enviable

Nouvelle frontière

Nous étions si fragiles…

    Les Etats-Unis étaient coupés en deux. La frontière passait quelque part entre les 50% les plus riches de la population et les 50% les plus pauvres. Le vote pour Trump avait été la manifestation d’une forme de révolte de ces derniers, exclus du rêve américain, laissés pour compte, abandonnés sans ménagement et sans état d’âme à leur triste sort par tous ceux qui tiraient plus ou moins parti de la mondialisation. Le mouvement international Occupy, dix années plus tôt, avait tenté de fédérer contre l’oligarchie financière les opinions publiques de tous les pays dits riches, en mettant en évidence l’incroyable injustice d’une organisation sociale et politique planétaire capable de soumettre 99% de la population à 1% de puissants, qui détournaient à leur profit plus de 90% des richesses mondiales (le ratio avait atteint 99% en 2016!) et ne laissaient en pâture aux pauvres que des miettes que ces derniers étaient conduits à se disputer de la façon la plus indigne… Issu du mouvement européen des Indignés, Occupy s’était assez vite essoufflé mais l’élan que ces deux types d’action avaient suscité avait donné naissance dans plusieurs pays de l’OCDE à des mouvements politiques révolutionnaires (Syriza en Grèce, Podemos en Espagne…) qui avaient été porteurs d’un immense espoir de changement avant de se briser de façon tragique contre les murs que les puissants ne cessaient d’élever et de consolider pour défendre leurs privilèges. Leur échec à s’installer durablement au pouvoir et à mettre en application leur programme de restitution des richesses avait signé la fin de l’influence de la gauche dite radicale sur les velléités de renversement de l’ordre des choses des populations en souffrance. On pouvait bien parler en ce sens de trumpérisation des esprits, mais la motivation principale des soutiens de Trump comme de ceux de Marine Le Pen en France restait la peur du déclassement et du chômage, qui contaminaient la fraction de population intermédiaire entre les plus riches et les plus pauvres en l’aspirant vers le bas, sans l’espoir d’une vie meilleure possible à brève échéance et dans la crainte que, plus tard, ce ne soit encore pire pour les enfants. Le phénomène était mondial. Chaque pays de l’OCDE était fracturé par cette ligne de répartition des richesses de plus en plus défavorable non seulement aux pauvres mais aussi aux classes moyennes basses, dont le statut était de moins en moins enviable.

Enquête

Nous étions si fragiles…

    Martens ne reçut plus aucune visite pendant plusieurs mois. Le ministère de l’Intérieur rendait compte à intervalles réguliers de la progression de l’enquête en organisant des conférences au cours desquelles on demandait à des experts de décrypter les paroles sibyllines de l’espion et d’évaluer le degré de dangerosité auquel nous étions exposés du fait de ses intrusions dans les systèmes de défense. Les informations distillées reprenaient presque mot à mot les confidences que Martens m’avait faites!… Aucune allusion cependant à ce que j’appelais le mythe de l’Atlandide, les Autorités préféraient manifestement s’en tenir à une version réaliste de l’espion au service d’une puissance étrangère ou du mercenaire sans scrupule téléguidé par une organisation hostile… Et si Martens n’avait été qu’un simple lanceur d’alerte pris la main dans le sac? Le sort de ces personnes qui plaçaient l’intérêt général avant leur intérêt personnel et la tranquillité de leur existence n’était pas enviable. Elles tombaient sous les coups de la vindicte des puissants dès lors qu’un paravent de légalité protégeait les actions dévoilées, toutes frauduleuses ou immorales qu’elles fussent en réalité. On ne rigolait pas avec la préservation du secret, encore moins au ministère de la Défense, ce qui, d’une certaine façon pouvait se comprendre mais autorisait des dérapages dangereux pour la démocratie… Martens risquait de toutes façons quinze à vingt ans de prison, ce qui expliquait peut-être son obstination têtue à ne pas sortir du bois, à rester camouflé dans le flou de ses déclarations fantaisistes qui avaient le mérite de nourrir un véritable feuilleton médiatique autour de lui et de susciter une curiosité qui pouvait se révéler salvatrice, en sensibilisant l’opinion à de possibles abus qui seraient commis contre lui au nom de la raison d’Etat…

Raison d’Etat

Page sombre

(Récit en cours d’écriture)

