intérêt

Le mythe et la réalité

Nous étions si fragiles…

    L’Atlantide n’a sans doute jamais existé mais le mythe platonicien a suscité de nombreuses spéculations et le réalisme avec lequel Platon a décrit la topographie de cette île fabuleuse a poussé plus d’un rêveur ou d’un chercheur à tenter de la localiser. Les navigateurs de la Renaissance ont vu en elle un Eldorado à conquérir comme les mystérieuses cités d’or d’Amérique du Sud. Elle a nourri l’imaginaire de tous les inventeurs de nouveaux mondes, tels que Francis Bacon, Jules Verne, Arthur Conan Doyle, Lovecraft… Au siècle dernier, les Canadiens Rand et Rose Flem-Ath ont situé l’Atlantide dans l’Antarctique, en appuyant leurs recherches sur une théorie de l’universitaire américain Charles Hapgood, dont Einstein, en 1955, avait préfacé l’ouvrage sur les déplacements de l’écorce terrestre. Des terres habitables auraient glissé dans le cercle polaire il y a environ dix mille ans, et comme toute la croûte terrestre aurait subi ce déplacement, ce phénomène expliquerait non seulement le cataclysme qui a englouti l’Atlantide mais aussi la disparition des mammouths, le refroidissement de la Sibérie et le dégel de l’Amérique du Nord. Les Atlantes auraient trouvé refuge en Amérique du Sud et en Égypte où ils auraient mis en œuvre des techniques prodigieusement en avance sur leur temps, ce qu’attesteraient les nombreuses similitudes entre les pyramides égyptiennes et celles des civilisations aztèque, olmèque, toltèque ou maya, ainsi que la présence sur le site du Sphinx de traces d’érosion dues à des pluies diluviennes n’ayant pu survenir qu’il y a dix mille ans, alors que la civilisation égyptienne n’est apparue que trois à quatre mille ans avant notre ère. L’invalidation ultérieure de la théorie de Hapgood par la communauté scientifique n’avait pas ébranlé les convictions de Rand et Rose Flem-Ath, renforcées, au contraire, par des archives rendues publiques montrant l’intérêt pour l’île mythique des militaires allemands, américains et soviétiques avant et après la seconde guerre mondiale. Il était probable que les grandes puissances continuaient de cacher des informations sensibles sur les objectifs qu’elles poursuivaient dans le continent austral, et si l’Atlantide du mythe de Platon n’était pas la préoccupation principale des chercheurs qu’elles diligentaient sur place, le mystère de la civilisation atlante était sans doute à l’origine de projets de plus en plus sophistiqués de bases secrètes aux multiples enjeux, dans un contexte de crise climatique et géopolitique de plus en plus tendu…</p

La stratégie du coucou

Nous étions si fragiles…

    Le populisme de droite avait eu beau jeu de dénoncer l’échec du « président des riches », tout en profitant comme un coucou du nid de ses politiques autoritaires et xénophobes. La défaite d’Emmanuel Macron et la victoire de Marion Maréchal-Le Pen en 2037 étaient la consécration de cinquante ans d’abandon progressif des principes fondateurs de la République française, de la démolition systématique de son contrat social, du recul délibéré de l’Etat et de l’action publique au profit du Marché, de la substitution de sa « Loi » et de ses règles à celles de la puissance publique, de la valorisation des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général, des atteintes d’abord insidieuses mais répétées et de plus en plus agressives à la liberté d’expression, de l’effacement du débat démocratique, de son remplacement par un pseudo clivage entre un nationalisme qui serait mauvais par essence et un progressisme qui serait nécessairement vertueux, sans tenir compte des véritables tensions qui traversaient la société…

