoît Hamon, leur chef de file, vainqueur de la primaire, avaient ajouté leurs voix à celles du mouvement populaire (et non pas populiste) « La France insoumise », qui soutenait Jean-Luc Mélenchon, ce dernier aurait permis aux forces de gauche d’accéder au second tour. Mais ce ne fut pas le cas. La France républicaine bafouée assista impuissante à l’entrée de l’extrême-droite et de Marine Le Pen à l’Elysée. Un cauchemar…

Texte publié le 18 avril 2017.

*Jean-Luc Mélenchon et ses électeurs insoumis réussissaient à détourner du Front National une partie des ouvriers et employés dédaignés aussi bien par les socialistes que par la droite républicaine. Sans eux, le score de Marine Le Pen aurait été bien plus élevé. Mais l’aveuglement ou la mauvaise foi de leurs adversaires les firent disparaître de la scène politique et laissèrent le champ libre au FN victorieux…

À suivre.

Ce texte est rédigé au passé car il sera inséré dans le cours d’un récit-fiction écrit depuis l’avenir avec le point de vue d’une narratrice en train de vivre les derniers jours de l’Humanité et qui cherche, a posteriori, à comprendre pourquoi et comment on a pu en arriver là, en essayant de mettre en évidence les forces à l’œuvre dans le faisceau d’événements, de mouvements profonds et de décisions malencontreuses qui ont conduit à la plus grande crise écologique et sociale que l’Humanité ait jamais connue.

Ecrit depuis l’avenir

2064

Lire ce texte est un acte citoyen comme l’acte de celui qui l’a écrit. La Tribune de Vincent Lindon

Spécialiste en rien, intéressé par tout », comme il se définit lui-même, Vincent Lindon cultive une parole publique rare que la crise insensée que …

Lire ce texte est un acte citoyen comme l’acte de celui qui l’a écrit. La Tribune de Vincent Lindon

La République en Marche arrière

Liste des reculs

2017

Juin/Juillet

Pouvoir :

  • Mise en place d’un mode de gouvernance monarchique avec un Président qui a les pleins pouvoirs et une majorité passive à l’Assemblée Nationale; convocation du Congrès de Versailles où seule compte la parole du Président…

Ecologie :

  • Abandon par l’Europe, à la demande de la France, de la Taxe sur les Transactions Financières, qui devait financer la lutte contre le réchauffement climatique.
  • Aval de la France pour un texte européen peu contraignant sur les perturbateurs endocriniens, en recul par rapport au projet qu’elle soutenait antérieurement.

Droits humains :

  • Réduction de l’aide au développement (climato-compatible…) des pays pauvres, alors que le PR se dit conscient (?!) que la lutte contre le terrorisme se joue aussi sur ce front!…
  • Distributions d’eau et de nourriture aux migrants interdites!!!

Retraités et fonctionnaires :

  • Gel du point d’indice des fonctionnaires et rétablissement du jour de carence (que les grandes entreprises ne pratiquent pas) en cas d’arrêt maladie.
  • Augmentation de 1,7% de la CSG accompagnée d’une baisse de 3,5% des cotisations salariales dans le secteur privé (le gain de pouvoir d’achat est d’autant plus important que le salaire est élevé!), mais sans compensation pour les fonctionnaires et les retraités, dont les revenus diminuent de facto.

Fiscalité :

  • Cantonnement de l’ISF aux seuls biens immobiliers (coût pour l’Etat: 4 milliards, mais gain de 2 milliards pour les 3000 ménages français les plus riches!).
  • Instauration d’un Prélèvement Forfaitaire Unique de 30% sur les valeurs mobilières (coût pour l’Etat: 3 milliards, mais gain de 1,3 milliard pour les 3000 ménages français les plus riches!).

Travail :

  • Novlangue: le « compte pénibilité » est rebaptisé compte de prévention mais se voit privé de 4 de ses piliers (contact avec les produits chimiques, charges lourdes, postures pénibles, vibrations…) et le départ en retraite anticipé ne sera possible qu’en cas de maladie professionnelle déclarée…

A suivre

En Marche arrière toute!

