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Main de fer dans un gant de velours

Nous étions si fragiles…

    Marion Maréchal-Le Pen avait eu l’habileté de ne pas donner suite au projet macronien d’interdire toutes les manifestations de rue contre lequel s’était insurgée, dans un sursaut républicain, l’opinion publique unanime. Elle se démarquait ainsi de l’image négative laissée par sa tante, et donnait le sentiment que le Rassemblement National n’était, somme toute, pas plus à craindre que les partis qui se prétendaient progressistes, centristes ou républicains. Comme les politiques menées sur les questions identitaires et migratoires étaient depuis longtemps plus dures et intransigeantes les unes que les autres, la nouvelle Présidente se fondait dans un paysage qui lui était plutôt favorable. Sa politique sociale relativement bienveillante tranchait même avec les années Wauquiez et Macron. Elle avait d’emblée mené une politique économique protectionniste qui avait remporté quelques succès (le chômage baissait, les recettes de l’Etat étaient meilleures grâce à la rentrée de nouveaux impôts et de nouvelles cotisations) sur lesquels elle comptait s’appuyer pour assurer sa réélection en 2042. Main de fer dans un gant de velours, elle avançait ses pions tranquillement, dans un pays qui paraissait apaisé.

La rue bâillonnée

Nous étions si fragiles…

    Comme en Grèce, après la première crise financière du siècle survenue en 2007/2008, un programme sans précédent de réduction des dépenses publiques fut concocté sous le prétexte fallacieux du désendettement de l’Etat, et pour engranger des recettes, une partie importante du patrimoine fut promis à la vente. La dégradation insoutenable de leurs conditions de vie avait désespéré les Grecs au point de porter l’extrême-droite au pouvoir, mais le monde de l’argent ne semblait pas craindre l’extrême-droite, et le monde politique était trop lié à celui de l’argent pour en tirer la moindre leçon. Le plan d’assainissement du budget de la France prévoyait la privatisation des services publics non régaliens, l’augmentation du temps de travail des fonctionnaires et la baisse de leurs salaires, le remplacement des minima sociaux et des indemnités de chômage par un revenu universel défavorable aux plus vulnérables, le transfert de la plupart des prestations de la Sécurité Sociale aux mutuelles privées, une diminution sans précédent du budget des ministères, dont les missions, pour certains d’entre eux, devaient, à terme, complètement disparaître… La population malmenée, qui pensait, avec l’élection d’Emmanuel Macron, avoir tourné la page des politiques agressives qu’elle subissait depuis trop longtemps, avait d’abord encaissé passivement, comme groggy, les nouveaux coups assénés. Elle s’était cependant réveillée assez vite pour faire craindre au pouvoir une contre-offensive de la rue, malgré les risques encourus, physiques et judiciaires, malgré l’empilement des lois liberticides votées depuis 2015, malgré la récente interdiction de manifester dans le centre des villes. Les rassemblements actifs, en région parisienne comme en province, s’enchaînèrent en mobilisant de plus en plus de monde. Plus de quatre Francais sur cinq désapprouvaient les mesures prises par le gouvernement, des économistes réputés, pourtant acquis au macronisme, craignaient que leur champion n’aille trop loin, au sein même de la majorité En Marche, à l’Assemblée Nationale, des frondeurs se désolidarisaient de la belle unanimité affichée par le pouvoir, les sondages laissaient entrevoir une explosion sociale imminente, les milieux d’affaires commençaient à redouter une insurrection populaire, mais au lieu d’amender sa politique ou de changer de cap, l’extrême-centre réagit alors comme la droite extrême en allant jusqu’à franchir le Rubicon qu’elle-même n’avait pas osé enjamber, et voulut assurer sa mainmise sur l’Etat en déposant un projet de loi qui s’attaquait au principe même de la liberté de manifester, inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789!… Toute forme de rassemblement à caractère revendicatif, qu’il soit mobile ou statique, défilés de manifestants, occupation d’un lieu public ou privé (rond-point, parking de supermarché…), serait désormais interdite, à la périphérie des villes comme dans les centres, en province comme en région parisienne et dans les métropoles, en tout lieu du territoire, quel que soit le motif, quel que soit le collectif à l’origine de l’appel à manifester, au prétexte que l’expression des mécontentements ne devait plus se faire par la mobilisation de la rue… la légitimité des urnes était brandie comme un bouclier imparable contre les accusations d’atteinte à la démocratie, et le péril de ce que le gouvernement présentait désormais comme une nouvelle forme de terrorisme pouvant conduire à la désatabilisation de l’État servait d’argument à tout va pour justifier ce nouveau pas en avant vers un régime autoritaire, qui déjà n’avait plus de républicain que le nom, agité comme le drapeau d’une publicité mensongère…

11 Septembre 2022

Nous étions si fragiles…

    L’Occident continuait de s’enliser dans les politiques stupides de leurs si médiocres dirigeants (les Américains du Nord avaient hélas raté de peu, en 2016, l’élection du démocrate Bernie Sanders…) quand, le 11 septembre 2022, se produisit le premier d’une série d’attentats terroristes nucléaires qui allaient semer la panique dans le monde entier. N’importe qui pouvait se procurer depuis longtemps sur la Toile la recette de fabrication d’une bombinette artisanale classique, alors même que les réseaux sociaux étaient de plus en plus surveillés, mais fabriquer une petite bombe nucléaire paraissait hors de portée des terroristes djihadistes, dépourvus de la logistique indispensable pour manipuler des matériaux radioactifs. Or, comme souvent depuis le début apocalyptique de ce millénaire qui, à peine commencé, retourne déjà au néant, l’impossible se produisit. Le démantèlement de l’empire soviétique, à la fin du vingtième siècle, avait livré en pâture aux Mafias et aux aventuriers du monde entier une quantité invraisemblable d’objets provenant de son ancien arsenal nucléaire, qui échappait depuis à tout contrôle. Le trafic d’armes de toutes sortes était un business très juteux et la Lybie, que les Occidentaux avaient débarrassée de son dictateur Kadhafi sans anticiper l’instabilité chaotique qui allait suivre, était devenue une plaque tournante pour les revendeurs tout en offrant à l’Etat islamique une base arrière idéale. Si le dictateur irakien Saddam Hussein avait été accusé de détenir des armes de destruction massive qui n’existaient pas, il avait bel et bien tenté de se doter de l’arme atomique et le Califat, dont la folie meurtrière ne reculait devant rien, n’avait eu aucun mal à rallier les ingénieurs spécialisés dans le nucléaire qui avaient travaillé pour lui. On était loin de la rationalité de l’époque de la Guerre froide et des théories de la dissuasion en vigueur alors! Les attentats djihadistes habituels se multipliaient partout dans le monde en accentuant à chaque fois le sentiment d’insécurité des populations, mais l’Organisation de l’état islamique voulait aller encore plus loin dans l’instauration de la terreur. Le régime obtint ce qu’il souhaitait avec l’atome. Le 11 septembre 2022 devait marquer les esprits aussi fortement que le 11septembre 2001, triste réitération de l’horreur…