     Martin ne reçut plus aucune visite pendant plusieurs mois. Le ministère de l’Intérieur rendait compte à intervalles réguliers de la progression de l’enquête en organisant des conférences au cours desquelles on demandait à des experts de décrypter les paroles sibyllines de l’espion et d’évaluer le degré de dangerosité auquel nous étions exposés du fait de ses intrusions dans les systèmes de défense. Les informations distillées reprenaient presque mot à mot les confidences que Martin avait bien voulu me faire!… Aucune allusion cependant à ce que j’appelais le mythe de l’Atlantide, les Autorités préféraient manifestement s’en tenir à une version classique ou réaliste d’agent téléguidé par une puissance étrangère ou de mercenaire sans scrupule vendu à une organisation hostile… Et si Martin n’avait été qu’un simple lanceur d’alerte pris la main dans le sac? Le sort de ces personnes qui plaçaient l’intérêt général avant leur intérêt personnel et la tranquillité de leur existence n’était pas enviable. Elles tombaient sous les coups de la vindicte des puissants dès lors qu’un paravent de légalité protégeait les actions dévoilées, toutes frauduleuses ou immorales qu’elles fussent en réalité. On ne rigolait pas avec la préservation du secret, encore moins au ministère de la Défense, ce qui, d’une certaine façon pouvait se comprendre mais autorisait des dérapages dangereux pour la démocratie. Martin risquait de toutes façons quinze à vingt ans de prison, ce qui expliquait peut-être son obstination têtue à ne pas sortir du bois, à rester camouflé dans le flou de ses déclarations fantaisistes qui avaient le mérite de nourrir un véritable feuilleton médiatique autour de lui et de susciter une curiosité qui pouvait se révéler salvatrice, en sensibilisant  l’opinion à de possibles abus qui seraient commis contre lui au nom de la raison d’Etat…

     Ecrit depuis l’avenir

     2064

    

En Marche

     Chaque pays de l’OCDE était fracturé par une ligne de répartition des richesses de plus en plus défavorable non seulement aux pauvres mais aussi aux classes moyennes basses, dont le statut était de moins en moins enviable. Les frontières physiques entre pays étaient devenues beaucoup moins importantes que cette nouvelle géographie politico-socio-économique qui prenait possession de toute la planète avec partout les mêmes conséquences de déstabilisation profonde des équilibres qui fondaient jusqu’alors un minimum de cohésion sociale. Le désarroi des gens formait le terreau nourricier des extrêmes-droites nationalistes et des nouveaux démagogues qui surgissaient de toutes parts. En France, le hollandisme avait ouvert la voie à une nouvelle sorte de populisme du centre incarné par Emmanuel Macron, ancien ministre de l’économie de François Hollande. Se prétendant ni de droite ni de gauche, transformant son inexpérience politique en argument de campagne lui donnant les vertus d’un homme nouveau, qui n’aurait pas les défauts habituels des postulants aux plus hautes responsabilités de l’Etat, et faisant de l’immaturité que lui reprochaient ses adversaires le gage de sa bonne foi et de son honnêteté, Emmanuel Macron avait inventé le mouvement En Marche, aux initiales de ses nom et prénom, tout un programme!… pour qu’il le conduise sur le perron de l’Elysée. Un vieux cacique lui avait apporté son soutien, François Bayrou, qui avait œuvré et manœuvré en vain pendant toute sa vie pour que la France soit gouvernée au centre, selon le vœu déjà ancien du président de la République française Valéry Giscard d’Estaing, en 1974. Mais, alors qu’il s’était fait le chantre d’une séparation claire entre les mondes politique et affairiste afin de lutter contre la corruption, François Bayrou avait manifestement occulté le fait qu’Emmanuel Macron était le poulain des milieux d’affaires et que ceux-ci lui avaient déroulé le tapis rouge à la banque Rothschild, ouvert les portes du pouvoir et des médias, facilité son ascension de toutes les manières possibles. D’autres que lui, comme l’ancien maire de Paris Bertrand Delanoë parmi les notables socialistes, ou le vice-président de l’Assemblée nationale François de Rugy chez les écologistes, devenus soudainement adeptes d’un social-libéralisme décomplexé, avaient franchi le Rubicon qui les séparait d’Emmanuel Macron en abandonnant les candidats élus à la primaire de leur parti, Benoît Hamon et Jannick Jadot, pour rejoindre ce nouvel homme providentiel qui s’était lui-même désolidarisé de son mentor, François Hollande…

     * Ce texte est rédigé au passé car il sera inséré dans le cours d’un récit écrit depuis l’avenir avec le point de vue d’une narratrice en train de vivre les derniers jours de l’Humanité et qui cherche, a posteriori, à comprendre pourquoi et comment on a pu en arriver là, en essayant de mettre en évidence les forces à l’œuvre dans le faisceau d’événements, de mouvements profonds et de décisions malencontreuses qui ont conduit à la plus grande crise écologique et sociale que l’Humanité ait jamais connue.

     Ecrit depuis l’avenir

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