Mai 2022

Nous étions si fragiles…

    Emmanuel Macron n’était qu’un leurre, le champion ou la marionnette consentante des milieux d’affaires dont il servait les intérêts – et non pas l’intérêt général ou le bien commun – mais au printemps 2022, il était devenu le phare incontournable de la vie politique française. Le scandale qui entachait la campagne du candidat républicain François Fillon et la décomposition du parti socialiste lui ouvraient un boulevard. Marine Le Pen était assurée d’être au second tour de la présidentielle de mai 2022, il serait vraisemblablement le challenger. Elle proposerait aux Françaises et aux Français un projet certes souverainiste mais surtout xénophobe, il défendrait une vision européenne de la France, certes plus sympathique, mais essentiellement alignée sur les positions néo-libérales habituelles de la Commission, caractérisées par le dumping social et le dumping fiscal, qui mettaient en concurrence tous les territoires avec pour conséquence dramatique l’appauvrissement général des citoyens les plus fragiles. Comme Bernie Sanders aux Etats-Unis en 2016, le candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, aurait pu éviter au pays d’avoir à choisir entre Charybe ou Scylla, car le programme écologique et social qu’il proposait répondait aux grands défis qu’il aurait fallu enfin relever. Jusqu’à la veille du premier tour, on avait pensé qu’il pouvait se qualifier. Le suspense fut insoutenable, mais il n’était finalement arrivé que troisième avec 20% des voix, juste derrière l’illusionniste Emmanuel Macron (21%). Avec un score de 28%, le parti fasciste de Marine Le Pen avait malheureusement raflé la mise ! Car les candidats des grands partis de la cinquième République n’avaient réussi à rassembler sur leur nom que dix-sept (François Fillon) et sept pour cent des voix (Benoît Hamon), les six autres « petits » candidats se partageant les sept pour cent restant. L’Histoire retiendrait que si les frondeurs du parti socialiste – qui avaient critiqué les gouvernements successifs des deux quinquennats de François Hollande sans jamais toutefois voter de motion de censure à l’Assemblée nationale – avaient ajouté avec Benoît Hamon, leur chef de file, vainqueur de la primaire, leurs forces à celles du mouvement populaire (et non pas populiste!), « La France insoumise », qui soutenait Jean-Luc Mélenchon, ce dernier aurait pu être présent au second tour et peut-être remporter l’élection présidentielle. Mais ce ne fut pas le cas, et en mai 2022, la France républicaine bafouée assistait impuissante à l’entrée de l’extrême-droite et de Marine Le Pen à l’Elysée.

Cheval de Troie?

Nous étions si fragiles…

    Manifestement, la puissance étatique dont semblait se réclamer Martens connaissait un degré de développement scientifique et technologique très avancé. En attestaient les objets informatiques miniaturisés trouvés en sa possession. Les meilleures équipes d’ingénieurs américaines et européennes avaient uni leurs efforts pour en percer les secrets, sans réussir toutefois à entrer dans le système principal qui les commandait à distance, au point de craindre l’intrusion d’un cheval de Troie dans nos propres systèmes… Pris de panique, les généraux de l’OTAN avaient exigé la destruction de ces objets. Des fuites s’étaient répandues dans les réseaux sociaux, à l’origine de la montée soudaine de l’intérêt des populations pour l’espion arrêté par les Français. Une espèce de psychose paranoïaque s’était alors emparée des politiques et la pression sur Jean-François était devenue extrême. Il était le fusible idéal à faire sauter en cas de problème, mais la question n’était pas là. Le FBI trépignait d’impatience et la France ne voulait pas que ses services de contre-espionnage puissent être taxés d’incompétence. Il fallait que Martens se lâche, qu’il raconte par le menu tout ce que nous désirions savoir. A n’importe quel prix… J’avais été l’instrument de la méthode douce utilisée jusqu’alors par Jean-François. Jusqu’où irait-il pour obtenir des aveux?…

Le secret de Martens

Nous étions si fragiles…

    La famille de Walter appartenait à une sorte de noblesse institutionnelle dont la prééminence remontait aux origines de cet étrange État telles qu’elles étaient racontées dans un récit fondateur qui, lorsque Martens m’en avait (trop brièvement) parlé, m’avait fait penser au mythe de l’Atlantide… Au cours des longues heures qu’il avait passées penché sur les cartes que lui présentait le web ou sur celles des vieux Atlas conservés dans la médiathèque de la direction des services secrets, ne m’avait-il pas donné le sentiment de chercher au sens propre à la loupe une faille qui serait passée inaperçue à la surface de la Terre?… Ses recherches géographiques intenses, couplées à son intérêt pour la seconde guerre mondiale et les avancées technologiques de l’époque, dégageaient, me semblait-il, un angle d’approche pertinent pour cerner le mystère de Martens et réussir peut-être à découvrir son secret…

