nécessaire

70 ans plus tôt que les estimations

Nous étions si fragiles…

    La banquise fondait, mais l’optimisme béat conduisait à se réjouir de l’ouverture au Pôle Nord de nouvelles routes maritimes intercontinentales plus rapides, ou de la transformation de la Sibérie en grenier à blé, sans tenir compte du temps long nécessaire à la formation d’un sol fertile alors que les pertes dues à la désertification dans d’autres régions du monde étaient immédiates, ni des bouleversements géopolitiques que cela impliquait. En 2019, pendant que les révélations du journal numérique indépendant Médiapart sur le train de vie du ministre de l’écologie François De Rugy et son usage de l’argent public monopolisaient toutes les rédactions de France et de Navarre, l’article publié dans la Geophysical Research Letters sur la fonte du permafrost (ou pergélisol), l’épaisse couche de glace qui recouvrait autrefois 25% de l’hémisphère Nord, passait quasiment inaperçu. Des chercheurs de l’université d’Alaska à Fairbanks aux Etats-Unis venaient de découvrir que le permafrost de l’Arctique canadien fondait beaucoup plus vite que ce qu’ils avaient prévu. La fonte était tellement rapide qu’elle avait déjà atteint le niveau de dégel prévu par les scientifiques en… 2090! soit soixante-dix ans plus tôt que les estimations!…

Je est un personnage de roman

    Eté 2016: l’atelier d’écriture de François Bon

      Je me lève tôt. Je bois du thé. Je regarde souvent le ciel. J’aime sentir la pluie ruisseler sur mon corps. J’aime écouter le ruissellement de l’eau dans les gouttières. J’aime entendre les gouttes de pluie tambouriner contre la fenêtre ou sur les trottoirs. J’aime la pluie. J’aime l’eau. J’aime. J’aime aimer. Je n’aime pas les fortes chaleurs. J’aime sentir le vent dans mes cheveux. J’aime me déplacer à vélo. Je rêve beaucoup. Je rêve éveillée. Je marche beaucoup. Je fais de longues promenades à pied. Je me sens légère. Mon poids sur la terre est léger. Je pourrais m’envoler. Les ailes des oiseaux ont la forme d’un livre ouvert. Je voudrais ressembler à un livre. Je ne vis pas seulement dans ma tête. La vie pourrait ressembler à une fête. Écrire m’est nécessaire. J’écris comme je respire. Le souffle de l’écriture est vital. Vivre ivre. Ivresse des sommets. Planer au-dessus de la vie. Narration-Dieu, tout voir, tout savoir. Je ne sais rien. Je sais que je ne sais rien. Je m’amuse d’un rien comme une enfant. J’ai soixante ou dix ans, peut-être soixante-dix ans. Je n’ai pas d’âge. Je suis une femme sans âge. Je ne suis pas une sage-femme. Je ne suis pas philosophe. Je n’accouche pas les âmes. Je voudrais être sage. Le soir, j’arrose les fleurs du jardin. Avant de m’endormir, je contemple les étoiles, la lune ou le déplacement rapide des nuées dans le ciel. J’apprends à jouer du piano. Parfois, je fais un dessin. J’apprends à m’émerveiller. Les corvées matérielles m’absorbent. Je lave, je frotte, je recommence. La vie est un éternel recommencement. Les tâches du quotidien sont répétitives. Mon corps s’use. Le dos fait mal. Les bras s’ankylosent. Je ne fais pas assez de sport. Je m’occupe mal des autres. Je me fais attendre, rarement prier. Je suis assez désespérée. J’essaie de garder quelques illusions. La vie est un grand écart permanent. Le décalage est un art. Dans une autre vie, j’aurais pu être mathématicienne. J’aime que 2 + 2 fassent 4. Je suis carrée. L’art est exigeant. Mes sentiments me définissent mieux que mes actions. Mes gestes sont lents. Je me fatigue vite. J’ai un gros défaut de vision. J’espère pouvoir écrire et dessiner jusqu’à la fin de mes jours. Je voudrais mourir sans m’en rendre compte. J’ai de moins en moins de mal à m’endormir. J’aime que les oiseaux me réveillent. J’aime me sentir éveillée. Je suis simple. Ma vie ne l’a pas été. Ma vie pourrait faire l’objet d’un roman, elle n’a pas été un long fleuve tranquille. Les relations sociales sont compliquées. Mon caractère n’est pas adapté. Le personnage simple de ma vie romancée serait doublé d’un alter ego complètement décalé…

Le don de la parole

Je voudrais te dire… Que je ne parviens pas à te dire… Qu’il est impossible de dire… Que je n’ai pas les mots… Que quand bien même…  Te rends-tu compte? Cela est-il possible? Pourrais-tu le dire? Le formuler? Tenter de l’exprimer? As-tu les mots pour le dire? Je voudrais tant… Que tu me comprennes… Et pouvoir te comprendre… Comment dire… Il me semble que… Les mots sont-ils nécessaires?… As-tu besoin des mots? De mes mots? De tes mots? De quels mots? Est-ce que tu lis en moi? Que lis-tu? Je n’y vois pas clair… Je n’ai pas de réponses… Je tente parfois une lecture… J’esquisse… J’esthétise… Je temporise… Silence. Pourquoi ne dis-tu rien? Je parle trop? Où sont les mots? Les miens? Les tiens? Je t’adjure… Je t’en supplie… Dis-moi un mot, un seul, qui soit vraiment de toi. Je le conserverais en moi comme un trésor. Je le porterais comme un bijou. Ce mot. Unique. Qui me viendrait de toi…