silence

Comme si toi, enfant, tu étais le silence d’un écrivain avant qu’il n’écrive

Isabelle Pariente-Butterlin

 

Tu te passionnes pour des choses minuscules.

Elles retiennent ton attention comme plus rien, presque, ne retient la mienne. Tu te penches sur le monde, un caillou minuscule et lisse prend dans tes mains la valeur étrange et obstinée que je ne lui savais plus. J’ai l’impression de te faire découvrir un monde que je ne comprends plus, et sur lequel je ne parviens plus à fixer mon regard.
Je t’ai tendu hier une coccinelle ; elle était sur mon doigt. Elle avait trouvé refuge dans les plantes que j’avais protégées de l’hiver et du froid. Tu étais passionnée d’elle. Tout ton regard transparent, un long moment, l’a prise, elle, comme point focal de ton attention. Et je crois que plus rien n’existait, à part, un moment, ta belle attention pour elle et le mouvement selon lequel tu la portes au monde.

Te voilà au présent. Dans la belle vibration du présent.

C’est un peu la même chose, d’ailleurs, quand tu manges un gâteau rose et retentissant et que tu redemandes un peu de Chantilly. Tu as la grâce de ton attente du monde. Celle que tu accordes à toute chose de ce monde, sans faire de hiérarchie entre elle, alors que nous les théorisons et les insérons tant bien que mal dans des phrases.

Tu as l’élégance du présent.

Oui, je viens de comprendre, tu réalises avec l’évidence silencieuse que tu portes à toute chose l’attention que je tente d’accorder au monde et qui est la seule dynamique de mes phrases. Comme si toi, enfant, tu étais le silence d’un écrivain avant qu’il n’écrive. Exactement ce silence-là. Cette attention-là, tu sais, celle dans laquelle on descend très profondément en soi avant de revenir à la surface de la conscience dire quelque chose, une fois, qui soit juste. Qui sonne juste. Tu la tiens. Sans relâche. Dans l’évidente élégance de tes jeux.

Je te regarde. Je commence à comprendre l’horizon de ton regard.

Isabelle Pariente-Butterlin _ Licence Creative Commons BY-NC-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 23 mars 2012.

 

Mille et une nuits

fatigue somnolence évanescence absence effacement distanciation distorsion tension attention inconscience sombrer perdre conscience tenter résister essayer éviter sombrer perdre pied se noyer dormir plonger nuit profonde nuit étale nuit immense nuit éternelle nuit sans étoiles nuit repoussante nuit absorbante nuit-piège nuit noire nuit d’épouvante nuit-cri nuit hurlante nuit d’horreur nuit indicible nuit-silence nuit arrêtée nuit photographiée nuit de nuit nuit de néant nuit de géants ombres titanesques rêves cauchemardesques caméra cachée cinéma ombres de la caverne Ali baba ouvre-moi

Ta note, ta tessiture intime

Isabelle Pariente-Butterlin

 

Échos de toi, toi à peine née.

Quelque chose d’avant le langage. Une affirmation radicale et silencieuse. Tu vois, moi qui suis entrée sans m’en apercevoir dans le monde des adultes, je pose des termes savants sur cette impression essentielle de silence. Cette impression de silence que je rencontre sans cesse dans le lien au monde. J’ai dû l’apprivoiser. Je tente de me rapprocher de ce silence essentiel entre quoi les phrases, avant de se dérouler, après s’être déroulées, sont suspendues.

La première impression de toi. La toute première.

Celle, avant même que je dise ton nom, et que nous ayons l’habitude de nos présences liées. Première et très exacte impression de toi. Toi impressionnant mon être de tout ton être. Quelque chose, sans doute, comme une impression photographique de ton âme dans la mienne. Et très signifiante impression de toi.

Comme si la première impression de toi était la note que tu allais tenir.

Ta note, ta tessiture intime. Celle de ta voix aussi. Plus tard. Celle qui sera la tessiture de ta voix, mais pas seulement. Elle sera aussi la grâce de tes gestes, le rythme de ta démarche. Comme si, dans la première note, tout le phrasé de la vie était là. Longtemps après, échos de toi à peine née en toi te déployant. Dans la manière que tu as de déplacer l’air. Simplement cette vibration de toi que je reçois, quand tu entres dans la pièce, dans une région qui doit être celle du cœur.

Reste-lui fidèle.

Isabelle Pariente-Butterlin _ Licence Creative Commons BY-NC-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 15 mars 2012.

 

 

Invitation à lire Francis Royo

Le soleil ne se regarde pas ou rend aveugle. Francis Royo est l’un(e) des rares à tenter et à réussir l’impossible. Les mots qu’il distille sont condensés jusqu’à la fulgurance du sens et le lecteur est comme frappé par la foudre. Il est donc possible de saisir l’éclair, de dire cela comme cela, avec des mots si justes, si justement choisis pour appréhender ce qui échappe?

Francis Royo dit la condition humaine, la condition commune, avec des accents hors du commun . Son regard est implacable, mais tendre. Il dit mieux que personne à quel point nous sommes inconsolables, enfants perdus que nous restons à jamais. Sa parole est d’or et de silence. Elle coule sur le sablier de l’existence. Le puits sans fond de l’exil  où elle prend sa source lui donne des accents pascaliens, adoucis parfois, à la façon de Montaigne , par une méditation à la mesure de l’homme.

Sur les chemins, nous respirons avec Francis Royo les odeurs de la terre mouillée, et nous ressentons le poids de nos pas . Rimbaud n’est pas loin, et Verlaine.

Il lui arrive de céder à un rêve de bonheur.

Là derrière les soleils et les ombres sur les pentes frayées à coups d’épaule il y a toujours

cette merveille étrange qui n’a pas encore de couleur et qu’il faut inventer d’urgence

Bribes 5.2- 25 avril 2013.

                                                                                                                        

Le coeur battant de la Mémoire

comme un métronome assourdi mais parfois assourdissant rythme de la vie tempo de l’oubli Je s’absente au rythme de ses souvenirs jeu fictionnel frictionnel de la mémoire la déchirure au cœur le cœur en bandoulière Je joue du banjo Je s’amuse avec Mnémosyne mimesis jeu sérieux jeu principal Je, prince de la Mémoire composition partition partage MIDI minuit nuit lumière Lucifer pièges tombeau de la Mémoire tombe eau de l’oubli flux clapotis de l’écoulement pulsation pluie de sensations oubliées qui tambourinent doucement contre les vitres de l’oubli écran écrin mettre à l’abri gouttes de souvenirs élixir poison douceur douleur émotions intactes refoulées passage interdit frontière infranchissable barricades insurrection passages souterrains terrain miné guerre et Paix combat mortel de la vie lutte à mort Mémoire vivante soubresauts soulèvements apaisement fatigue usure trame effilochée raccommodage va-et-vient de l’aiguille dessus dessous de-ci de-là vocalises voix voie Lactée regarder le ciel la durée du ciel depuis le big-bang TOUT d’un seul coup d’oeil en écoutant le chant des étoiles