néo-libéral

La carte de Marion Maréchal-Le Pen

Nous étions si fragiles…

    Marine Le Pen n’avait pas été réélue à l’issue de son quinquennat en 2027, mais sa nièce avait repris le flambeau et sévissait à la tête de l’Etat depuis 2037. Dans l’intervalle, le pays avait oscillé entre la politique droitière et protectionniste de Laurent Wauquiez, qui avait damé le pion à la présidente sortante en réussissant à séduire son électorat, et la politique ultra libérale, mondialiste et européiste, d’Emmanuel Macron, élu en 2032 sur la base d’un programme que les Françaises et les Français avaient accueilli comme une bouffée d’oxygène après la chape de plomb des dix années précédentes, car ils avaient cru que le nouveau président, qui ne se voulait ni de droite ni de gauche, serait tout simplement centriste et humaniste. Le malentendu dura moins d’une année. Les classes populaires et moyennes basses découvrirent rapidement l’ampleur des attaques menées contre elles par le nouveau pouvoir, bientôt désigné comme l’extrême centre. La révolution désirée par Emmanuel Macron était celle que les milieux d’affaires et financiers appelaient de leurs vœux depuis l’accession au pouvoir des néo-libéraux Margaret Thatcher et Ronald Reagan à la fin du vingtième siècle, et dont tous les dirigeants politiques qui s’étaient succédé depuis, en Europe comme aux Etats-Unis, avaient favorisé la mise en œuvre. Celle-ci était en réalité déjà bien avancée, mais les tenants forcenés du néolibéralisme en voulaient toujours plus! Ils se sentaient près du but et piaffaient d’impatience, perdaient toute retenue, faisaient voler en éclats tous les tabous. Leur rêve était de parvenir à réduire à néant la puissance publique des Etats pour que les empires financiers ne trouvent plus aucune limite à leur expansion. En France, la devise de la République exprimait un désir profond d’égalité et de fraternité qui rendait leurs manœuvres plus difficiles qu’ailleurs, mais ils avaient trouvé en Emmanuel Macron un mercenaire déterminé, nostalgique de la monarchie, qui allait chercher l’inspiration auprès des tombeaux des rois dans la basilique de Saint-Denis! L’homme se rêvait lui-même en roi de droit divin et, s’il ne pouvait prétendre à ce titre, se sentait assez au-dessus de ses concitoyens pour conduire les affaires du pays en président-monarque. Cette folie mégalomaniaque lui fit commettre de graves erreurs en politique intérieure comme en politique extérieure, et son quinquennat se termina en désastre. C’est alors que les financiers aux abois, terrorisés par la perspective d’une victoire à la prochaine élection présidentielle de ce qu’ils appelaient l’ultra-gauche, sortirent de leur chapeau la carte de Marion Maréchal-Le Pen, qui n’était pas tout à fait neuve mais donnait encore l’illusion d’une certaine modernité…

Dramaturgie de la peur

Nous étions si fragiles…

    Comment étouffer les éclairs de lucidité qui traversaient les consciences? La dramaturgie de la peur avait fait ses preuves et le gouvernement de François Hollande ne manqua pas d’en abuser. La peur du nucléaire était justifiée, pas son détournement au profit de la manipulation fasciste des esprits. Le pouvoir hollandien qui n’avait plus rien de socialiste depuis belle lurette opéra un ultime retournement-reniement qui conduisit Marine Le Pen aux portes de l’Elysée. Celui qui l’avait d’une certaine façon dédiabolisée ou dédouanée en osant la mettre sur le même plan que Georges Marchais et le parti communiste des années 1970 lui ouvrit un boulevard en accréditant ses thèmes et ses méthodes dans tous les domaines autres que l’économique (Francois Hollande continuait de camper sur des positions néo-libérales TINA, there is no alternative…). La peur d’un nouvel attentat nucléaire paralysait les résistances et réveillait les pires instincts. L’état d’urgence, devenu permanent après les attentats de 2015 et gravé en 2016 dans la Constitution, autorisait tous les excès policiers. La droite poussait les Autorités à réprimer toujours plus, des milices prétendaient vouloir faire justice elles-mêmes, des chasses ignobles au faciès étaient organisées par des groupes fascistes sur lesquels le pouvoir fermait les yeux. La droite maurassienne des débuts du vingtième siècle renaissait de ses cendres. Les drapeaux bleus et blancs fleurissaient dans des manifestations improvisées qui dégénéraient toujours, à la tombée de la nuit, en bagarres crapuleuses et en casses sans que les Autorités ne parviennent jamais à identifier les commandos d’agitateurs téléguidés par l’extrême-droite, facilement repérables, pourtant, sur les vidéos filmées par des amateurs au milieu de la foule, alors que la police ne trouvait bizarrement sur son chemin que des manifestants estampillés « gauche radicale » et quelques écologistes désespérés qu’elle donnait en pâture à l’opinion. Le Front national embusqué attendait avec délectation le moment inéluctable où il récolterait les fruits du chaos. Triste fin d’un pouvoir dit socialiste qui n’en avait jamais eu que le nom, volé à la vraie gauche par une poignée d’imposteurs et une multitude de profiteurs…

