
Victor avait vidé son verre et sorti sa pipe d’une poche de sa veste. Il la bourrait lentement avec des gestes minutieux. La taille redressée, il semblait avoir repris le contrôle de lui-même. Il s’avança jusqu’au poële ronflant pour prendre le tison. Sa stature de colosse recouvrait de son ombre la totalité de la pièce. Pareil à Vulcain, il saisit le fer rouge pour transmettre le feu au tabac, et aspira bruyamment comme un soufflet de forge. Aux yeux de Julien, il était soudain redevenu le héros de jadis, l’homme libre et puissant qui commandait aux éléments, à l’égal des dieux. Il n’y avait plus de passé, de présent ou d’avenir, le temps n’existait plus, ou plus exactement, la personne, l’être de Victor se dilatait dans un instant infini, paraissait occuper à ce moment précis tout l’espace que peut embrasser l’éternité. Julien reprit espoir, il ne serait jamais ce mort-vivant…
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