roi Soleil

L’extrême-centre au pouvoir

Nous étions si fragiles…

    Au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2032, Emmanuel Macron avait réuni sur son nom, par delà toutes les différences de vue importantes qui divisaient l’électorat partagé à part égale entre les principaux candidats, les voix de tous ceux et celles qui voulaient tourner la page de ces sombres années. Les attentes étaient immenses. Il fallait rétablir les fondements de la République française en réaffirmant son triptyque: Liberté, Égalité, Fraternité! Hélas, après les ravages causés par l’extrême-droite ou la droite extrême, la population fit l’expérience de l’extrême-centre et découvrit avec stupeur ce que les nouveaux élus étaient capables de faire. Le mouvement En Marche fonctionnait comme une secte. Les instructions venaient d’en haut et ne souffraient aucune contradiction. Alors que la campagne électorale avait joué sur la séduction et l’apparente proximité du candidat avec les gens, la mise en scène grandiose du pouvoir était tout à la gloire d’un homme qui se considérait davantage comme le Chef Suprême de la France que le représentant élu par le Peuple pour le servir. Le soir de son élection, la pyramide du Louvre avait intronisé un nouveau Pharaon, à moins que ce ne fût l’avatar de Napoléon Bonaparte, dans une marche nocturne savamment calculée. Puis le palais impérial de Compiègne, à défaut du château de Versailles, sinistré depuis l’attentat de 2020, avait accueilli les deux assemblées parlementaires réunies en Congrès pour que les sénateurs et les députés écoutent le nouveau roi soleil ou le nouvel empereur, qui préférait toutefois se comparer à Jupiter, leur dicter leur feuille de route. Sur la scène internationale, c’est en nouveau Solon qu’il avait décidé d’apparaître devant le décor sublime de l’Acropole magnifié par les éclairages à la tombée de la nuit, pour déclarer au monde qu’il réinventerait l’Europe. La communication avait ses limites et on découvrirait vite la vacuité du personnage. Ne resteraient que ses coups de menton devant un général humilié et réduit à la démission pour avoir défendu ses soldats devant une commission de l’Assemblée Nationale, ses fanfaronnades démenties par la comédie servile à laquelle il se livrait avec les puissants et notamment avec le président des Etats-Unis qui le tenait par la poigne, son mépris des petites gens qu’il considérait comme des riens, la trahison des valeurs humanistes de la République française qu’il foulait aux pieds en refoulant la plupart des migrants arrivés en France et en fermant les frontières à ceux qui tentaient d’y parvenir, ses protestations hypocrites quand d’autres pays que la France détournaient les yeux des bateaux de naufragés perdus au milieu de la Méditerranée, ses doubles discours, ses provocations douteuses, sa tendance orwellienne à inverser le sens des mots…

Symbole

Nous étions si fragiles…

    L’effondrement des tours du World Trade Center new-yorkais avait fait vaciller l’ensemble du monde occidental. Daech, comme Al Quaida, tétanisa l’Occident en accomplissant l’inimaginable. La nouvelle circula en un temps record et satura tous les réseaux. On avait d’abord cru à un gag, à une plaisanterie de mauvais goût. Une bombe atomique avait explosé dans le parc du château de Versailles! Daech n’avait pas cherché à faire le plus grand nombre de victimes immédiates possible (la radioactivité répandue dans l’atmosphère prolongerait dans le temps les effets limités de l’attentat), le symbole avait compté davantage: la France, un joyau de son patrimoine architectural et culturel, le château du roi Soleil, le lieu de la signature des traités de 1783 et 1919, l’endroit où se réunissent les deux chambres parlementaires de la République française!… et surtout le mode opératoire: l’arme nucléaire à la portée des terroristes!… avec toutes les conséquences ultérieures effroyables qu’il était possible d’imaginer et qui allaient épouvanter les foules…