Mai 2022

Nous étions si fragiles…

    Emmanuel Macron n’était qu’un leurre, le champion ou la marionnette consentante des milieux d’affaires dont il servait les intérêts – et non pas l’intérêt général ou le bien commun – mais au printemps 2022, il était devenu le phare incontournable de la vie politique française. Le scandale qui entachait la campagne du candidat républicain François Fillon et la décomposition du parti socialiste lui ouvraient un boulevard. Marine Le Pen était assurée d’être au second tour de la présidentielle de mai 2022, il serait vraisemblablement le challenger. Elle proposerait aux Françaises et aux Français un projet certes souverainiste mais surtout xénophobe, il défendrait une vision européenne de la France, certes plus sympathique, mais essentiellement alignée sur les positions néo-libérales habituelles de la Commission, caractérisées par le dumping social et le dumping fiscal, qui mettaient en concurrence tous les territoires avec pour conséquence dramatique l’appauvrissement général des citoyens les plus fragiles. Comme Bernie Sanders aux Etats-Unis en 2016, le candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, aurait pu éviter au pays d’avoir à choisir entre Charybe ou Scylla, car le programme écologique et social qu’il proposait répondait aux grands défis qu’il aurait fallu enfin relever. Jusqu’à la veille du premier tour, on avait pensé qu’il pouvait se qualifier. Le suspense fut insoutenable, mais il n’était finalement arrivé que troisième avec 20% des voix, juste derrière l’illusionniste Emmanuel Macron (21%). Avec un score de 28%, le parti fasciste de Marine Le Pen avait malheureusement raflé la mise ! Car les candidats des grands partis de la cinquième République n’avaient réussi à rassembler sur leur nom que dix-sept (François Fillon) et sept pour cent des voix (Benoît Hamon), les six autres « petits » candidats se partageant les sept pour cent restant. L’Histoire retiendrait que si les frondeurs du parti socialiste – qui avaient critiqué les gouvernements successifs des deux quinquennats de François Hollande sans jamais toutefois voter de motion de censure à l’Assemblée nationale – avaient ajouté avec Benoît Hamon, leur chef de file, vainqueur de la primaire, leurs forces à celles du mouvement populaire (et non pas populiste!), « La France insoumise », qui soutenait Jean-Luc Mélenchon, ce dernier aurait pu être présent au second tour et peut-être remporter l’élection présidentielle. Mais ce ne fut pas le cas, et en mai 2022, la France républicaine bafouée assistait impuissante à l’entrée de l’extrême-droite et de Marine Le Pen à l’Elysée.

La Novlangue des jeunes loups

Nous étions si fragiles…

    Dans ses meetings, Emmanuel Macron lançait des « Je vous aime (entendre/comprendre EM) » à la volée, que son auditoire souvent jeune, diplômé et branché, lui renvoyait en miroir dans le champ clos de l’entre-soi. Emmanuel Macron et son public se regardaient les yeux dans les yeux avec une profonde admiration mutuelle et un certain dédain allant de soi pour tous ceux qui ne faisaient pas partie de leur monde. Les fans d’Emmanuel Macron étaient jeunes, beaux, en bonne santé, entreprenants et conquérants, à l’aise en toutes situations, seulement frustrés de ne pas pouvoir encore plus, désireux de repousser les limites, d’élargir jusqu’à plus soif le champ de leur réussite. Il fallait donc « libérer les énergies », vieille lune néo-libérale du siècle dernier, reprise sous de faux airs de modernité par le jeune leader charismatique du mouvement « En marche », « en marche arrière toute » ironisaient ses détracteurs de gauche. Son électorat potentiel ne se sentait pas concerné par le chômage et la précarité, le montant du salaire minimum, la pénibilité au travail, l’âge de départ à la retraite et le niveau des pensions, les conditions de remboursement des frais médicaux par la Sécurité Sociale, les allocations logement, le RSA… Pour cette partie de la population qui gagnait bien sa vie, le smic était bien trop élevé et le prix du travail des autres était un coût, les cotisations sociales une charge, les prestations sociales un poids ou un boulet, la solidarité avec les plus faibles un frein à l’expansion économique… Libérer les énergies consistait donc à rendre les pauvres encore plus pauvres en diminuant le prix du travail sous prétexte de compétitivité, et en stigmatisant les chômeurs coupables de ne pas trouver de travail dans un monde qui licenciait et supprimait des emplois sans discontinuer depuis des décennies… Emmanuel Macron ne remettait rien en cause et pourtant, il avait écrit un livre qui s’appelait « Révolution ». La Novlangue fonctionnait à plein. Il fallait selon lui changer les hommes et les idées, mais, en guise de révolution, il ne proposait que la nouveauté de sa propre personne dans le microcosme politique, et la vacuité de son absence de vision sur le nouveau monde qu’il fallait bâtir de toute urgence pour enrayer les catastrophes environnementales et sociales en cours… Son omniprésence médiatique faisait pourtant croître de jour en jour son aura d’homme providentiel, soigneusement entretenue par les journalistes politiques alignés comme un seul homme sur les positions de la pensée économique dominante.