Le monstre doux

Nous étions si fragiles…

    Hélas…

   Raffaele Simone, dans Le monstre doux, publié en 2010, avait démonté le mécanisme du projet de la droite conquérante de l’époque, qui consistait à faciliter l’expansion de la consommation et du divertissement pour instaurer une nouvelle forme de domination prophétisée par Alexis de Tocqueville dans son livre De la démocratie en Amérique. Elle s’ingérerait jusque dans la vie privée des citoyens, développant un autoritarisme « plus étendu et plus doux », qui « dégraderait les hommes sans les tourmenter ». Ce nouveau pouvoir, pour lequel « les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent pas », transformerait les citoyens qui se sont battus pour la liberté en « une foule innombrable d’hommes semblables (…) qui tournent sans repos pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, (…) où chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée des autres ». Isolés, tout à leur distraction, concentrés sur leurs intérêts immédiats, incapables de s’associer pour résister, ces hommes remettent alors leur destinée à « un pouvoir immense et tutélaire qui se charge d’assurer leur jouissance (…) et ne cherche qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance. Ce pouvoir aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il pourvoit à leur sécurité (…) facilite leurs plaisirs (…) Il ne brise pas les volontés mais il les amollit (…), il éteint, il hébète ». Raffaele Simone pensait que la prophétie d’Alexis de Tocqueville était en train de se réaliser et que l’Italie de l’époque, avec Silvio Berlusconi, en était devenue le prototype abouti. Ce nouveau régime fort s’appuyait sur une droite anonyme et diffuse associée au grand capital national et international, plus proche des milieux financiers qu’industriels, puissante dans les médias, décidée à réduire le contrôle de l’Etat et les services publics, rétive à la lenteur de la prise de décision démocratique, méprisant la vie intellectuelle et la recherche, développant une idéologie de la réussite individuelle, cherchant à museler son opposition, violente à l’égard des minorités, populiste au sens où elle contournait la démocratie au nom de ce qu’aurait voulu, selon elle, le peuple. Face à cette droite hégémonique, la gauche n’existait pour ainsi dire plus. De reniement en reniement, elle s’était sabordée. (cf lemonde.fr, octobre 2010)

A force de tricher

Nous étions si fragiles…

    Sylvain et Xavier étaient les héritiers de ces précurseurs qui avaient essayé en vain de faire bouger les lignes. Comment expliquer leur échec? Nous étions tous dans le même bateau, personne n’avait intérêt à le laisser couler!…

   Les médiocres avaient pris le pouvoir (La Médiocratie, d’Alain Deneault, éd. Lux, 2015)…

     Les gens étaient interchangeables au sein de grands ensembles de production qui échappaient à la conscience d’à peu près tout le monde, à l’exception de ceux qui en étaient les architectes et les bénéficiaires. Ce modèle entrepreneurial avait été érigé en modèle et l’action politique réduite à la recherche d’une solution immédiate à un problème immédiat, ce qui excluait toute réflexion de long terme fondée sur des principes, toute vision politique du monde publiquement débattue… Le médiocre devait avoir une connaissance utile qui n’enseigne pas à remettre en cause ses fondements idéologiques; l’esprit critique était redouté car s’exerçant à tout moment envers toute chose, ouvert au doute, toujours soumis à sa propre exigence. Le médiocre devait jouer le jeu, surtout ne rien déranger, ne rien inventer qui aurait pu remettre en cause l’ordre économique et social. Expression souriante et d’apparence banale, jouer le jeu voulait pourtant dire accepter des pratiques officieuses qui servaient des intérêts à courte vue, se soumettre à des règles en détournant les yeux du non-dit, de l’impensé qui les sous-tendaient, accepter de ne pas citer tel nom dans tel rapport, faire abstraction de ceci, ne pas mentionner cela, permettre à l’arbitraire de prendre le dessus. Au bout du compte, jouer le jeu consistait, à force de tricher, à générer des institutions corrompues. (cf l’ Entretien avec Alain Deneault, philosophe à l’Université de Montréal, paru dans telerama.fr, décembre 2015)

Cauchemar à l’Elysée

(Récit en cours d’écriture)

