dieux

L’Atlantide

Nous étions si fragiles…

    L’Atlantide avait été mentionnée pour la première fois par Platon dans les deux dialogues d’une trilogie inachevée, le Timée et le Critias, dont l’objet était de réfléchir sur l’origine du monde et sur la place de l’humanité dans l’univers. La pensée grecque était hantée par l’idée de déterminer la juste place de l’Homme dans le Cosmos! Les Atlantes auraient connu un âge d’or brutalement interrompu à l’issue d’une guerre qu’ils auraient perdue contre les Athéniens, plus de dix mille ans avant notre ère. Descendants de Poséidon, ils auraient vécu pendant plusieurs générations dans la prospérité jusqu’à ce qu’ils finissent par oublier leur origine divine et par abandonner les principes d’ordre et d’harmonie, de modération et de tempérance, qui régissaient jusqu’alors leurs relations entre eux et avec les autres en toutes circonstances, sans jamais se laisser enivrer par les délices de l’opulence ni vouloir accumuler les richesses, ou étendre indéfiniment leur puissance. Les dieux auraient décidé de les punir pour qu’ils retrouvent plus de sagesse. Le récit fait par Critias à Socrate s’inspirait d’une conversation que Solon avait eue avec un prêtre égyptien de la ville de Saïs, située dans le delta du Nil, dont la déesse protectrice Neïth n’était autre qu’Athéna. Interrogé par le grand législateur grec sur l’histoire des temps anciens, le prêtre lui révèle que les archives égyptiennes possèdent des documents qui remontent à plusieurs milliers d’années. Or, les contemporains de Solon ne connaissaient que l’époque évoquée par les poèmes d’Hésiode et d’Homère, quatre cents ans auparavant. Cette accumulation de documents aurait été possible, selon le prêtre, parce que le Nil, depuis la nuit des temps, protège l’Egypte des grands cataclysmes qui détruisent les autres civilisations. Les survivants, préoccupés avant tout de subvenir à leurs besoins vitaux, n’en transmettent plus la mémoire. C’est pourquoi les Athéniens ignoreraient tout du glorieux passé de leur cité et de la guerre qui l’avait opposée aux Atlantes, quand ceux-ci avaient voulu s’en emparer pour assurer leur domination en Méditerranée, avant que leur île ne sombre dans les tourbillons de l’océan et n’emporte avec elle l’armée grecque victorieuse…

Il n’y a plus de mots…

Page sombre

(Récit en cours d’écriture)

     Cette discrimination sociale, avec ses retombées calamiteuses sur la perception des minorités, s’était malheureusement accentuée au cours des trois décennies suivantes. L’entêtement des politiques marchéistes à faire perdurer un modèle économique qui avait épuisé les ressources de la planète et mis au ban de la société une partie de plus en plus grande de la population nous aura conduits au désastre absolu. O fatalité! Misère de l’espèce humaine!… Cette fois, nous sommes arrivés à la fin de la tragédie, le chœur chargé des lamentations a disparu, la masse des anonymes a été engloutie par des catastrophes sans nom, il n’y a plus de mots pour dire le Mal… Logos, le langage, a échoué… Cronos a pu manger tous ses enfants, le chaos a eu raison de la lumière!… Les humains avaient reçu le don de vivre en bonne intelligence, ils ont préféré l’obscurité, le charme des ombres, et les simulacres de la toute-puissance que ne leur avaient pas octroyée les dieux…

     Le piano de Louis 

     2064

 

Au carrefour de l’impensable

      [ La nuit est tombée sur nous, la nuit est tombée sur l’Humanité… Personne ne voulait croire cela possible… Nous vivions dans une épaisseur d’indifférence qui vitrifiait nos émotions. Nos émotions étaient vitrifiées! Sinon, comment expliquer?…

           Des fous ont pris, au carrefour de l’impensable, la direction de l’inimaginable… Les puissants payaient leur combustible au prix de la vie des damnés!… Mon cœur est lourd et fermé, mes yeux pleurent de rage…

           La planète bleue a été pressée comme une orange morte… Les terres ruisselaient d’eau vive, mais les machines des hommes broyaient tout pour les siècles des siècles!… Le chant du rossignol nous chavirait le cœur… Nous n’étions pas chez nous, hôtes passagers de la Terre!… Comme des furies, nous dansions avec la mort…

           Lumière du matin, nos lèvres cueillaient la rosée à tes lèvres, baiser tendre du jour à la vie frémissante!… Je plongeais les mains dans l’eau argentée, l’or de la lumière coulait entre mes doigts, l’air pur et léger tremblait d’azur, mon coeur tremblait d’amour!…

          Les corps croyaient avoir une âme au diapason des dieux… La nuit est tombée sur nous, personne ne voulait croire cela possible… ]

     Ecrit depuis l’avenir

     2064

Bénie par les dieux

    

      France appartenait à cette génération bénie par les dieux, née après la Seconde guerre mondiale, qui avait profité de la paix et de la prospérité  retrouvées en Europe. Puis la chute du mur de Berlin, en 1989, avait mis un terme à la guerre froide entre l’Union soviétique et l’Occident, faisant croire à certains que la fin de l’Histoire était advenue. Cette période, hélas, n’aura été qu’une parenthèse entre les massacres de masse du vingtième siècle et l’extinction finale de l’espèce humaine cent ans plus tard…

     Ecrit depuis l’avenir

     2064

Contemplation

La journée s’étirait devant elle comme les files de wagons derrière leurs motrices. En passant devant le kiosque de la gare, elle avait acheté un journal, il y avait un gros titre sur Wall Street. Un convoi s’éloignait, elle avait regardé disparaître les deux points rouges qui restaient de lui dans la brume qui avale toute forme et toute couleur. Elle allait et venait comme un métronome en passant à chaque fois devant une salle d’attente sale et triste où l’un des trois bancs adossés aux murs était occupé par un clochard allongé de tout son long sur le bois comme sur de la moleskine. Et sans doute parce qu’elle attendait, elle était entrée dans la salle dévolue à cette fonction. Elle avait essayé le banc du fond, mais ne voyait plus l’extrémité gauche de la gare. Sur le banc de droite, dont la position était plus centrale, la totalité des quais entrait dans son champ de vision. Elle s’y était allongée comme le clochard qui lui faisait face, mais la tête relevée, appuyée sur un accoudoir, de façon à ne rien perdre de la calme activité de la gare, ni des menus événements qui se produisaient en rythme accéléré à l’arrivée ou au départ d’un train. Elle pouvait se laisser absorber indéfiniment par cette somme de détails insignifiants qui n’intéressent que les peintres ou les inactifs, un ticket découpant un rectangle clair sur le sol noirci, la voûte immense de la verrière au-dessus des quais, le bruit de ferraille d’un chariot qui passe, le pas nonchalant d’un voyageur en avance, celui, hésitant, d’un autre voyageur qui cherche… Vers le milieu de la salle, entre le banc du clochard et le sien, un objet brillant, rond et plat, avait attiré son attention. Pile ? Face ? Ne fallait-il pas qu’elle se rende à Z. ? La pièce de monnaie qu’elle avait ramassée puis lancée en l’air était retombée entre deux plis d’un journal qui traînait sur le sol, ne montrant clairement ni son côté pile, ni son côté face, les dieux n’avaient pas voulu se prononcer. Un haut-parleur avait crachoté, toussoté, puis une voix claire avait annoncé l’arrivée de l’express…

L’avenir improbable