Les sarcasmes de Luc

     Hier soir, le coucher de soleil que nous avons eu la chance de pouvoir contempler était d’une beauté à couper le souffle. Louis s’est arrêté de jouer. Les autres nous ont rejoints un à un, lentement. Julie et Jordan se serraient l’un contre l’autre. Le vent avait soufflé violemment pendant plusieurs jours, et une partie des nuées s’était dissoute, à l’ouest. Pour la première fois depuis que nous avions trouvé refuge dans cet endroit, nous pouvions porter le regard au-delà des quelques arpents de terre qui constituaient désormais notre horizon quotidien. L’air autour de nous était devenu plus léger, des écharpes de vapeur blanche montaient de la terre, dans le ciel débutait un spectacle que nous n’espérions plus pouvoir admirer un jour. Le temps paraissait suspendu. Etions-nous les derniers hommes ? J’ai vu Louis se prendre la tête entre les mains, pleurer. L’émotion m’étreignait la gorge. Qui d’autre que nous contemplait le ciel à cet instant ? Pourquoi penser aux autres ? Pourquoi penser ? Je désirais seulement ressentir. Limiter ma conscience à la joie qui montait en moi à la rencontre de la lumière. Nous sommes restés silencieux, abandonnés à la dérive de nos sentiments, jusqu’à ce que la nuit nous fasse frissonner.

     Nicolas et Marceau furent les premiers à reprendre leurs esprits. Hommes d’action, ils se projetaient déjà dans l’espace entrouvert au-dessus de nous par la dispersion partielle des nuages de poussière. Ils entraînèrent aussitôt Alain et Martine, les ingénieurs et scientifiques du groupe, dans le hangar de la base où gisent quelques avions et hélicoptères recouverts d’une épaisse couche de saleté. Les remettre en état de marche, évaluer les réserves de carburant disponible, essayer de retrouver des cartes de la géographie locale ou tâcher d’en reconstituer a minima avec les informations dont nous disposons, voilà qui devrait fournir au moins pour quelques jours ou quelques semaines un exutoire à leurs – à nos – états d’âme. Que s’est-il passé hier soir ? De quoi étions-nous les témoins ou les acteurs ? Chacun s’isole dans ce qui lui permet de tenir. Louis dans sa bulle sonore, Julie et Jordan dans leur amour, Xavier dans son rêve communautaire, Sylvain dans ses recherches agronomiques, Nicolas, Alain, Martine et les autres dans les problèmes quotidiens de notre survie. Moi-même, je me retranche de plus en plus souvent derrière le rideau de l’écriture pour prendre mes distances avec la réalité, au risque de me séparer mentalement de mes compagnons. Hier soir, nous n’étions plus tout à fait les mêmes. La beauté inespérée de ce coucher de soleil nous rapprochait dans une sorte de communion. Nous retrouvions un peu d’espoir et, comme des enfants, l’envie de croire à l’impossible. Si le réveil nous a plus ou moins dégrisés, tous les nuages ne sont pas revenus dans le coin du ciel qui s’est éclairci, et quand je surprends le regard de l’un ou de l’autre levé dans la même direction que le mien, nous échangeons un sourire.

     Luc se moque de nous. Il traque ce qu’il trouve d’infantile dans nos comportements. Il ne comprend pas que nous puissions encore être atteints d’idéalisme ou de naïveté alors que le monde, autour de nous, s’est écroulé. Il en est tellement exaspéré qu’il lui arrive de se laisser emporter dans de violentes colères. Sommes-nous vraiment dupes de nos sentiments ? Une fois de plus, c’est à Martens que je pense. A son journal, à ses paroles parfois si mystérieuses qui dégageaient une sorte de halo poétique. Il semblait se raccrocher à de tout petits riens. Peut-être faisait-il diversion. Combien de fois, au cours de mes conversations avec lui, se mettait-il soudainement à rire sans que j’en comprenne vraiment la raison ? Ou bien je le voyais s’abîmer dans une rêverie aussi indéfinissable que profonde. Martin semblait avoir atteint un état de conscience qui nous était inaccessible. Son regard, souvent, me traversait comme si je n’existais pas, mais, parfois, à l’inverse, ses yeux s’arrêtaient sur les miens avec une telle intensité qu’il me donnait l’impression de vouloir lancer un appel auquel je me sentais, hélas, incapable de répondre. Une forme de communication s’était établie entre nous, au-delà des mots. Ses sourires étaient tristes, sa douceur était grave. Quel était son secret ? Quelle importance aujourd’hui ? Luc a raison, le monde s’est écroulé. Ma tentative de restitution de cette histoire est ridicule. Ou plutôt, elle le serait si je me prenais au sérieux, si je me laissais prendre sérieusement à ce jeu de l’écriture, si je jouais sérieusement. Toute la question n’est-elle pas là ? Et Luc, qui refuse de jouer, de se jouer la comédie, n’est-il pas lui-même trop sérieux ? Il tombe dans le travers infantile de vouloir trop sérieusement que nous ne soyons plus des enfants, et nous reproche un état dont il est lui-même le jouet. Luc, parfois, me fait peur. Son intolérance, ses colères, pourraient le conduire à la folie plus sûrement que nos maigres espérances…