Emmanuel Macron n’était qu’un leurre, le champion ou la marionnette consentante des milieux d’affaires dont il servait les intérêts – et non pas l’intérêt général ou le bien commun – mais il était devenu le phare incontournable de la vie politique française. Le scandale qui entachait la campagne du candidat républicain François Fillon et la décomposition du parti socialiste lui ouvraient un boulevard. Marine Le Pen était assurée d’être au second tour de l’élection présidentielle, il serait vraisemblablement le challenger. Elle proposerait aux Françaises et aux Français un projet certes souverainiste mais surtout xénophobe, il défendrait une vision européenne de la France, certes plus sympathique, mais essentiellement alignée sur les positions néo-libérales marchéistes habituelles de la Commission, caractérisées par le dumping social et le dumping fiscal, qui mettaient en concurrence tous les territoires avec pour conséquence dramatique l’appauvrissement général des citoyens les plus fragiles. Comme Bernie Sanders aux Etats-Unis en 2016, *le candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, aurait pu éviter au pays d’avoir à choisir entre Charybde ou Scylla, car son programme écologique et social répondait aux grands défis qu’il aurait fallu enfin relever. Jusqu’à la veille du premier tour, on avait pensé qu’il pouvait se qualifier. Le suspense fut insoutenable. Mais il n’était finalement arrivé que troisième avec 20% des voix derrière l’illusionniste  Emmanuel Macron (21%) et la xénophobe Marine Le Pen (24%), les candidats des grands partis de la cinquième République ne faisant que 17% (François Fillon) et 9% (Benoît Hamon), les « petits » candidats se partageant les 9% restant. L’Histoire retiendrait que si les frondeurs du parti socialiste, qui avaient critiqué les gouvernements successifs de François Hollande sans jamais toutefois voter de motion de censure à l’Assemblée nationale, et si Benoît Hamon, leur chef de file, vainqueur de la primaire, avaient ajouté leurs voix à celles du mouvement populaire (et non pas populiste) « La France insoumise », qui soutenait Jean-Luc Mélenchon, ce dernier aurait permis aux forces de gauche d’accéder au second tour. Mais ce ne fut pas le cas. La France républicaine bafouée assista impuissante à l’entrée de l’extrême-droite et de Marine Le Pen à l’Elysée. Un cauchemar…

Texte publié le 18 avril 2017.

*Jean-Luc Mélenchon et ses électeurs insoumis réussissaient à détourner du Front National une partie des ouvriers et employés dédaignés aussi bien par les socialistes que par la droite républicaine. Sans eux, le score de Marine Le Pen aurait été bien plus élevé. Mais l’aveuglement ou la mauvaise foi de leurs adversaires les firent disparaître de la scène politique et laissèrent le champ libre au FN victorieux…

À suivre.

Ce texte est rédigé au passé car il sera inséré dans le cours d’un récit-fiction écrit depuis l’avenir avec le point de vue d’une narratrice en train de vivre les derniers jours de l’Humanité et qui cherche, a posteriori, à comprendre pourquoi et comment on a pu en arriver là, en essayant de mettre en évidence les forces à l’œuvre dans le faisceau d’événements, de mouvements profonds et de décisions malencontreuses qui ont conduit à la plus grande crise écologique et sociale que l’Humanité ait jamais connue.

Ecrit depuis l’avenir

2064

Une monumentale somme d’erreurs

     J’écrivais dans un grand journal parisien. Comme tout rédacteur, je recherchais la clarté, que mes articles puissent être lus et compris par le plus grand nombre, mais il fallait aussi ne jamais oublier le second degré, utiliser et manier (manipuler?) les références, répondre aux exigences d’un lectorat cultivé appartenant aux catégories socio-professionnelles dites supérieures (sous quel angle?!)… Loin d’être naïf, mon style se conformait aux canons en vigueur, il en allait de la longévité de mon emploi, ma carrière était en jeu. Ecrire n’était pas innocent, ne l’a jamais été. A-t-on jamais dit clairement qu’écrire, penser, parler, sont des actes? De véritables actes au même titre que les actions concrètes, qui en entraînent d’autres dans une chaîne implacable de cause à effet? Un enchaînement d’incitations, de forces, de poussées dont la somme nous pousse inéluctablement vers tel ou tel résultat, telle ou telle situation. C’est mathématique, scientifique, ce sont les lois de la physique qui l’expliquent, et nos paroles, nos écrits, nos pensées, obéissent aussi aux lois de la physique, l’opposition entre la réflexion et l’action n’a pas de sens, l’absence de réflexion est un crime, le vide de la pensée est monstrueux. La mise en commun de nos intérêts et de nos égoïsmes personnels, une sorte d’équivalent de l’entité appelée par Adam Smith la main invisible du marché, aura donc eu pour conséquence cette somme monumentale d’erreurs qui nous ont conduits au suicide collectif! Avec leurs dizaines de millions de morts, les deux guerres mondiales du vingtième siècle n’avaient été que des répétitions générales avant la tragédie finale : « L’extinction de l’Humanité ». Triste histoire que la nôtre. Sa conclusion achève de montrer que l’émancipation de la condition animale ne nous avait pas principalement dotés d’intelligence, mais surtout de sottise et de haine…

