Une monumentale somme d’erreurs

     J’écrivais dans un grand journal parisien. Comme tout rédacteur, je recherchais la clarté, que mes articles puissent être lus et compris par le plus grand nombre, mais il fallait aussi ne jamais oublier le second degré, utiliser et manier (manipuler?) les références, répondre aux exigences d’un lectorat cultivé appartenant aux catégories socio-professionnelles dites supérieures (sous quel angle?!)… Loin d’être naïf, mon style se conformait aux canons en vigueur, il en allait de la longévité de mon emploi, ma carrière était en jeu. Ecrire n’était pas innocent, ne l’a jamais été. A-t-on jamais dit clairement qu’écrire, penser, parler, sont des actes? De véritables actes au même titre que les actions concrètes, qui en entraînent d’autres dans une chaîne implacable de cause à effet? Un enchaînement d’incitations, de forces, de poussées dont la somme nous pousse inéluctablement vers tel ou tel résultat, telle ou telle situation. C’est mathématique, scientifique, ce sont les lois de la physique qui l’expliquent, et nos paroles, nos écrits, nos pensées, obéissent aussi aux lois de la physique, l’opposition entre la réflexion et l’action n’a pas de sens, l’absence de réflexion est un crime, le vide de la pensée est monstrueux. La mise en commun de nos intérêts et de nos égoïsmes personnels, une sorte d’équivalent de l’entité appelée par Adam Smith la main invisible du marché, aura donc eu pour conséquence cette somme monumentale d’erreurs qui nous ont conduits au suicide collectif! Avec leurs dizaines de millions de morts, les deux guerres mondiales du vingtième siècle n’avaient été que des répétitions générales avant la tragédie finale : « L’extinction de l’Humanité ». Triste histoire que la nôtre. Sa conclusion achève de montrer que l’émancipation de la condition animale ne nous avait pas principalement dotés d’intelligence, mais surtout de sottise et de haine…

6 commentaires

  1. Bon jour,
    Si peux me permettre une remarque selon les statistiques sur les humains sur cette Terre : en 1900 : 1,5 milliards (environ) et en 2020 : 8 milliards (environ). On ne peut pas dire que nous sommes dans une version : d’extinction.
    La vie humaines est ce qu’elle est, c’est sûr. Mais notre instinct de survie (que l’on peut comparer, il est vrai à de la bêtise quand deux hommes se frappent pour avoir un bidon d’essence dans une station service lors d’une certaine grève qui bloquait les centres d’approvisionnement) est proportionnelle à la condition de notre état. Ce qui est somme tout à fait normal. Si demain, il manque cruellement de farine, d’eau, de nourriture, il est clair que le degré, par exemple, d’amitié avec votre voisin, changera.
    Nous sommes tous inégaux, c’est une évidence. Alors comment gérer une société égalitaire, sûre, avec les mêmes obligations et devoirs, etc. (A part les lois, les dictatures, etc).

    Max-Louis

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    1. C’est sur cette question précisément que s’étaient penchés les philosophes des Lumières au 18ème siècle, Montesquieu, Rousseau… Oui, les gens sont ce qu’ils sont, pour le meilleur et aussi pour le pire, hélas… On ne peut pas faire confiance aux individus, pris isolément, pour assurer le bien commun, et surtout pas à un homme ou à une femme providentiel-le! Le despote éclairé n’est qu’une vue de l’esprit… Il n’y a pas d’autre voie que collective, quand le peuple est réellement souverain… la démocratie reste une belle idée!

      Quant à l’extinction de l’Humanité, on a du mal à imaginer, effectivement, que 8 milliards d’individus disparaîtraient brutalement et définitivement… Mais comment accepter les souffrances inévitables de tous ceux et celles qui auront à subir (qui subissent déjà!) les effets du dérèglement climatique? Par ailleurs, nous ne sommes toujours pas à l’abri d’un désastre nucléaire. L’horloge conceptuelle mise au point par des scientifiques après la seconde guerre mondiale pour mesurer l’état de tension dans le monde est de nouveau très alarmiste…

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    1. il faudra encore vérifier si le virus est aussi vertueux que le marché…

      Sinon, l’idée (très occidentale et 19e siecle-proof) que l’histoire humaine est une progression constante vers un mieux est en train d’attendre son plateau, voire de redescendre vers une profonde pénéplaine…

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      1. Si le virus était inoffensif, on pourrait se réjouir qu’il ait la « vertu » de stopper les émissions de CO2 mondiales!… Personne n’était en mesure d’arrêter la locomotive folle de la production… les marches pour le climat ou les actions d’Extinction-Rébellion font parler sur le moment mais ne produisent aucun effet tangible… le virus, lui, a réussi à mettre à l’arrêt presque toutes les industries de la planète!

        Le 19ème siècle était optimiste, en proie à une frénésie de confiance dans les capacités humaines à triompher (!) du monde… Hubris…

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