     L’intolérance et la bêtise avaient décidé de ce que serait le vingt-et-unième siècle dès le 11 septembre 2001, quand des membres du réseau djihadiste islamiste Al-Quaïda détournèrent quatre avions de ligne pour les projeter contre les tours jumelles du World trade Center à New York et sur le Pentagone à Washington. Le Choc des civilisations n’était pourtant pas inévitable. L’histoire n’était pas écrite à l’avance, mais il ne s’agissait pas seulement du nez de Cléopâtre. L’Etat islamique aurait-il pu se développer si la guerre occidentale en Irak contre Saddam Hussein n’avait pas eu lieu en 2003? La planète aurait-elle succombé aux flammes de l’intégrisme religieux et du réchauffement climatique si Al Gore avait accédé à la présidence des Etats-Unis à la place de Georges Bush junior le 20 janvier 2001? La chute du mur de Berlin et la décomposition du bloc soviétique avaient amené d’aucuns à penser, à la fin du vingtième siècle, bien loin d’une guerre civilisationnelle, que la fin de l’Histoire était advenue. Le monde occidental s’était laissé emporter, alors, par une vague d’optimisme tellement gigantesque qu’il se croyait désormais immortel ou invincible. Les Bourses battaient record sur record, les économistes annonçaient à leur tour la fin des retournements de cycles, les nouvelles technologies de l’information et le développement de la Toile devaient induire un mouvement d’expansion ininterrompue. A cette époque se sont formées les bulles financières colossales qui allaient déclencher la crise des subprime en 2007. Les thuriféraires d’un capitalisme débridé triomphaient partout sans retenue en faisant reculer la puissance publique des Etats, pourtant déjà bien entamée depuis l’arrivée au pouvoir des néo-libéraux en 1979 et 1981, dans le sillage de la première ministre du Royaume-Uni Margaret Thatcher et du président des Etats-Unis Ronald Reagan. Le vieil argument selon lequel la richesse des uns entraînait immanquablement l’enrichissement de tous était brandi sans vergogne pour justifier l’immense fortune d’un tout petit nombre et occulter l’accroissement considérable des inégalités. Mais les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel et l’arrogance des financiers allait bientôt provoquer les plus grandes crises économiques jamais survenues depuis le Jeudi noir de 1929. En 2008, la faillite de grandes banques avait déjà provoqué une crise systémique et pour éviter l’effondrement des réseaux financiers interconnectés du monde entier, les puissances publiques étaient réapparues au premier plan pour éteindre l’incendie, en injectant dans les circuits des centaines de milliards de devises qui alourdirent le poids de la dette des Etats. C’est ainsi que les contribuables eurent à rembourser dans les années qui suivirent le prix colossal d’un endettement à l’origine privé hérité des organismes financiers responsables de la crise, et que les pays les plus faibles, comme la Grèce ou le Portugal dans la zone euro, avaient été menacés d’asphyxie et encouru eux-mêmes la faillite.

     Mais dans le monde récemment globalisé, les informations circulaient à toute vitesse. Un vent d’indignation commença à se lever et à se propager de pays en pays, suscitant le Printemps arabe en 2010, suivi par le mouvement espagnol des Indignés et le mouvement international Occupy en 2011. Outre le départ des dictateurs et l’instauration d’une démocratie, les manifestants arabes exigeaient un partage des richesses qui leur assure de meilleures conditions de vie, des emplois, et la dignité (« karama » en arabe). Ils voulaient reprendre la main, le la était donné par leur slogan « Dégage! », « Erhal! ». En Tunisie, point de départ des contestations populaires, la révolte aboutit à la chute du dictateur Ben Ali puis, en Egypte, à celle d’Hosni Moubarak. La détermination non violente de la jeunesse arabe inspira la jeunesse occidentale qui se rassembla elle aussi dans d’impressionnantes manifestations festives sur les places des grandes villes. Les jeunes du monde entier criaient haut et fort leur désir de paix, de liberté et de solidarité en manifestant leur désaveu de la classe politique responsable à des degrés divers du chômage qui barrait leur horizon (no future) et de la misère dans laquelle ils se débattaient. L’avenir aurait pu être radieux si les forces négatives qui travaillaient le monde n’avaient pas étouffé peu à peu l’immense espoir suscité par les mouvements révolutionnaires non violents de cette époque.

