lucide

Le décor tenait encore debout

Nous étions si fragiles…

    De sombres nuages s’amoncelaient à l’horizon. C’est en 2022 sans doute que la tragédie planétaire dont le décor était planté depuis déjà plusieurs décennies noua ses derniers ressorts. Les nationalismes renaissants allaient dresser les pays les uns contre les autres. Le marchéisme sans retenue à l’œuvre dans le monde entier, et que le protectionnisme affiché par Donald Trump aux Etats-Unis ou Marine Le Pen en France n’entravait que très mollement, préparait une nouvelle crise financière encore plus destructrice que celle de 2007-2008; elle éclaterait cent ans seulement après le sinistre Jeudi Noir de 1929… L’entêtement de la France à perpétuer le nucléaire civil l’entraînait inexorablement vers une catastrophe que tous les gens de bon sens redoutaient en vain, et qui ajoutait ses funestes perspectives aux autres périls écologiques. Sur le continent américain, des feux de forêt gigantesques avaient commencé de ravager ce qu’il restait de grands espaces naturels en provoquant la panique de milliers, voire de centaines de milliers d’habitants des grandes villes voisines, contraints d’abandonner leur maison et de fuir sur les routes en n’ayant pu réunir pour tout bagage que quelques pauvres souvenirs. Au Sahel, la sécheresse provoquait l’exode de toute une population qui s’était battue avec le dernier courage pour continuer d’arracher au sol, malgré les difficultés croissantes dues au dérèglement climatique, la nourriture qui lui avait permis jusqu’alors de vivre sur les terres ancestrales. On ne souffrait plus seulement de la faim mais aussi de la soif, et des foyers de guerre pour le contrôle de l’eau, au Moyen-Orient et en Afrique, étaient entretenus par les grandes puissances pour assurer leur mainmise sur les dernières ressources minières et pétrolières encore exploitables de cette région du monde. En Amérique du Sud, l’alimentation en eau potable des mégalopoles devenait un cauchemar permanent pour tous les habitants, mais ce n’était pas mieux dans les régions montagneuses à l’écart des grandes villes. Même aux Etats-Unis, dans une ville comme Las Vegas, l’eau manquait cruellement et la toute-puissance Yankee n’y pouvait rien. Les mouvements de population provoqués par les bouleversements climatiques favorisaient le développement et la propagation de nouveaux microbes ou de nouveaux virus. Des maladies inconnues apparaissaient, qui n’épargnaient plus les ressortissants privilégiés des pays riches, car la pauvreté croissante des populations laborieuses les rendait vulnérables. Les dépenses de santé augmentaient mais les remboursements diminuaient, particulièrement en France où la Sécurité sociale, qui avait été à l’avant-garde de toutes les politiques de soins occidentales, subissait des coupes sombres de la part de dirigeants plus soucieux de prétendus déficits que du bien-être réel des malades. Un grand nombre de personnes n’avait plus les moyens de se soigner et fragilisait ainsi les barrières sanitaires mises en place par le corps médical… Toutes les bases de la vie sociale dans les pays riches et moins riches s’étaient mises à vaciller, et si le décor tenait encore debout, les plus lucides appréhendaient le moment où le château de cartes s’écroulerait sous les assauts conjugués des multiples catastrophes déjà en cours ou qui se préparaient…

Zadiste

    Notre petite communauté est traversée par les clivages qui fractionnaient le monde depuis longtemps avant le début des grandes catastrophes. Dans cette vie antérieure qui était encore la nôtre quelques mois plus tôt, Sylvain avait été un Zadiste (on avait gardé ce terme depuis une lutte retentissante contre la construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes) qui militait par l’exemple en cultivant son jardin – celui de l’Humanité – sur des terres préemptées par les collectivités publiques pour de grands projets que les écologistes jugeaient inutiles et néfastes pour la planète, c’est-à-dire, plus exactement, nuisibles à la vie, porteurs de mort. Il ne s’agissait pas seulement de protéger des espèces végétales et animales, quelques petites herbes ou bestioles comme on dirait des babioles! L’enjeu de ces luttes environnementales, qui avaient été initiées par les premiers militants verts dès la fin du vingtième siècle, était de protéger la vie, d’assurer la survie de l’espèce humaine. Evidemment, les tenants du productivisme, dont l’intérêt immédiat, pour des raisons diverses, était que rien ne change, avaient eu beau jeu de les accuser de catastrophisme, et les caricatures, hélas, avaient eu la vie dure! Du bobo parisien, hippie, éleveur de chèvres dans le massif central, à l’activiste révolutionnaire cagoulé des grandes manifestations altermondialistes, puis du zadiste embusqué fomenteur de troubles à l’ordre public, les images véhiculées par les médias et les partis politiques traditionnels de ces hommes et de ces femmes sincères qui avaient seulement eu le tort d’être plus lucides que leurs contemporains, avaient toutes eu en commun le dessein de discréditer les messages alarmants qu’ils lançaient à l’opinion, d’abord en les ridiculisant, puis, jouant sur les peurs, en les faisant passer pour des quasi terroristes…

Notre petite communauté

    

(fiction en cours d’écriture)

     Notre petite communauté est traversée par les clivages qui fractionnaient le monde depuis longtemps avant le début des grandes catastrophes. Dans cette vie antérieure qui était encore la nôtre quelques mois plus tôt, Sylvain avait été un Zadiste qui militait par l’exemple en cultivant son jardin – celui de l’Humanité – sur des terres préemptées par les collectivités publiques pour de grands projets que les écologistes jugeaient inutiles et néfastes pour la planète, c’est-à-dire, plus exactement, nuisibles à la vie, porteurs de mort. Il ne s’agissait pas seulement de protéger des espèces végétales et animales, quelques petites herbes ou bestioles comme on dirait des babioles! L’enjeu de ces luttes environnementales, qui avaient été initiées par les premiers militants verts dès la fin du vingtième siècle, était de protéger la vie, d’assurer la survie de l’espèce humaine. Evidemment, les tenants du productivisme, dont l’intérêt immédiat, pour des raisons diverses, était que rien ne change, avaient eu beau jeu de les accuser de catastrophisme, et les caricatures, hélas, avaient eu la vie dure! Du bobo parisien, hippie, éleveur de chèvres dans le massif central, à l’activiste révolutionnaire cagoulé des grandes manifestations altermondialistes, puis du zadiste embusqué fomenteur de troubles à l’ordre public, les images véhiculées par les médias et les partis politiques traditionnels de ces hommes et de ces femmes sincères qui avaient seulement eu le tort d’être plus lucides que leurs contemporains, avaient toutes eu en commun le dessein de discréditer les messages alarmants qu’ils lançaient à l’opinion, d’abord en les ridiculisant, puis, jouant sur les peurs, en les faisant passer pour des quasi terroristes…

     Ecrit depuis l’avenir

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