anesthésier

Un espion venu du froid

Nous étions si fragiles…

    Les déclarations étranges de Martens, son comportement décalé, la capacité qu’il avait de s’abstraire subitement d’une conversation comme s’il s’envolait dans un ailleurs inconnu à des années-lumière de notre monde, permettaient de brosser un portrait de lui qui ressemblait fortement à celui d’un extra-terrestre, et certains médias friands de sensationnel n’avaient pas hésité à en faire effectivement un espion venu du froid des grandes profondeurs galactiques, franchissant ainsi le pas, pour le plus grand plaisir de leurs lecteurs avides d’histoires qui les sortaient d’un quotidien morne et triste, de la science-fiction… Pour ma part, j’avais forgé quelques hypothèses moins farfelues mais in fine non moins étonnantes que Jean-François avait balayées d’un immense éclat de rire quand j’avais essayé de lui faire partager les éléments sur lesquels reposait ma réflexion quant à ce mystérieux pays d’où venait Martens… Il n’empêche, tout aussi incroyable que cela puisse paraître, il n’est pas impossible que… mais peut-être Jean-François avait-t-il par la suite exploré cette piste sans m’en parler (secret défense!) ?… J’ai sans doute rêvé toute cette histoire, le charme de Martens aurait opéré sur moi une sorte de fascination capable de donner vie à des simulacres et de faire émerger du néant des mondes fantasmagoriques? Etrange pouvoir de la séduction exercée par un homme particulièrement beau que les foules ne parvenaient pas à diaboliser malgré les circonstances de son arrestation?… D’une certaine façon, nous étions tous fous… embarqués dans la machine infernale d’un monde détraqué dont plus personne n’était capable de tenir la barre! Les mêmes postures et les mêmes impostures issues d’une Matrice dont plus personne ne connaissait l’origine se dupliquaient à l’infini d’un bout à l’autre de la planète en engendrant partout le même type de réponse surréaliste à des situations réelles qui confinaient au désastre! La Parole de la pensée Unique diffusait ses drogues anesthésiantes dans le corps entier de l’Humanité qui ne trouvait plus en elle assez de force pour lutter contre son anéantissement…

Les dangers du nucléaire

Nous étions si fragiles…

    Avec l’accueil des réfugiés, la sortie du nucléaire avait été l’un des aspects les plus positifs du bilan de la chancelière, et l’attentat qui venait de se produire en France mettait soudain en lumière la pertinence de la décision qu’elle avait prise après la catastrophe de Fukushima. Les centrales françaises de Fessenheim, Chooz et Bugey, proches de leur frontière, étaient désormais perçues par l’Allemagne, le Luxembourg et la Suisse comme un danger potentiel auquel il fallait mettre un terme au plus vite. De même, la construction d’un centre de stockage des déchets radioactifs à Bure, en Alsace, était de plus en plus violemment contestée. Le dogmatisme de la France sur la question du nucléaire n’était plus accepté par son principal partenaire européen et allait se fissurer sous les coups de boutoir de l’opinion qui commençait à réclamer des comptes. De ce point de vue, la petite bombe atomique qui venait d’exploser au château de Versailles pouvait servir de détonateur à une remise en cause radicale et salvatrice de la politique énergétique française, en provoquant un sursaut démocratique vital dans le pays. Le pouvoir prétendait qu’il n’y avait aucun lien entre ce type d’attentat et le fonctionnement d’une centrale, comme on avait pu dire en 2011 à propos de la catastrophe de Fukushima qu’il ne s’agissait pas d’un accident nucléaire mais d’un tsunami. Ce genre de discours, alimenté par les lobbys, n’était plus accueilli avec la même candeur. Il n’y avait pas eu de catastrophe naturelle à Versailles, la zone sinistrée et vidée de ses habitants devenait brutalement inhabitable du seul fait de la radioactivité de la matière libérée au moment de l’explosion, la Novlangue devait se reprendre, reformuler, reculer. L’aspiration des gens au débat démocratique semblait retrouver de la vigueur, les consciences se réveillaient, toutes les bonnes volontés réunies pouvaient encore faire échec au monstre doux qui tentait une nouvelle fois de les anesthésier et de les neutraliser…

Les consciences se réveillaient

     Le pouvoir prétendait qu’il n’y avait aucun lien entre ce type d’attentat et le fonctionnement d’une centrale, comme on avait pu dire en 2011 à propos de la catastrophe de Fukushima qu’il ne s’agissait pas d’un accident nucléaire mais d’un tsunami. Ce genre de discours, alimenté par les lobbys, n’était plus accueilli avec la même candeur. Il n’y avait pas eu de catastrophe naturelle à Versailles, la zone sinistrée et vidée de ses habitants disparaissait brutalement de la carte du seul fait de la radioactivité de la matière libérée au moment de l’explosion, le novlangue devait se reprendre, reformuler, reculer. L’aspiration des gens au débat démocratique semblait retrouver de la vigueur, les consciences se réveillaient, toutes les bonnes volontés réunies pouvaient encore faire échec au monstre doux qui tentait une nouvelle fois de les anesthésier et de les neutraliser.

     Ecrit depuis l’avenir

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