     Je voudrais me réveiller, pouvoir arrêter ce cauchemar, sortir de ce mauvais scénario, rembobiner le film, tout recommencer, réinventer, réécrire, refaire le monde au sens propre, remonter le temps, changer complètement de vie, opérer d’autres choix, éviter le pire, mettre un terme au désastre, vivre ou revivre, retrouver le temps perdu avec tous les gens que j’aime, être Dieu, aimer l’humanité, la sauver ! Ô Luc et ses sarcasmes ! Mon sur-moi est fait de ses remarques situées, déjà, au temps de nos amours égoïstes, à mi-chemin entre la colère contre la bêtise dont il me croyait malheureusement atteinte et l’apitoiement sur mon état mental ! Il me reprochait en vrac ma propension pourtant timide et peu compromettante à défendre la veuve ou l’orphelin, des vélléités droits de l’homistes, une réticence à regarder la réalité en face accompagnée de la peur de nommer les choses, qu’il identifiait comme une tendance trop romantique ou trop féminine à privilégier les ornements du langage plutôt que la crudité des mots, lui qui se réclamait des philosophes cyniques de l’Antiquité, qui voulait me bousculer, me sortir de ma gangue, me libérer des faux-semblants, des conventions stériles, et surtout, je crois, d’un style qui restait trop ingénu à son goût malgré mes efforts pour le rejoindre dans une forme de cynisme moderne consistant à se moquer de tout par peur, sans doute, de céder à la moindre illusion. Mais je ne suis pas sûre qu’avoir fait table rase des bons sentiments fût une preuve de lucidité… Que faire aujourd’hui? Il est trop tard, ce type de réflexion n’a plus de sens. Nous sommes des insectes écrasés par le malheur du monde, des cafards essayant de se mettre à l’abri dans une anfractuosité de la terre pour sauver pendant quelque temps encore, un temps dérisoire, leurs pauvres vies inutiles. Nous ne sommes depuis toujours que des vers de terre voués à la pourriture, un accident de la Création, somme toute une aberration; l’Humanité est en train de s’éteindre comme jadis les Dinosaures, il n’y a pas de quoi fouetter un chat…

Dix décembre 2040

     Je me sens comme suspendu entre deux ou plusieurs mondes, ce que je pressens est terrifiant. A qui me confier? Ici, on me prend pour un vulgaire espion capable de tous les mensonges. Ma vérité est incroyable, ce que j’ai à dire ne peut pas être entendu. Il y a bien cette Elsa, qui semble bienveillante… Mais la ficelle est trop grosse. Elle est chargée de gagner ma confiance pour débusquer les failles par lesquelles les autres rêvent de m’anéantir. Leurs livres d’Histoire me font horreur. Leur lecture est un véritable cauchemar. En même temps que je découvre mon appartenance à cette Humanité, je me mets à la détester. Je ne veux pas trahir les miens, même en sachant ce que je sais maintenant. Notre imposture n’est-elle pas préférable à leur cruauté? Etrange mélange de lumière et de ténèbres, leur civilisation ne repose-t-elle pas, elle aussi, sur le déni de l’altérité? Combien de massacres et de destructions à leur actif ? J’aurais voulu les considérer comme des frères, mais je ne veux pas me regarder dans leurs miroirs. Je me sens désespéré, je ne vois pas d’issue.

     Voilà, c’est exactement cela, je suis désespérée, je ne vois pas d’issue. Nous sommes pris au piège d’une machination qui nous dépasse, qui dépasse le pauvre entendement humain réduit à déplorer, à regretter de n’avoir pas pu comprendre, anticiper, éviter! Moi, pauvre individu parmi les autres, ballotée, hébétée, souffrante, stupide, acculée dans une impasse… N’étions-nous pas pourtant les plus nombreux, l’immense majorité des populations de la Terre à souhaiter le bonheur, à être du côté de la paix, de l’amour et de la vie? Pourquoi les démocraties, censées représenter la volonté du plus grand nombre, n’ont-elles pas réussi à nous protéger? Pourquoi cette impuissance des peuples, depuis la nuit des temps, à obtenir durablement la prospérité dans le souci de la justice, garante du bien commun? Il ne reste plus logiquement qu’à souhaiter la mort, rapide s’il vous plaît. Et, pour éviter une trop lente agonie, à préparer notre suicide. Quelle importance, puisque le destin commun est de mourir? Quelle importance, puisque de toute façon, petites fourmis qui vivons au ras de la terre, nous étions promis depuis toute éternité à l’écrasement? Martens a rejoint notre humanité au moment où celle-ci allait périr… Triste fin de l’Histoire, que personne n’imaginait ainsi. Martens possédait un secret que nous emporterons avec nous dans les ténèbres. Se pourrait-il que son mystérieux pays soit resté indemne ? Les habitants de cette enclave préservée seraient les héritiers de notre Terre en ruine. Une terre dévastée, polluée, irrespirable, radioactive, devenue en lieu et place de territoires qui avaient été si riches plus sèche et plus inhospitalière qu’un désert. Qu’en feraient-ils? Redécouvriraient-ils nos bibliothèques? L’état de leurs connaissances scientifiques leur permettrait-il de reconquérir les verts paradis perdus de la planète? Démiurges, mauvais génies, nous sommes à l’origine de dégâts irréversibles, du moins pourraient-ils vivre à l’abri de scaphandres ou dans des espèces de bulles semblables à celles qui s’étaient multipliées dans les parcs de loisir, au début du millénaire, pour les citadins stressés des classes moyennes qui cherchaient à se ressourcer dans un ersatz de nature… où à ces stations orbitales expérimentales dans lesquelles restaient confinés pendant plusieurs mois des astronautes volontaires pour tester la résistance humaine et préparer de futurs voyages au long cours dans la galaxie. Les humains modernes rêvaient de coloniser l’espace, leur planète est devenue un astre mort qui accueillera peut-être d’improbables explorateurs…

 

Cauchemar à l’Elysée

(Récit en cours d’écriture)

