entêtement

Effondrement

Nous étions si fragiles…

    L’explosion de l’EPR de Flamanville avait fait sauter les réseaux d’approvisionnement électrique de tout le quart Nord-Ouest de la France et privé l’ensemble du pays d’une part importante de sa production d’électricité. Les groupes électrogènes étaient affectés en priorité aux hôpitaux et, dans un certain nombre d’entrepôts frigorifiques privés de courant, la viande commençait à pourrir. L’entêtement des décideurs français à maintenir à tout prix l’industrie nucléaire avait empêché le pays de diversifier sa production par le développement des énergies renouvelables, qui manquaient soudain cruellement! L’électricité était indispensable à la vie de tous les jours, toute la vie économique en dépendait, et toute la vie sociale! Plus personne ne pouvait se passer des appareils de communication nomades dont le seul inconvénient était de fonctionner avec des batteries qui n’étaient pas inépuisables et qu’il fallait trop souvent recharger… la navigation sur le web était devenue pour (presque) tout le monde aussi naturelle que la marche à pied! Les réparations et la reconfiguration dans l’urgence des circuits de distribution prenaient beaucoup de temps et provoquaient d’autres séries de pannes. Pour compenser les défaillances, l’État sollicitait les gouvernements voisins pour qu’ils dirigent leurs surplus d’électricité vers les lignes à haute tension sous-alimentées, mais l’ambiance diplomatique n’était pas au beau fixe, les pays frontaliers voulaient du donnant-donnant, un peu d’électricité contre le pouvoir d’obtenir enfin de la France l’arrêt du nucléaire?… La vie économique, la marche des affaires, le fonctionnement des services administratifs et des Institutions, reposaient désormais entièrement sur les réseaux informatiques, les pannes entravaient la circulation de l’information, l’instruction des dossiers, mettaient en péril la sauvegarde des données. Cette vulnérabilité, notamment dans les ministères régaliens de la défense et de la Sécurité, aggravée par la menace de nouvelles cyberattaques massives analogues à celles qui avaient fait vaciller l’Etat juste après le déclenchement de la grande crise financière de 2029, fit sauter les derniers verrous qui protégeaient encore certains espaces de liberté démocratique dans l’Etat policier de la présidente de la République (?!!!) Marion Maréchal-Le Pen…

Le décor tenait encore debout

Nous étions si fragiles…

    De sombres nuages s’amoncelaient à l’horizon. C’est en 2022 sans doute que la tragédie planétaire dont le décor était planté depuis déjà plusieurs décennies noua ses derniers ressorts. Les nationalismes renaissants allaient dresser les pays les uns contre les autres. Le marchéisme sans retenue à l’œuvre dans le monde entier, et que le protectionnisme affiché par Donald Trump aux Etats-Unis ou Marine Le Pen en France n’entravait que très mollement, préparait une nouvelle crise financière encore plus destructrice que celle de 2007-2008; elle éclaterait cent ans seulement après le sinistre Jeudi Noir de 1929… L’entêtement de la France à perpétuer le nucléaire civil l’entraînait inexorablement vers une catastrophe que tous les gens de bon sens redoutaient en vain, et qui ajoutait ses funestes perspectives aux autres périls écologiques. Sur le continent américain, des feux de forêt gigantesques avaient commencé de ravager ce qu’il restait de grands espaces naturels en provoquant la panique de milliers, voire de centaines de milliers d’habitants des grandes villes voisines, contraints d’abandonner leur maison et de fuir sur les routes en n’ayant pu réunir pour tout bagage que quelques pauvres souvenirs. Au Sahel, la sécheresse provoquait l’exode de toute une population qui s’était battue avec le dernier courage pour continuer d’arracher au sol, malgré les difficultés croissantes dues au dérèglement climatique, la nourriture qui lui avait permis jusqu’alors de vivre sur les terres ancestrales. On ne souffrait plus seulement de la faim mais aussi de la soif, et des foyers de guerre pour le contrôle de l’eau, au Moyen-Orient et en Afrique, étaient entretenus par les grandes puissances pour assurer leur mainmise sur les dernières ressources minières et pétrolières encore exploitables de cette région du monde. En Amérique du Sud, l’alimentation en eau potable des mégalopoles devenait un cauchemar permanent pour tous les habitants, mais ce n’était pas mieux dans les régions montagneuses à l’écart des grandes villes. Même aux Etats-Unis, dans une ville comme Las Vegas, l’eau manquait cruellement et la toute-puissance Yankee n’y pouvait rien. Les mouvements de population provoqués par les bouleversements climatiques favorisaient le développement et la propagation de nouveaux microbes ou de nouveaux virus. Des maladies inconnues apparaissaient, qui n’épargnaient plus les ressortissants privilégiés des pays riches, car la pauvreté croissante des populations laborieuses les rendait vulnérables. Les dépenses de santé augmentaient mais les remboursements diminuaient, particulièrement en France où la Sécurité sociale, qui avait été à l’avant-garde de toutes les politiques de soins occidentales, subissait des coupes sombres de la part de dirigeants plus soucieux de prétendus déficits que du bien-être réel des malades. Un grand nombre de personnes n’avait plus les moyens de se soigner et fragilisait ainsi les barrières sanitaires mises en place par le corps médical… Toutes les bases de la vie sociale dans les pays riches et moins riches s’étaient mises à vaciller, et si le décor tenait encore debout, les plus lucides appréhendaient le moment où le château de cartes s’écroulerait sous les assauts conjugués des multiples catastrophes déjà en cours ou qui se préparaient…

Il n’y a plus de mots…

Page sombre

(Récit en cours d’écriture)

     Cette discrimination sociale, avec ses retombées calamiteuses sur la perception des minorités, s’était malheureusement accentuée au cours des trois décennies suivantes. L’entêtement des politiques marchéistes à faire perdurer un modèle économique qui avait épuisé les ressources de la planète et mis au ban de la société une partie de plus en plus grande de la population nous aura conduits au désastre absolu. O fatalité! Misère de l’espèce humaine!… Cette fois, nous sommes arrivés à la fin de la tragédie, le chœur chargé des lamentations a disparu, la masse des anonymes a été engloutie par des catastrophes sans nom, il n’y a plus de mots pour dire le Mal… Logos, le langage, a échoué… Cronos a pu manger tous ses enfants, le chaos a eu raison de la lumière!… Les humains avaient reçu le don de vivre en bonne intelligence, ils ont préféré l’obscurité, le charme des ombres, et les simulacres de la toute-puissance que ne leur avaient pas octroyée les dieux…

     Le piano de Louis 

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