Un savoir antérieur du monde

    Le fait est que nous avions retrouvé dans ses affaires de drôles d’appareils miniaturisés qui avaient été démontés, analysés, décortiqués par les experts du Service, qui conclurent que ces objets n’étaient répertoriés dans aucun fichier listant les matériels en usage dans les différents pays espionnés, il s’agissait vraisemblablement d’un type nouveau de matériel informatique dont ils allaient essayer de percer les secrets. Les intrusions de Martens dans les bases de données avaient laissé des traces qui montraient de sa part un grand intérêt pour les conflits contemporains mais aussi, bizarrement, pour la période, qui nous semblait déjà appartenir à une quasi préhistoire, allant de la seconde guerre mondiale à l’intensification de la guerre froide. Que recherchait-il?… Quand je l’observais dans la salle de documentation où il paraissait mener une mystérieuse enquête, il me donnait l’impression de confronter ce qu’il découvrait à un savoir antérieur qu’il aurait eu du monde. Que nous cachait-il? Quel était cet Etat inconnu de nous auquel il avait fait allusion avant de se fermer comme une huître quand les agents de Jean-François l’avaient cuisiné pour obtenir les informations qui nous auraient permis de le localiser? Ce pays existait-il vraiment? N’était-il qu’une émanation, un leurre imaginé par les services secrets d’une puissance étatique ou l’invention d’une organisation criminelle non gouvernementale pour nous déstabiliser?… Les soupçons s’étaient tournés vers certains pays de l’ancien bloc communiste ou des régimes autoritaires plus récents ayant la culture du secret et suffisamment puissants pour être dotés de structures de renseignement capables de déjouer celles des démocraties occidentales. La Chine avait le profil idéal puisqu’elle s’était illustrée à maintes reprises, sans jamais avoir été prise la main dans le sac, par des attaques de cyber-piratage contre les serveurs de pays de l’OCDE. Toutefois, et cette préférence était éminemment subjective, la typologie morphologique de Martens, blanc, blond aux yeux bleus, inclinait Jean-François à penser que les auteurs de la plaisanterie étaient russes. L’histoire des trente dernières années n’avait pas réussi à éliminer toute la méfiance qui existait encore entre l’Europe, les Etats-Unis et la Russie depuis l’annexion de la Crimée par cette dernière en 2014, le contentieux restait lourd. Mais nous avions beau nous creuser la tête, nous ne comprenions pas pourquoi une puissance étrangère se camouflerait derrière un état fantôme. La piste mafieuse paraissait plus sérieuse. Comme pour les criminels de droit commun, il fallait trouver le mobile capable d’unifier les morceaux du puzzle et d’expliquer ce qui nous semblait encore abracadabrant…

L’aveu

Page sombre

(Récit en cours d’écriture)

     Manifestement, la puissance étatique dont semblait se réclamer Martin connaissait un degré de développement scientifique et technologique très avancé. En attestaient les objets informatiques miniaturisés trouvés en sa possession. Les meilleures équipes d’ingénieurs américains et européens avaient uni leurs efforts pour en percer les secrets sans réussir toutefois à entrer dans le système principal qui les commandait à distance, au point de craindre l’intrusion d’un cheval de Troie dans nos propres systèmes. Pris de panique, les généraux de l’OTAN avaient exigé leur destruction. Des fuites d’information relayées par la presse et démultipliées par les réseaux sociaux étaient à l’origine de la montée soudaine de l’intérêt des populations du monde entier pour l’espion arrêté par les Français. Une espèce de psychose paranoïaque s’était alors emparée des politiques et la pression sur Jean-François était devenue extrême. Il était le fusible idéal à faire sauter en cas de problème, mais la question n’était pas là. Le FBI trépignait d’impatience et la France ne voulait pas que ses services de contre-espionnage puissent être taxés d’incompétence. Il fallait que Martin se lâche, qu’il raconte par le menu tout ce que nous désirions savoir, à n’importe quel prix… J’avais été l’instrument de la méthode douce utilisée jusqu’alors par Jean-François, jusqu’où irait-il pour obtenir des aveux?…