Emmanuel Macron n’était qu’un leurre, le champion ou la marionnette consentante des milieux d’affaires dont il servait les intérêts – et non pas l’intérêt général ou le bien commun – mais il était devenu le phare incontournable de la vie politique française. Le scandale qui entachait la campagne du candidat républicain François Fillon et la décomposition du parti socialiste lui ouvraient un boulevard. Marine Le Pen était assurée d’être au second tour de l’élection présidentielle, il serait vraisemblablement le challenger. Elle proposerait aux Françaises et aux Français un projet certes souverainiste mais surtout xénophobe, il défendrait une vision européenne de la France, certes plus sympathique, mais essentiellement alignée sur les positions néo-libérales marchéistes habituelles de la Commission, caractérisées par le dumping social et le dumping fiscal, qui mettaient en concurrence tous les territoires avec pour conséquence dramatique l’appauvrissement général des citoyens les plus fragiles. Comme Bernie Sanders aux Etats-Unis en 2016, *le candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, aurait pu éviter au pays d’avoir à choisir entre Charybde ou Scylla, car son programme écologique et social répondait aux grands défis qu’il aurait fallu enfin relever. Jusqu’à la veille du premier tour, on avait pensé qu’il pouvait se qualifier. Le suspense fut insoutenable. Mais il n’était finalement arrivé que troisième avec 20% des voix derrière l’illusionniste  Emmanuel Macron (21%) et la xénophobe Marine Le Pen (24%), les candidats des grands partis de la cinquième République ne faisant que 17% (François Fillon) et 9% (Benoît Hamon), les « petits » candidats se partageant les 9% restant. L’Histoire retiendrait que si les frondeurs du parti socialiste, qui avaient critiqué les gouvernements successifs de François Hollande sans jamais toutefois voter de motion de censure à l’Assemblée nationale, et si Benoît Hamon, leur chef de file, vainqueur de la primaire, avaient ajouté leurs voix à celles du mouvement populaire (et non pas populiste) « La France insoumise », qui soutenait Jean-Luc Mélenchon, ce dernier aurait permis aux forces de gauche d’accéder au second tour. Mais ce ne fut pas le cas. La France républicaine bafouée assista impuissante à l’entrée de l’extrême-droite et de Marine Le Pen à l’Elysée. Un cauchemar…

Texte publié le 18 avril 2017.

*Jean-Luc Mélenchon et ses électeurs insoumis réussissaient à détourner du Front National une partie des ouvriers et employés dédaignés aussi bien par les socialistes que par la droite républicaine. Sans eux, le score de Marine Le Pen aurait été bien plus élevé. Mais l’aveuglement ou la mauvaise foi de leurs adversaires les firent disparaître de la scène politique et laissèrent le champ libre au FN victorieux…

À suivre.

Ce texte est rédigé au passé car il sera inséré dans le cours d’un récit-fiction écrit depuis l’avenir avec le point de vue d’une narratrice en train de vivre les derniers jours de l’Humanité et qui cherche, a posteriori, à comprendre pourquoi et comment on a pu en arriver là, en essayant de mettre en évidence les forces à l’œuvre dans le faisceau d’événements, de mouvements profonds et de décisions malencontreuses qui ont conduit à la plus grande crise écologique et sociale que l’Humanité ait jamais connue.

Ecrit depuis l’avenir

2064

Cohésion sociale ou Contrat social?

    Seule restait la certitude que la République avait failli et certains s’engouffrèrent dans la brèche soit pour réclamer un Etat de plus en plus sécuritaire et autoritaire, soit pour saper encore un peu plus la légitimité de la puissance publique, que l’idéologie néo-libérale marchéïste avait discréditée et mise à mal depuis déjà tant d’années. La République en tant que telle n’y était pour rien. Sa devise « Liberté, Egalité, Fraternité « , toujours visible au fronton des bâtiments publics, continuait de désigner la direction vers laquelle devaient tendre idéalement les actions humaines. Qu’en avaient fait les politiques qui avaient eu la responsabilité du pouvoir? Tous pourris, avait tranché le peuple en choisissant comme chef de l’Etat, en 2022, la présidente du Front national Marine Le Pen, fille du célèbre Jean-Marie qui avait pu s’illustrer pendant des décennies, sans réaction forte de la part des autorités républicaines, par des discours xénophobes et de multiples prises de position antisémites et racistes. Les politiciens avaient pris l’habitude de stigmatiser le populisme sans chercher à comprendre les raisons profondes de ce vote, alors que le président François Hollande, en 2015, sur une chaîne télévisuelle de grande écoute, avait lui-même, d’une certaine façon, légitimé le Front national en le comparant au parti communiste français des années 1970, dont les thèses souverainistes – acheter Français – étaient déjà destinées à protéger les emplois menacés de l’époque et à endiguer la maladie endémique du chômage dont les ravages ne faisaient, hélas, que commencer. Car l’axe du Mal, chez les pays riches, était plutôt celui-là, la mise à l’écart d’une partie importante de la population qui n’avait plus accès au marché du travail. Les mesures sociales amortissaient certes les chocs provoqués dans les vies individuelles par l’absence de travail et de ressources pour vivre, mais le manque de perspectives d’avenir – no future – avait fini par gangrener durablement l’ensemble de la société dans ce que l’on avait appelé, vers la fin du vingtième siècle, la cohésion sociale, quand l’idée de contrat social était sans doute apparue désuète aux yeux des économistes modernes, à moins que ce ne fût, par sa référence directe au siècle des Lumières, trop révolutionnaire (?!) …

