fleurir

Dramaturgie de la peur

Nous étions si fragiles…

    Comment étouffer les éclairs de lucidité qui traversaient les consciences? La dramaturgie de la peur avait fait ses preuves et le gouvernement de François Hollande ne manqua pas d’en abuser. La peur du nucléaire était justifiée, pas son détournement au profit de la manipulation fasciste des esprits. Le pouvoir hollandien qui n’avait plus rien de socialiste depuis belle lurette opéra un ultime retournement-reniement qui conduisit Marine Le Pen aux portes de l’Elysée. Celui qui l’avait d’une certaine façon dédiabolisée ou dédouanée en osant la mettre sur le même plan que Georges Marchais et le parti communiste des années 1970 lui ouvrit un boulevard en accréditant ses thèmes et ses méthodes dans tous les domaines autres que l’économique (Francois Hollande continuait de camper sur des positions néo-libérales TINA, there is no alternative…). La peur d’un nouvel attentat nucléaire paralysait les résistances et réveillait les pires instincts. L’état d’urgence, devenu permanent après les attentats de 2015 et gravé en 2016 dans la Constitution, autorisait tous les excès policiers. La droite poussait les Autorités à réprimer toujours plus, des milices prétendaient vouloir faire justice elles-mêmes, des chasses ignobles au faciès étaient organisées par des groupes fascistes sur lesquels le pouvoir fermait les yeux. La droite maurassienne des débuts du vingtième siècle renaissait de ses cendres. Les drapeaux bleus et blancs fleurissaient dans des manifestations improvisées qui dégénéraient toujours, à la tombée de la nuit, en bagarres crapuleuses et en casses sans que les Autorités ne parviennent jamais à identifier les commandos d’agitateurs téléguidés par l’extrême-droite, facilement repérables, pourtant, sur les vidéos filmées par des amateurs au milieu de la foule, alors que la police ne trouvait bizarrement sur son chemin que des manifestants estampillés « gauche radicale » et quelques écologistes désespérés qu’elle donnait en pâture à l’opinion. Le Front national embusqué attendait avec délectation le moment inéluctable où il récolterait les fruits du chaos. Triste fin d’un pouvoir dit socialiste qui n’en avait jamais eu que le nom, volé à la vraie gauche par une poignée d’imposteurs et une multitude de profiteurs…

La braderie

Atelier d’écriture Tiers Livre de François Bon

     La braderie! C’est la grande braderie! Les trottoirs se couvrent d’étals, les étals accueillent des monceaux d’objets, les passants se pressent dans les allées, les vendeurs bradent, les acheteurs marchandent, les camelots haussent la voix, les bateleurs font le spectacle, la foule bigarrée devient spectacle, la mise en scène se répète, les uns bradent, les objets de la vie courante comme les souvenirs, les vieux albums comme les vieilles cafetières, les mécanismes bien huilés d’une jolie boîte à musique ou d’une horloge comme les tas de ferraille qui les cachent, les pièces d’or oubliées dans une enveloppe comme les coussins éventrés dans lesquels la main de quelqu’un ou de quelqu’une les avait un jour glissées, tout est à brader, le superflu, l’inutile ou le trop vieux, le laid, le joli, l’insolite ou l’informe, et les autres regardent, palpent, soupèsent, auscultent, respirent, opinent, discutent le prix, s’en vont, reviennent, tergiversent, concluent, emportent l’objet devenu finalement indispensable, utile ou seulement capable, humblement, de recevoir une seconde vie… Une lunette céleste pourrait voir l’ensemble de la toile tissée par les fils qui relient chaque objet aux différentes personnes qui en ont disposé depuis sa fabrication, et, si l’entre-deux-guerres, les années folles et la Belle Époque sont en général l’horizon le plus reculé des antiquités bradées, ce sont les foires du Moyen-Age que l’observateur céleste retrouve dans les allées de la braderie!… Entre la masse verticale d’un brocanteur aux moustaches tombantes à la Gauloise et l’éclat oblique d’un reflet du soleil sur la paroi ventrue d’un gros vase se faufile soudain une petite ombre, comme un farfadet… Il fait beau, la foule est de plus en plus nombreuse, les couleurs des vêtements se mêlent en un patchwork joyeux, des musiciens, amateurs ou saltimbanques, rythment les pas et font swinguer les corps, des ballons en baudruche s’échappent des mains qui les retiennent par un fil, leur envol fait fleurir le ciel, un petit nuage blanc solitaire semble ponctuer le texte d’une banderole que traîne un petit avion pétaradant, l’air est limpide et ondoie légèrement comme l’eau pure d’un lac, des odeurs de gaufres et de barbe à papa titillent les narines, les flonflons d’un manège installé sur une placette au cœur de la braderie instillent une ambiance de fête foraine… La foule est dense et danse quand elle le peut en avançant à tout petits pas… L’enfant juchée sur les épaules de son père absorbe tout ce qu’elle peut voir, entendre, sentir… découvre des pans de réalité insoupçonnés, ressent en elle une sorte d’appel mystérieux… ses parents, qui n’achètent presque jamais rien car tout est toujours trop cher, disent qu’ils viennent à la braderie pour flâner et respirer un air de fête… elle aime qu’ils rêvent ou qu’ils s’amusent en contemplant les assemblages d’objets hétéroclites qui bordent les allées… elle n’imagine pas vraiment mais elle pressent, en laissant le flot des sensations neuves l’envahir, que d’autres mondes sont possibles…

Climat d’insurrection

     La peur mêlée à des sentiments de révolte créa un climat d’insurrection. La droite maurassienne des débuts du vingtième siècle renaissait de ses cendres. Les drapeaux bleus et blancs fleurissaient dans des manifestations improvisées qui dégénéraient toujours, à la tombée de la nuit, en bagarres crapuleuses et en casses sans que les Autorités ne parviennent jamais à identifier les commandos d’agitateurs téléguidés par l’extrême-droite, facilement repérables, pourtant, sur les vidéos filmées par des amateurs au milieu de la foule, alors que la police ne trouvait bizarrement sur son chemin que des manifestants estampillés « gauche radicale » et quelques écologistes désespérés qu’elle donnait en pâture à l’opinion. Triste fin d’un pouvoir dit  *socialiste qui n’en avait jamais eu que le nom, volé à la vraie gauche par une poignée d’imposteurs et une multitude de profiteurs…

     * Voir l’Avertissement en préambule à ce récit.

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