     Ecrit depuis l’avenir

     2064

Mythe

Page sombre

(Récit en cours d’écriture)

     La famille de Walter appartenait à une sorte de noblesse institutionnelle dont la prééminence remontait aux origines de cet étrange État telles qu’elles étaient racontées dans un récit fondateur qui, lorsque Martin m’en avait (trop brièvement) parlé, m’avait fait penser au mythe de l’Atlantide… Au cours des longues heures qu’il avait passées penché sur les cartes que lui présentait le web ou sur celles des vieux Atlas conservés dans la médiathèque de la direction des services secrets, ne m’avait-il pas donné le sentiment de chercher au sens propre à la loupe une faille qui serait passée inaperçue à la surface de la Terre?… Ses recherches géographiques intenses, couplées à son intérêt pour la seconde guerre mondiale et les avancées technologiques de l’époque, dégageaient, me semblait-il, un angle d’approche pertinent pour cerner le mystère de Martin et réussir peut-être à découvrir son secret…

     Ecrit depuis l’avenir

     2064

    

En Marche arrière toute!

     Dans ses meetings, Emmanuel Macron lançait des « Je vous aime (comprendre EM) » à la volée, que son auditoire souvent jeune, diplômé et branché, lui renvoyait en miroir dans le champ clos de l’entre-soi. Emmanuel Macron et son public se regardaient les yeux dans les yeux avec une profonde admiration mutuelle et un certain dédain allant de soi pour tous ceux qui ne faisaient pas partie de leur monde. Les fans d’Emmanuel Macron étaient jeunes, beaux, en bonne santé, entreprenants et conquérants, à l’aise en toutes situations, seulement frustrés de ne pas pouvoir encore plus, désireux de repousser les limites, d’élargir jusqu’à plus soif le champ de leur réussite. Il fallait donc « libérer les énergies », vieille lune néo-libérale du siècle dernier, reprise sous de faux airs de modernité par le jeune leader charismatique du mouvement En marche, « En marche arrière toute! » ironisaient ses détracteurs de gauche. Son électorat potentiel ne se sentait pas concerné par le chômage et la précarité, le montant du salaire minimum, la pénibilité au travail, l’âge de départ à la retraite et le niveau des pensions, les conditions de remboursement des frais médicaux par la Sécurité Sociale, les allocations logement, le RSA… Pour cette partie de la population qui gagnait bien sa vie, le smic était bien trop élevé et le prix du travail des autres était un coût, les cotisations sociales une charge, les prestations sociales un poids ou un boulet, la solidarité avec les plus faibles un frein à l’expansion économique… Libérer les énergies consistait donc à rendre les pauvres encore plus pauvres en diminuant le prix du travail sous prétexte de compétitivité, et en stigmatisant les chômeurs coupables de ne pas trouver de travail dans un monde qui licenciait et supprimait des emplois sans discontinuer depuis des décennies… Emmanuel Macron ne remettait rien en cause et pourtant, il avait écrit un livre qui s’appelait « Révolution ». Le novlangue fonctionnait à plein. Il fallait selon lui changer les hommes et les idées, mais, en guise de révolution, il ne proposait que la nouveauté de sa propre personne dans le microcosme politique, et la vacuité de son absence de vision sur le nouveau monde qu’il fallait bâtir de toute urgence pour enrayer les catastrophes environnementales et sociales en cours… Son omniprésence médiatique et le phénomène de matraquage publicitaire qui en résultait faisait pourtant croître de jour en jour son aura d’homme providentiel, soigneusement entretenue par les journalistes politiques alignés comme un seul homme sur les positions de la pensée économique dominante…

      * Ce texte est rédigé au passé car il sera inséré dans le cours d’un récit écrit depuis l’avenir avec le point de vue d’une narratrice en train de vivre les derniers jours de l’Humanité et qui cherche, a posteriori, à comprendre pourquoi et comment on a pu en arriver là, en essayant de mettre en évidence les forces à l’œuvre dans le faisceau d’événements, de mouvements profonds et de décisions malencontreuses qui ont conduit à la plus grande crise écologique et sociale que l’Humanité ait jamais connue.