Fin de l’Histoire

Nous étions si fragiles…

     L’intolérance et la bêtise avaient décidé de ce que serait le vingt-et-unième siècle dès le 11 septembre 2001, quand des membres du réseau djihadiste islamiste Al-Quaïda détournèrent quatre avions de ligne pour les projeter contre les tours jumelles du World Trade Center à New York et sur le Pentagone à Washington. Le Choc des civilisations n’était pourtant pas inévitable. L’Histoire n’était pas écrite à l’avance, mais il ne s’agissait pas seulement du nez de Cléopâtre. L’Etat islamique aurait-il pu se développer si la guerre occidentale en Irak contre Saddam Hussein n’avait pas eu lieu en 2003? La planète aurait-elle succombé aux flammes de l’intégrisme religieux et du réchauffement climatique si Al Gore avait accédé à la présidence des Etats-Unis à la place de Georges Bush junior le 20 janvier 2001? La chute du mur de Berlin et la décomposition du bloc soviétique avaient amené d’aucuns à penser, à la fin du vingtième siècle, bien loin d’une guerre civilisationnelle, que la fin de l’Histoire était advenue. Le monde occidental s’était laissé emporter, alors, par une vague d’optimisme tellement gigantesque qu’il se croyait désormais immortel ou invincible. Les Bourses battaient record sur record, les économistes annonçaient à leur tour la fin des retournements de cycles, les nouvelles technologies de l’information et le développement de la Toile devaient induire un mouvement d’expansion ininterrompue. A cette époque se sont formées les bulles financières colossales qui allaient déclencher la crise des subprime en 2007. Les thuriféraires d’un capitalisme débridé triomphaient partout sans retenue en faisant reculer la puissance publique des Etats, pourtant déjà bien entamée depuis l’arrivée au pouvoir des néo-libéraux en 1979 et 1981, dans le sillage de la première ministre du Royaume-Uni Margaret Thatcher et du président des Etats-Unis Ronald Reagan.

En Marche arrière toute!

     Dans ses meetings, Emmanuel Macron lançait des « Je vous aime (comprendre EM) » à la volée, que son auditoire souvent jeune, diplômé et branché, lui renvoyait en miroir dans le champ clos de l’entre-soi. Emmanuel Macron et son public se regardaient les yeux dans les yeux avec une profonde admiration mutuelle et un certain dédain allant de soi pour tous ceux qui ne faisaient pas partie de leur monde. Les fans d’Emmanuel Macron étaient jeunes, beaux, en bonne santé, entreprenants et conquérants, à l’aise en toutes situations, seulement frustrés de ne pas pouvoir encore plus, désireux de repousser les limites, d’élargir jusqu’à plus soif le champ de leur réussite. Il fallait donc « libérer les énergies », vieille lune néo-libérale du siècle dernier, reprise sous de faux airs de modernité par le jeune leader charismatique du mouvement En marche, « En marche arrière toute! » ironisaient ses détracteurs de gauche. Son électorat potentiel ne se sentait pas concerné par le chômage et la précarité, le montant du salaire minimum, la pénibilité au travail, l’âge de départ à la retraite et le niveau des pensions, les conditions de remboursement des frais médicaux par la Sécurité Sociale, les allocations logement, le RSA… Pour cette partie de la population qui gagnait bien sa vie, le smic était bien trop élevé et le prix du travail des autres était un coût, les cotisations sociales une charge, les prestations sociales un poids ou un boulet, la solidarité avec les plus faibles un frein à l’expansion économique… Libérer les énergies consistait donc à rendre les pauvres encore plus pauvres en diminuant le prix du travail sous prétexte de compétitivité, et en stigmatisant les chômeurs coupables de ne pas trouver de travail dans un monde qui licenciait et supprimait des emplois sans discontinuer depuis des décennies… Emmanuel Macron ne remettait rien en cause et pourtant, il avait écrit un livre qui s’appelait « Révolution ». Le novlangue fonctionnait à plein. Il fallait selon lui changer les hommes et les idées, mais, en guise de révolution, il ne proposait que la nouveauté de sa propre personne dans le microcosme politique, et la vacuité de son absence de vision sur le nouveau monde qu’il fallait bâtir de toute urgence pour enrayer les catastrophes environnementales et sociales en cours… Son omniprésence médiatique et le phénomène de matraquage publicitaire qui en résultait faisait pourtant croître de jour en jour son aura d’homme providentiel, soigneusement entretenue par les journalistes politiques alignés comme un seul homme sur les positions de la pensée économique dominante…

      * Ce texte est rédigé au passé car il sera inséré dans le cours d’un récit écrit depuis l’avenir avec le point de vue d’une narratrice en train de vivre les derniers jours de l’Humanité et qui cherche, a posteriori, à comprendre pourquoi et comment on a pu en arriver là, en essayant de mettre en évidence les forces à l’œuvre dans le faisceau d’événements, de mouvements profonds et de décisions malencontreuses qui ont conduit à la plus grande crise écologique et sociale que l’Humanité ait jamais connue.