     Dans ses meetings, Emmanuel Macron lançait des « Je vous aime (comprendre EM) » à la volée, que son auditoire souvent jeune, diplômé et branché, lui renvoyait en miroir dans le champ clos de l’entre-soi. Emmanuel Macron et son public se regardaient les yeux dans les yeux avec une profonde admiration mutuelle et un certain dédain allant de soi pour tous ceux qui ne faisaient pas partie de leur monde. Les fans d’Emmanuel Macron étaient jeunes, beaux, en bonne santé, entreprenants et conquérants, à l’aise en toutes situations, seulement frustrés de ne pas pouvoir encore plus, désireux de repousser les limites, d’élargir jusqu’à plus soif le champ de leur réussite. Il fallait donc « libérer les énergies », vieille lune néo-libérale du siècle dernier, reprise sous de faux airs de modernité par le jeune leader charismatique du mouvement En marche, « En marche arrière toute! » ironisaient ses détracteurs de gauche. Son électorat potentiel ne se sentait pas concerné par le chômage et la précarité, le montant du salaire minimum, la pénibilité au travail, l’âge de départ à la retraite et le niveau des pensions, les conditions de remboursement des frais médicaux par la Sécurité Sociale, les allocations logement, le RSA… Pour cette partie de la population qui gagnait bien sa vie, le smic était bien trop élevé et le prix du travail des autres était un coût, les cotisations sociales une charge, les prestations sociales un poids ou un boulet, la solidarité avec les plus faibles un frein à l’expansion économique… Libérer les énergies consistait donc à rendre les pauvres encore plus pauvres en diminuant le prix du travail sous prétexte de compétitivité, et en stigmatisant les chômeurs coupables de ne pas trouver de travail dans un monde qui licenciait et supprimait des emplois sans discontinuer depuis des décennies… Emmanuel Macron ne remettait rien en cause et pourtant, il avait écrit un livre qui s’appelait « Révolution ». Le novlangue fonctionnait à plein. Il fallait selon lui changer les hommes et les idées, mais, en guise de révolution, il ne proposait que la nouveauté de sa propre personne dans le microcosme politique, et la vacuité de son absence de vision sur le nouveau monde qu’il fallait bâtir de toute urgence pour enrayer les catastrophes environnementales et sociales en cours… Son omniprésence médiatique et le phénomène de matraquage publicitaire qui en résultait faisait pourtant croître de jour en jour son aura d’homme providentiel, soigneusement entretenue par les journalistes politiques alignés comme un seul homme sur les positions de la pensée économique dominante…

      * Ce texte est rédigé au passé car il sera inséré dans le cours d’un récit écrit depuis l’avenir avec le point de vue d’une narratrice en train de vivre les derniers jours de l’Humanité et qui cherche, a posteriori, à comprendre pourquoi et comment on a pu en arriver là, en essayant de mettre en évidence les forces à l’œuvre dans le faisceau d’événements, de mouvements profonds et de décisions malencontreuses qui ont conduit à la plus grande crise écologique et sociale que l’Humanité ait jamais connue.

     Ecrit depuis l’avenir

     2064

En Marche

     Chaque pays de l’OCDE était fracturé par une ligne de répartition des richesses de plus en plus défavorable non seulement aux pauvres mais aussi aux classes moyennes basses, dont le statut était de moins en moins enviable. Les frontières physiques entre pays étaient devenues beaucoup moins importantes que cette nouvelle géographie politico-socio-économique qui prenait possession de toute la planète avec partout les mêmes conséquences de déstabilisation profonde des équilibres qui fondaient jusqu’alors un minimum de cohésion sociale. Le désarroi des gens formait le terreau nourricier des extrêmes-droites nationalistes et des nouveaux démagogues qui surgissaient de toutes parts. En France, le hollandisme avait ouvert la voie à une nouvelle sorte de populisme du centre incarné par Emmanuel Macron, ancien ministre de l’économie de François Hollande. Se prétendant ni de droite ni de gauche, transformant son inexpérience politique en argument de campagne lui donnant les vertus d’un homme nouveau, qui n’aurait pas les défauts habituels des postulants aux plus hautes responsabilités de l’Etat, et faisant de l’immaturité que lui reprochaient ses adversaires le gage de sa bonne foi et de son honnêteté, Emmanuel Macron avait inventé le mouvement En Marche, aux initiales de ses nom et prénom, tout un programme!… pour qu’il le conduise sur le perron de l’Elysée. Un vieux cacique lui avait apporté son soutien, François Bayrou, qui avait œuvré et manœuvré en vain pendant toute sa vie pour que la France soit gouvernée au centre, selon le vœu déjà ancien du président de la République française Valéry Giscard d’Estaing, en 1974. Mais, alors qu’il s’était fait le chantre d’une séparation claire entre les mondes politique et affairiste afin de lutter contre la corruption, François Bayrou avait manifestement occulté le fait qu’Emmanuel Macron était le poulain des milieux d’affaires et que ceux-ci lui avaient déroulé le tapis rouge à la banque Rothschild, ouvert les portes du pouvoir et des médias, facilité son ascension de toutes les manières possibles. D’autres que lui, comme l’ancien maire de Paris Bertrand Delanoë parmi les notables socialistes, ou le vice-président de l’Assemblée nationale François de Rugy chez les écologistes, devenus soudainement adeptes d’un social-libéralisme décomplexé, avaient franchi le Rubicon qui les séparait d’Emmanuel Macron en abandonnant les candidats élus à la primaire de leur parti, Benoît Hamon et Jannick Jadot, pour rejoindre ce nouvel homme providentiel qui s’était lui-même désolidarisé de son mentor, François Hollande…

     * Ce texte est rédigé au passé car il sera inséré dans le cours d’un récit écrit depuis l’avenir avec le point de vue d’une narratrice en train de vivre les derniers jours de l’Humanité et qui cherche, a posteriori, à comprendre pourquoi et comment on a pu en arriver là, en essayant de mettre en évidence les forces à l’œuvre dans le faisceau d’événements, de mouvements profonds et de décisions malencontreuses qui ont conduit à la plus grande crise écologique et sociale que l’Humanité ait jamais connue.

     Ecrit depuis l’avenir

     2064