impression

Prométhée

Sortir de la paralysie, de cette impression de ne pas avancer, de tourner en rond dans la cour d’une prison, de s’enfoncer dans des sables mouvants… Crever l’abcès, laisser suppurer l’angoisse, la regarder en face jusqu’à la nausée, souffrir en une seule fois pour nettoyer toute la plaie! Vivre vraiment, pas seulement une apparence, un miroir ou un mouroir de vie, mais un don, un abandon, le pouvoir d’abandonner toutes les défenses, de laisser derrière soi les résistances incompréhensibles, les luttes inutiles, les combats d’arrière-garde…

Etait-ce seulement possible?… Et pourquoi ce doute à un âge où l’avenir lui était, théoriquement, totalement ouvert? Etait-elle donc déjà si vieille, si vieillie, si désabusée, si revenue de tout comme le plus cynique des baroudeurs, à qui la terre entière ne suffirait plus et qui lui préférerait une île déserte pour y cultiver jalousement ses rêves d’avant, coupé du reste du monde mais campé sur l’empire de son passé, enchaîné à son roc comme un Prométhée contrefait, simulacre, caricature de lui-même, grimaçant de regrets dans sa fausse tentative d’arracher aux dieux une parcelle de leur feu, de conquérir une étincelle de leur éternité, de créer la flamme de sa propre vie?…

L’avenir improbable

Nostalgie

Ce texte, qu’elle avait conservé dans un cahier comme une fleur fanée, avait pris la fonction d’un fanal… Il balisait le passé… Quelques années seulement s’étaient écoulées, un siècle… Pire, ce passé récent était coupé du présent, séparé de lui par une frontière impitoyablement infranchissable : la continuité de la vie s’était brisée. Derrière, transformés en mythe, âge d’or, paradis perdu, les temps à jamais révolus avaient laissé quelques hiéroglyphes, des souvenirs jaunis, et cette impression désagréable de flotter à la surface d’événements qui n’avaient pas de profondeur…

L’avenir improbable

Ta note, ta tessiture intime

Isabelle Pariente-Butterlin

 

Échos de toi, toi à peine née.

Quelque chose d’avant le langage. Une affirmation radicale et silencieuse. Tu vois, moi qui suis entrée sans m’en apercevoir dans le monde des adultes, je pose des termes savants sur cette impression essentielle de silence. Cette impression de silence que je rencontre sans cesse dans le lien au monde. J’ai dû l’apprivoiser. Je tente de me rapprocher de ce silence essentiel entre quoi les phrases, avant de se dérouler, après s’être déroulées, sont suspendues.

La première impression de toi. La toute première.

Celle, avant même que je dise ton nom, et que nous ayons l’habitude de nos présences liées. Première et très exacte impression de toi. Toi impressionnant mon être de tout ton être. Quelque chose, sans doute, comme une impression photographique de ton âme dans la mienne. Et très signifiante impression de toi.

Comme si la première impression de toi était la note que tu allais tenir.

Ta note, ta tessiture intime. Celle de ta voix aussi. Plus tard. Celle qui sera la tessiture de ta voix, mais pas seulement. Elle sera aussi la grâce de tes gestes, le rythme de ta démarche. Comme si, dans la première note, tout le phrasé de la vie était là. Longtemps après, échos de toi à peine née en toi te déployant. Dans la manière que tu as de déplacer l’air. Simplement cette vibration de toi que je reçois, quand tu entres dans la pièce, dans une région qui doit être celle du cœur.

Reste-lui fidèle.

Isabelle Pariente-Butterlin _ Licence Creative Commons BY-NC-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 15 mars 2012.