     Ecrit depuis l’avenir

     2064

Dramaturgie

     Comment étouffer les éclairs de lucidité qui traversaient les consciences? La dramaturgie de la peur avait fait ses preuves et le gouvernement ne manqua pas d’en abuser. La peur du nucléaire était justifiée, pas son détournement au profit de la manipulation fasciste des esprits. Le pouvoir hollandien * qui n’avait plus rien de socialiste depuis belle lurette opéra un ultime retournement-reniement qui conduisit Marine Le Pen aux portes de l’Elysée. Celui qui l’avait d’une certaine façon dédiabolisée ou dédouanée en osant la mettre sur le même plan que  Georges Marchais et le parti communiste des années 1970 lui ouvrit un boulevard en accréditant ses thèmes et ses méthodes dans tous les domaines autres que l’économique (Francois Hollande * continuait de camper sur des positions néo-libérales TINA, there is no alternative…).

     * Voir l’Avertissement en préambule à ce récit.

     Ecrit depuis l’avenir

     2064

L’axe du Mal

(fiction en cours d’écriture)

    Les politiciens avaient pris l’habitude de stigmatiser le populisme sans chercher à comprendre les raisons profondes de ce vote, alors que le président François Hollande, en 2015, sur une chaîne télévisuelle de grande écoute, avait lui-même, d’une certaine façon, légitimé le Front national en le comparant au parti communiste français des années 1970, dont les thèses souverainistes – acheter Français – étaient déjà destinées à protéger les emplois menacés de l’époque et à endiguer la maladie endémique du chômage dont les ravages ne faisaient, hélas, que commencer. Car l’axe du Mal, chez les pays riches, était plutôt celui-là, la mise à l’écart d’une partie importante de la population qui n’avait plus accès au marché du travail. Les mesures sociales amortissaient certes les chocs provoqués dans les vies individuelles par l’absence de travail et de ressources pour vivre, mais le manque de perspectives d’avenir – no future – avait fini par gangrener durablement l’ensemble de la société dans ce que l’on avait appelé, vers la fin du vingtième siècle, la cohésion sociale, quand l’idée de contrat social était sans doute apparue désuète aux yeux des économistes modernes, à moins que ce ne fût, par sa référence directe au siècle des Lumières, trop révolutionnaire (?!) …

     Drôle d’Histoire

     2055

Liberté, Egalité, Fraternité

     Seule restait la certitude que la République avait failli et certains s’engouffrèrent dans la brèche soit pour réclamer un Etat de plus en plus sécuritaire et autoritaire, soit pour saper encore un peu plus la légitimité de la puissance publique, que l’idéologie néo-libérale marchéïste avait discréditée et mise à mal depuis déjà tant d’années. La République en tant que telle n’y était pour rien. Sa devise « Liberté, Egalité, Fraternité « , toujours visible au fronton des bâtiments publics, continuait de désigner la direction vers laquelle devaient tendre idéalement les actions humaines. Qu’en avaient fait les politiques qui avaient eu la responsabilité du pouvoir? Tous pourris, avait tranché le peuple en choisissant comme chef de l’Etat, en 2022, la présidente du Front national Marine Le Pen, fille du célèbre Jean-Marie qui avait pu s’illustrer pendant des décennies, sans réaction forte de la part des autorités républicaines, par des discours xénophobes et de multiples prises de position antisémites et racistes.

     Drôle d’Histoire

     2055

La crise

(fiction en cours d’écriture)

     Le monde occidental s’était laissé emporter, alors, par une vague d’optimisme tellement gigantesque qu’il se croyait désormais immortel ou invincible. Les Bourses battaient record sur record, les économistes annonçaient à leur tour la fin des retournements de cycles, les nouvelles technologies de l’information et le développement de la Toile devaient induire un mouvement d’expansion ininterrompue. A cette époque se sont formées les bulles financières colossales qui allaient déclencher la grande crise de 2007. Les thuriféraires d’un capitalisme débridé triomphaient partout sans retenue en faisant reculer la puissance publique des Etats, pourtant déjà bien entamée depuis l’arrivée au pouvoir des néo-libéraux en 1979 et 1981, dans le sillage de la première ministre du Royaume-Uni Margaret Thatcher et du président des Etats-Unis Ronald Reagan. Le vieil argument selon lequel la richesse des uns entraînait immanquablement l’enrichissement de tous était brandi sans vergogne pour justifier l’immense fortune d’un tout petit nombre et occulter l’accroissement considérable des inégalités. Mais les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel et l’arrogance des financiers allait bientôt provoquer la plus grande crise économique survenue depuis le Jeudi noir de 1929. De grandes banques faisaient faillite et pour éviter une crise systémique qui aurait fait s’effondrer comme un château de cartes les réseaux financiers interconnectés du monde entier, les puissances publiques étaient réapparues au premier plan pour éteindre l’incendie, en injectant dans les circuits des centaines de milliards de devises qui alourdirent le poids de la dette des Etats. C’est ainsi que les contribuables eurent à rembourser le prix colossal d’un endettement à l’origine privé hérité des organismes financiers responsables de la crise, et que les pays les plus faibles, comme la Grèce ou le Portugal dans la zone euro, avaient été menacés d’asphyxie et encouru eux-mêmes la faillite.

     Drôle d’Histoire

     2064