     Ecrit depuis l’avenir

     2064

Le « monstre doux »

(fiction en cours d’écriture)

     Certes, chez nous, on ne coupait pas les têtes comme en Arabie saoudite. Le monstre totalitaire avait pris une apparence tellement inoffensive que s’en prendre à lui disqualifiait d’office, dans les démocraties occidentales, l’auteur-e de la moindre critique, qui passait, au choix, pour un-e fo(lle)u dangereux, un-e gauchiste invétéré-e, ou un-e terroriste en puissance!

     Raffaele Simone, dans Le monstre doux, publié en 2010, avait démonté le mécanisme du projet de la droite conquérante de l’époque, qui consistait à faciliter l’expansion de la consommation et du divertissement pour instaurer une nouvelle forme de domination prophétisée par Alexis de Tocqueville dans son livre De la démocratie en Amérique. Elle s’ingérerait jusque dans la vie privée des citoyens, développant un autoritarisme « plus étendu et plus doux », qui « dégraderait les hommes sans les tourmenter ». Ce nouveau pouvoir, pour lequel « les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent pas », transformerait les citoyens qui se sont battus pour la liberté en « une foule innombrable d’hommes semblables (…) qui tournent sans repos pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, (…) où chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée des autres ». Isolés, tout à leur distraction, concentrés sur leurs intérêts immédiats, incapables de s’associer pour résister, ces hommes remettent alors leur destinée à « un pouvoir immense et tutélaire qui se charge d’assurer leur jouissance (…) et ne cherche qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance. Ce pouvoir aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il pourvoit à leur sécurité (…) facilite leurs plaisirs (…) Il ne brise pas les volontés mais il les amollit (…), il éteint, il hébète ». Raffaele Simone pensait que la prophétie d’Alexis de Tocqueville était en train de se réaliser et que l’Italie de l’époque, avec Silvio Berlusconi, en était devenue le prototype abouti.

     Ecrit depuis l’avenir

     2064

Notre petite communauté

    

(fiction en cours d’écriture)

     Notre petite communauté est traversée par les clivages qui fractionnaient le monde depuis longtemps avant le début des grandes catastrophes. Dans cette vie antérieure qui était encore la nôtre quelques mois plus tôt, Sylvain avait été un Zadiste qui militait par l’exemple en cultivant son jardin – celui de l’Humanité – sur des terres préemptées par les collectivités publiques pour de grands projets que les écologistes jugeaient inutiles et néfastes pour la planète, c’est-à-dire, plus exactement, nuisibles à la vie, porteurs de mort. Il ne s’agissait pas seulement de protéger des espèces végétales et animales, quelques petites herbes ou bestioles comme on dirait des babioles! L’enjeu de ces luttes environnementales, qui avaient été initiées par les premiers militants verts dès la fin du vingtième siècle, était de protéger la vie, d’assurer la survie de l’espèce humaine. Evidemment, les tenants du productivisme, dont l’intérêt immédiat, pour des raisons diverses, était que rien ne change, avaient eu beau jeu de les accuser de catastrophisme, et les caricatures, hélas, avaient eu la vie dure! Du bobo parisien, hippie, éleveur de chèvres dans le massif central, à l’activiste révolutionnaire cagoulé des grandes manifestations altermondialistes, puis du zadiste embusqué fomenteur de troubles à l’ordre public, les images véhiculées par les médias et les partis politiques traditionnels de ces hommes et de ces femmes sincères qui avaient seulement eu le tort d’être plus lucides que leurs contemporains, avaient toutes eu en commun le dessein de discréditer les messages alarmants qu’ils lançaient à l’opinion, d’abord en les ridiculisant, puis, jouant sur les peurs, en les faisant passer pour des quasi terroristes…

     Ecrit depuis l’avenir

     2064